Intervention de Raymond Lang

Réunion du jeudi 4 avril 2019 à 11h00
Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

Raymond Lang, membre des directoires Transports et mobilités durables et Énergie de France Nature Environnement :

Je partage l'analyse qu'a faite M. Léandri du transport fluvial, qui est assez proche, par certains côtés, du transport ferroviaire. Il s'agit de deux modes alternatifs au transport routier qu'il faut essayer de développer pour parvenir à une transition énergétique satisfaisante pour l'amélioration de la qualité de l'air. Nous savons que celle-ci est affectée par les transports de deux manières : par les polluants que sont les oxydes d'azote et par les particules fines et ultrafines qui proviennent de la motorisation diesel, présente dans tous les modes de transport mais dans une moindre mesure dans le secteur ferroviaire. C'est ce qui fait, je crois, l'intérêt majeur du rail : il peut se passer en grande partie du gazole. À cela s'ajoutent les émissions de gaz à effet de serre : le dioxyde de carbone mais aussi le méthane qui a un effet plus marqué sur le court terme qu'il faudra davantage prendre en compte avec l'aggravation du réchauffement climatique. Le transport routier, mode de transport des marchandises dominant, est à l'origine d'émissions de CO2 élevées que nous devrons essayer de réduire.

Pour parvenir à une bonne transition énergétique, il faut voir comment les modes les plus respectueux de l'environnement peuvent cesser de perdre des parts de marché.

L'humanité commence à prendre conscience des enjeux environnementaux. On le voit à travers les manifestations récentes qui ont mobilisé les jeunes générations. En contestant les positions prises par les générations antérieures, elles nous montrent sans doute le chemin qu'il faut suivre.

Il faut bien sûr trouver des modes alternatifs. Le transport routier aura toujours une pertinence mais il doit évoluer et les propos que vient de tenir Benoît Daly me rassurent car ils montrent que des motorisations plus adaptées que le diesel commencent à émerger. Le moteur diesel a été un excellent moteur sur le plan du rendement mais quand on en fait l'analyse écologique, il s'avère qu'il pollue énormément et que jusqu'à présent, il n'y a eu que de fausses solutions pour l'améliorer. Il faut savoir renoncer à cette motorisation et au carburant d'origine fossile qui y est associé, le gazole. Cela prendra du temps mais il y a des ouvertures qui se profilent.

Sur le long terme, le transport ferroviaire a perdu depuis la seconde guerre mondiale beaucoup de parts de marché. Lors de la première crise pétrolière, on aurait pu penser qu'il reprendrait de l'essor mais cela n'a pas été le cas : il a hélas perdu 10 % de son trafic et n'a par la suite jamais repris sa place. Sa part de marché s'est stabilisée depuis 2011 pour se fixer à 10 % avec, en 2016 et 2017, une légère diminution car les récoltes de céréales n'ont pas été excellentes. Le transport ferroviaire n'a pas connu un environnement favorable pour pouvoir se maintenir.

Il faut redonner de l'élan au fret ferroviaire comme au fret fluvial afin de créer les conditions d'un vrai report modal, comme la Commission européenne en a exprimé le souhait en 2001 dans son Livre blanc consacré aux transports. Cette reconquête ne s'est pas produite et la Commission en porte une part de responsabilité car elle n'a pas suffisamment intégré le fait que la concurrence entre mode ferroviaire et mode routier est souvent déloyale. Il appartient aux pouvoirs publics de fixer un cadre pour qu'elle se déroule de façon plus honnête.

Le mode ferroviaire a des atouts à faire valoir. Du fait des caractéristiques du contact rail-roue, il a une très faible résistance à l'avancement. Il permet de faire des économies d'énergie : par tonne utile transportée, les dépenses d'énergie sont six fois moindres. Toutefois se pose le problème de l'extension des réseaux. Il faudrait que le mode ferroviaire soit en mesure de renoncer au diesel même pour la desserte terminale mais nous savons que l'électrification des derniers kilomètres coûte encore trop cher. Or je ne vois pas poindre de solutions matures comme dans le transport routier avec le gaz naturel.

Le gaz naturel est une énergie fossile mais il a la possibilité de se transformer en énergie renouvelable et écologique. C'est peut-être la seule énergie qui soit dotée de cette caractéristique. La même molécule, le méthane, CH4, peut être soit d'origine fossile soit d'origine renouvelable. On va désormais laisser le carbone enfoui dans la croûte terrestre depuis des millions d'années pour utiliser le cycle court du carbone, ce qui permettra de réduire les émissions de CO2 de l'ordre de 80 %.

Le déclin du rail tient aussi à d'autres raisons. Accéder au réseau ferroviaire est plus complexe que d'accéder au réseau routier, car cela nécessite des embranchements particuliers dont l'amortissement nécessite un trafic régulier. Sur le plan international, des contraintes techniques comme l'écartement des voies pèsent aussi.

Le trafic marchandises ne paie pas réellement le coût des infrastructures, qui est payé essentiellement par le véhicule léger, dont l'impact sur l'infrastructure est 10 000 fois moindre qu'un véhicule lourd. Sur le réseau concédé, la tarification est trois fois supérieure. Elle est donc très éloignée du rapport d'usure.

Ce sont autant de raisons pour revoir le cadre de fonctionnement du mode de transport routier et des modes de transports alternatifs.

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