Intervention de Jacqueline Gourault

Séance en hémicycle du jeudi 9 mai 2019 à 9h30
Préenseignes — Présentation

Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales :

Bien entendu, la ministre de la cohésion des territoires et, plus largement, le Gouvernement, entendent la préoccupation exprimée par ce texte. J'entends les difficultés des territoires ruraux dont vous vous faites les porte-paroles. J'entends, monsieur le rapporteur, le désarroi des restaurateurs confrontés à une baisse de leur chiffre d'affaires, laquelle serait liée à la réduction du nombre de clients occasionnels ou de passage depuis que le signalement de la présence de leur établissement au moyen d'une préenseigne leur est interdit. Même s'il me semblerait utile d'évaluer précisément les effets économiques strictement liés à cette interdiction en vigueur depuis près de quatre ans, en particulier parce que d'autres facteurs ont certainement joué dans la crise que traversent les restaurants ruraux, je ne doute pas que la disparition des préenseignes a eu un effet réel.

Au-delà des restaurateurs, le Gouvernement est particulièrement sensible à la question de la vitalité économique des territoires et des ruralités. C'est la raison pour laquelle, dans le prolongement des orientations tracées par le Président de la République et le Premier ministre – le rapporteur vient de le rappeler – , le Gouvernement travaille à l'élaboration d'un agenda rural, c'est-à-dire à la préparation de mesures en faveur du soutien à nos territoires ruraux. Cet agenda rural, qui bénéficiera en particulier des conclusions d'un groupe de travail composé d'élus, notamment locaux, que j'ai constitué et qui doit me remettre le résultat de ses travaux au début du mois prochain, sera aussi l'occasion pour le Gouvernement de présenter des mesures spécifiques de soutien aux commerces de proximité, parmi lesquels figurent bien évidemment les restaurants, ainsi qu'un plan d'action global de soutien aux petites centralités, aux centres-bourgs, comme je m'y suis déjà engagée devant votre assemblée.

Faut-il alors rétablir, comme le Parlement s'était accordé à le faire dans le cadre de la loi ELAN, la possibilité pour les restaurants de se signaler par des préenseignes ?

Je note tout d'abord que votre commission des affaires économiques, sur proposition de son rapporteur, a retenu une position de principe : ne pas élargir cette faculté à d'autres activités que celles des restaurants. Je ne peux que m'en féliciter car il ne saurait être question, à la faveur de ce texte, de revenir de près ou de loin à la situation qui prévalait avant l'entrée en vigueur de la loi portant engagement national pour l'environnement.

Je note également, et je tiens là aussi à m'en féliciter, que votre commission a exprimé une préoccupation forte en faveur de la restauration de qualité, ce qui fait d'ailleurs écho aux débats que vous aviez eus en séance publique, en juin dernier, lors de l'examen de l'amendement déposé par le député Ramos et adopté par les deux assemblées parlementaires. En effet, si une nouvelle exception doit être introduite dans notre droit pour autoriser l'implantation de préenseignes dérogatoires, celle-ci doit être rédigée dans des termes permettant d'en faire bénéficier avant tout les restaurants répondant à des standards de qualité, les restaurants qui font vivre la ruralité.

Trouver une définition, un critère, qui soit suffisamment solide sur le plan juridique pour ne pas encourir de censure au regard du principe d'égalité mais qui soit aussi facilement applicable n'est sûrement pas un exercice aisé. De ce point de vue, je constate que vous avez vous-même émis des doutes sur le caractère opérationnel des dispositions retenues en commission qui limitent ces facultés de préenseignes dérogatoires aux seuls restaurants « répondant à un savoir-faire traditionnel et dont la majorité des plats proposés à la clientèle dispose de la mention "fait maison" ». En effet, ces critères sont difficilement applicables, qu'il s'agisse de la notion de « savoir-faire traditionnel », qui ne répond à aucune définition juridique, ou de l'exigence de disposer à la carte d'une majorité de plats « faits maison », ce critère semblant très malaisé à contrôler, en particulier en raison de la mise à jour régulière par les restaurateurs des plats proposés à la clientèle.

Dans ces conditions, si le Gouvernement ne peut que partager la philosophie qui a animé cette recherche d'un critère tendant à resserrer strictement la possibilité de préenseignes dérogatoires, il est naturellement sensible à la lisibilité du droit et à la nécessité de définir un dispositif applicable et opérationnel. À cet égard, la nouvelle rédaction proposée par deux amendements identiques déposés par le rapporteur et par le groupe La République en marche, qui prévoient de limiter les facultés de préenseignes dérogatoires aux restaurants proposant des plats « faits maison », apparaît de nature à répondre à ces exigences et me semble donc plus satisfaisante.

Si votre assemblée décide aujourd'hui de rétablir cette nouvelle faculté de préenseignes dérogatoires pour les restaurants – ce dont je ne doute pas – , cela se fera aux conditions réglementaires actuellement applicables aux activités qui bénéficient déjà de la possibilité de se signaler par une préenseigne. Ces préenseignes ne peuvent être implantées qu'à cinq kilomètres au plus de l'entrée de l'agglomération, au sens de l'INSEE, ou du lieu où est exercée l'activité qu'elles signalent. Leurs dimensions ne peuvent excéder 1 mètre en hauteur et 1,50 mètre en largeur, ce qui n'est pas rien. La hauteur maximale, panneau inclus, ne peut dépasser 2,20 mètres au-dessus du sol. Chaque restaurant pouvant bénéficier de cette nouvelle dérogation n'aura le droit d'installer, au plus, que deux préenseignes.

Je tiens aussi à rappeler qu'en application des dispositions générales relatives à la publicité fixées par le code de l'environnement, toute forme de préenseigne est interdite dans les sites remarquables, c'est-à-dire sur les monuments naturels et dans les sites classés, ainsi que dans les coeurs des parcs nationaux et des réserves naturelles.

D'une manière plus générale, le Gouvernement, dans le cadre de l'approfondissement de la décentralisation souhaité par le Président de la République, estime que de telles dispositions gagneraient à être prises au plus près du terrain, conformément aux enseignements que nous retenons du grand débat national.

J'entends, monsieur le rapporteur, votre souhait d'une adoption rapide de ce texte afin de répondre le plus vite possible à une forte attente des restaurateurs et, plus généralement, des habitants de ces zones rurales qui pâtissent des difficultés économiques que traversent ces entreprises. Pour autant, le Gouvernement estime que ce débat doit nous conduire à nous interroger sur l'échelon pertinent de prise de décision en la matière. Il est dommage que nous n'ayons pu le faire dans le cadre de ce texte. De même que le droit de l'urbanisme est un droit très largement décentralisé, comme vous le savez tous, le Gouvernement considère que les décisions d'implantation de préenseignes dérogatoires devraient être renvoyées aux communes ou aux intercommunalités, dans le cadre des règlements locaux de publicité, qu'ils soient communaux ou intercommunaux. Les élus locaux semblent, dans ce domaine, les mieux placés pour savoir où sont implantés les restaurants dont le dynamisme dépend de cette clientèle de passage et dans quels secteurs l'implantation de telles préenseignes pourrait avoir un effet bénéfique pour leur activité.

Une telle réflexion doit nous conduire à nous interroger à nouveau sur l'architecture générale des dispositions relatives aux règlements locaux de publicité, dont le mouvement d'élaboration est encore insuffisamment lancé et qui ne sont aujourd'hui susceptibles de couvrir que les collectivités compétentes en matière de plan local d'urbanisme – PLU. Or les communes soumises au règlement national d'urbanisme – RNU – ou couvertes par une carte communale ont, elles aussi, des restaurants implantés sur leur territoire qui pourraient trouver avantage à se signaler par une préenseigne – ce sont d'ailleurs sûrement ceux-là que vous visez en priorité. Dès lors que nous souhaiterions renvoyer aux règlements locaux de publicité les facultés d'implantation des préenseignes dérogatoires, il conviendrait de trouver une solution pour ces collectivités non compétentes en matière de PLU. La réflexion que j'engage ici vaut la peine d'être approfondie.

Ce texte repose enfin sur un pari, celui de la confiance envers les restaurateurs eux-mêmes, qui doivent démontrer leur capacité à s'autoréguler en choisissant pour leurs préenseignes des emplacements qui concilient l'attractivité de leur restaurant et la préservation des paysages. En cette matière comme en toute chose, ce sont les excès qui obligent le législateur à intervenir.

Je suis de celles qui pensent que ce n'est pas parce que l'on vit à la campagne que l'on ne doit pas avoir de la qualité, y compris dans les affichages.

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