S'agissant du dernier kilomètre, il faut avoir conscience qu'il s'agit d'une logistique dont les coûts sont élevés et les recettes faibles. C'est un secteur dans lequel la possession de véhicules excède rarement deux ans, ce qui d'ailleurs est aussi la durée de vie moyenne des entreprises concernées. Nous sommes donc en présence d'une concurrence franco-française extrêmement sauvage, dans le cadre de laquelle agissent des acteurs souvent non déclarés, très faiblement formés et utilisant des véhicules généralement en fin de vie.
Pire encore, l'un des facteurs qui jouent contre toute amélioration est l'attente des consommateurs. Vous avez évoqué la plateforme de commerce électronique qui se crée dans votre circonscription ; le pendant de cette forme de consommation, c'est que le client veut tout, tout de suite, sans payer les conséquences économiques et environnementales résultant de cette rapidité. Pour vous en convaincre, il vous suffit de vous connecter à une plateforme américaine bien connue et de commander un colis aujourd'hui : vous serez livré ce soir par un véhicule qui ne peut pas être plein, qui ne peut pas être optimisé. Cette évolution est poussée par le consommateur à qui on propose toujours plus, ce qui est le cas de cette plateforme notamment, du transport gratuit, car il est offert. Dans la mesure où vous ne payez pas la conséquence de vos actes, vous n'en êtes absolument pas conscient.
C'est un des éléments à prendre en compte dans la logistique du dernier kilomètre, domaine dans lequel il y a fort à faire, et dans lequel l'utilisation de véhicules performants sur le plan écologique pourrait avoir des effets bénéfiques pour une grande partie de la population française. Mais c'est aussi le secteur où il sera sans doute le plus difficile d'imprimer cette trajectoire.
Pour répondre à la question sur la possibilité de favoriser le report modal en faisant transporter des colis de la messagerie par des trains ou sur des voies navigables, je dirai que, malheureusement, l'attente du consommateur porte aussi sur une certitude de qualité et de rapidité. Sans connotation péjorative, je rappelle qu'il s'agit de modes de massification, ce qui fait leur efficacité, mais ce qui les soumet aussi à des contraintes liées à la nature même des infrastructures utilisées, voire à la concurrence existant entre le transport ferroviaire de passagers et celui de marchandises, qui joue toujours en faveur du premier.
Nous avons une expérience dans ce domaine puisque, jusqu'au milieu des années 1990, une partie des colis était acheminée en transport combiné. Pendant cinq ans, j'ai participé au développement du transport combiné par le tunnel sous la Manche. J'ai ensuite été amené à diriger une des entreprises françaises de transport combiné, qui malheureusement a subi les hausses tarifaires de la SNCF.