Intervention de Marianne Dubois

Séance en hémicycle du jeudi 9 mai 2019 à 9h30
Préenseignes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarianne Dubois :

Permettez-moi tout d'abord, à titre personnel, de me réjouir de l'examen de cette proposition de loi, car j'ai moi-même travaillé sur ce sujet depuis plusieurs années, et récemment en collaboration avec mon collègue du Loiret, Richard Ramos. J'ai ainsi déposé une proposition de loi semblable à celle que nous examinons ce matin, qui a été cosignée par trente-trois de nos collègues. C'est donc bien volontiers que je m'adresse à vous en qualité d'orateur du groupe Les Républicains et que je vais défendre ce texte.

Pourquoi devons-nous permettre l'installation de ces préenseignes pour les restaurants et les hôtels en milieu rural ? Je vais aborder brièvement deux thèmes : le tourisme et la gastronomie.

La France – notre belle France, devrais-je dire – est l'un des pays qui accueillent le plus de touristes au monde. Nous avons accueilli 87 millions de touristes en 2017, et près de 90 millions en 2018 : c'est un chiffre record, malgré les événements qui auraient pu décourager nos amis étrangers. Le tourisme vert explique une bonne partie de ce succès. Nous devrions, cette année encore, conserver notre titre de première destination mondiale, et je m'en félicite car c'est un facteur important pour l'économie française. Nombreux sont les secteurs professionnels qui travaillent grâce au tourisme. Bien naturellement, il n'y a pas que des étrangers qui visitent notre pays : les Français eux-mêmes choisissent de passer leurs vacances en France.

Le deuxième thème que je veux aborder est celui de la gastronomie, cher à notre ami Richard Ramos. Là encore, notre pays brille de mille feux dans ce domaine. La réputation de la gastronomie française n'est plus à faire. Dans les enquêtes d'opinion permettant de connaître les raisons qui ont conduit les touristes à choisir la France comme destination pour leurs vacances, la gastronomie figure parmi les toutes premières motivations, avec les paysages, la culture et les monuments historiques. Les hôteliers et restaurateurs tiennent donc un rôle primordial pour notre économie.

Sans que je vous en abreuve à l'excès, permettez-moi de vous rappeler quelques chiffres. Terre de gastronomie, l'Hexagone regroupe près de 200 000 restaurants. Au fil des ans, le nombre d'emplois dans la restauration en France va crescendo. Ainsi, la filière comptait 615 000 salariés en 2013, puis 764 000 en 2016 ; aujourd'hui, le secteur représente, à l'échelle nationale, plus de 960 000 actifs, hors saisonniers. Figurant traditionnellement parmi les locomotives de l'économie nationale, il est présent sur tout le territoire, dans de nombreuses communes rurales, et offre ainsi un large éventail de services de proximité grâce à ses multiples établissements. Le secteur constitue l'un des premiers employeurs de France : il emploie 3 % de l'ensemble des salariés. La restauration représente 60 % du chiffre d'affaires du tourisme. En outre, 6 % des Français vont au moins une fois par semaine au restaurant. J'arrête là l'énoncé des chiffres concernant le secteur de la restauration, mais vous avez bien compris ma démonstration : les restaurateurs sont incontournables en France.

En revanche, les politiques de déplacement visant à éviter les centres-villes et villages font que ces derniers sont de moins en moins traversés par les automobilistes. Les commerçants, notamment les restaurateurs, souffrent de ces voies de contournement.

Les préenseignes étaient un excellent moyen pour faire entrer dans la ville les touristes ou personnes de passage à la recherche d'un restaurant. Or la loi Grenelle 2 a mis un terme, depuis le 13 juillet 2015, au système dérogatoire des préenseignes. Il ne s'agit pas aujourd'hui de revenir au « tout autorisé » et à la jungle des panneaux qui défiguraient nos paysages. Le Grenelle 2 a été bénéfique pour nos territoires, mais une mauvaise expertise, hors sol et sans nuance, a mis à mal des pans entiers de notre économie rurale. L'application de cette interdiction des préenseignes a d'ailleurs été progressive, voire aléatoirement effective, selon les régions et départements de France, avec des effets parfois dévastateurs pour les petits établissements ruraux de restauration et d'hôtellerie. Ces derniers rencontrent des difficultés à être référencés sur Internet, sur les réseaux et plateformes professionnels, ou sont situés dans des zones blanches. La signalétique est souvent la seule communication permettant de guider les clients vers ces établissements. Ils sont enfin, et surtout, parfois les seuls commerces encore en activité dans les villages de nos territoires ruraux.

En interdisant les préenseignes dans les communes de moins de 10 000 habitants, le législateur a organisé une terrible discrimination commerciale et, surtout, territoriale, ce qui n'est pas acceptable. Le commerce de proximité doit être soutenu, et pour cela être visible et accessible dans nos campagnes. Les hôteliers et restaurateurs ont été durement pénalisés, avec une perte de chiffre d'affaires pouvant atteindre 30 %. Certains ont dû fermer leur établissement, ce qui a parfois conduit à des drames.

Toutes les associations professionnelles ont interpellé les parlementaires sur l'absolue nécessité de réintroduire les préenseignes. L'Association des maires ruraux de France a également interpellé le Gouvernement sur les conséquences du retrait des préenseignes scellées au sol, ou simplement posées sur un chevalet, qui indiquent la proximité d'un local en zone rurale. Depuis un arrêté du 13 juillet 2015, seule la SIL, que les professionnels jugent insuffisante et totalement inadaptée au tourisme, peut être mise en place. L'UMIH, soutenue par l'AMRF, demande par conséquent l'autorisation d'utiliser des préenseignes dérogatoires, comme peuvent le faire aujourd'hui les activités de fabrication ou de vente de produits du terroir.

Vous l'avez compris, je soutiens cette demande de la profession et le retour des préenseignes. Toutefois, quelques réserves doivent être apportées.

Les préenseignes ont été interdites par la loi Grenelle 2 dans un souci environnemental. Le législateur avait voulu remédier à cette inflation d'enseignes qui défiguraient nos paysages. Soit ! Cependant, il faut trouver un juste équilibre entre la protection de l'environnement, l'information commerciale et le maintien de la vie dans nos villages, entre la préservation de nos paysages et la vitalité de nos territoires ruraux. C'est l'objet des travaux que nous avons entrepris, depuis plus d'un an, avec l'UMIH, le département et le préfet du Loiret pour définir une signalétique appropriée et homogène à l'échelle du département. Le projet est abouti ; reste à faire évoluer le cadre législatif pour permettre sa mise en oeuvre en dehors d'une expérimentation.

Cependant, nous devons être très attentifs. En effet, si les restaurateurs et hôteliers obtiennent satisfaction, n'allons-nous pas voir d'autres commerçants exiger le même traitement ? Pour remédier à ce problème, qui ne manquera pas de surgir, nous devons définir dans cette proposition de loi des garde-fous, des garanties sur les conditions d'installation de ces préenseignes qui pourront être précisées dans les décrets d'application. Le projet que nous avons bâti dans le Loiret peut être pris en exemple : c'est un projet de bon sens et pragmatique.

Avec ces réserves et ces précisions, je suis naturellement favorable au retour des préenseignes, et le groupe Les Républicains votera en faveur de cette proposition de loi.

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