Intervention de Laurent Garcia

Séance en hémicycle du jeudi 9 mai 2019 à 15h00
Droit voisin au profit des agences et éditeurs de presse — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Garcia :

Nous avons pu goûter avec bonheur, ce matin, l'implication et la pugnacité de notre collègue Richard Ramos, fidèle à sa volonté de défendre le milieu rural et les préenseignes. Nous bénéficions cet après-midi du même volontarisme, de la part, cette fois, du président Patrick Mignola, concernant le droit voisin au profit des agences et des éditeurs de presse. Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés est particulièrement heureux de porter à l'ordre du jour de notre assemblée un texte qui, à bien des égards, revêt une importance particulière. Nous nous réjouissons d'abord de le faire en ce jour de célébration de l'Europe, continent de la démocratie, de la solidarité et de la paix, pour démontrer, s'il en était besoin, notre attachement à la construction de l'édifice européen, mais aussi la force de l'UE lorsqu'elle sait s'unir au service de projets aussi importants. La portée de l'enjeu nécessitait en effet une réponse conjointe.

De fait, cette proposition de loi constitue la suite logique du vote de la directive du Parlement européen et du Conseil sur le droit d'auteur dans le marché unique numérique, vote qui fut l'aboutissement de très longues discussions et d'échanges très fournis. Il était nécessaire que cette directive aboutisse, car nous savons combien est essentiel le sujet du droit d'auteur dans l'architecture générale du monde culturel. C'est donc une fierté pour nous tous, Européens, et une satisfaction particulière pour la France, qui s'est particulièrement battue pour emporter la décision, au travers notamment de l'action de Françoise Nyssen, qui vous a précédé dans cette fonction, et de vous-même, monsieur le ministre de la culture.

Nous discutons aujourd'hui de la transposition de l'article 15 de la directive, qui consacre un droit voisin au profit des éditeurs et agences de presse. Notre groupe avait déjà, l'an dernier, proposé d'anticiper le vote de la directive, estimant que la reconnaissance et l'application d'un tel droit ne pouvaient attendre, pour des raisons qui tenaient – et c'est toujours le cas – à la situation très précaire de la presse face au bouleversement qu'a engendré l'arrivée des acteurs numériques. Nous sommes heureux de constater qu'un an après, nous sommes très largement réunis pour soutenir ce texte et cette transposition.

Cette unité est nécessaire pour faire face à ce qu'il est désormais convenu d'appeler les « infomédiaires ». En effet, nous l'avons rappelé en commission, il est essentiel de redonner un cadre démocratique à ces pratiques nouvelles : c'est notre responsabilité de parlementaires.

L'action du Parlement a ainsi évolué autour de trois axes. Le premier d'entre eux est la responsabilité fiscale, par le consentement à l'impôt, base du contrat démocratique, grâce à l'initiative de la majorité, qui a conduit à créer une taxe sur les services numériques. Deuxième axe, la responsabilité pénale, qui découle du fait que chacun est responsable de ce qu'il diffuse, définie par la loi du 22 décembre 2018, qui vise à lutter contre les fausses informations. Troisième axe, la solidarité, qui doit lier l'ensemble des acteurs d'un même secteur, assurée par l'équité et la justice. L'équité et la justice doivent en effet définir les relations entre journalistes et éditeurs d'un côté, et les plateformes de diffusion de l'autre.

C'est sur ce dernier volet que ce texte se penche. En reprenant l'initiative prise par notre collègue David Assouline au Sénat, et en votant ce texte aujourd'hui, nous prenons un peu d'avance sur la transposition, ce qui garantira l'entrée en vigueur extrêmement rapide du droit voisin, très attendu par la presse dans notre pays.

La position du groupe du Mouvement démocrate et apparentés s'articule autour de plusieurs principes. Le premier d'entre eux est la fidélité de la transposition de la directive, pour garantir sa solidité. Les travaux en commission ont permis de faire évoluer le texte pour se rapprocher de cet objectif. Deuxième principe : la transposition ne doit pas se perdre dans les détails techniques mais laisser à l'usage et, le cas échéant, à la jurisprudence le soin de préciser ce qui doit l'être. Cette position a été discutée en commission pour savoir jusqu'où le législateur devrait aller dans la définition des termes. Nous sommes satisfaits de constater que nous avons pu aboutir à une position d'équilibre sur ce sujet. Troisième principe : la transposition doit assurer aux créanciers du droit voisin l'appui suffisant pour que la négociation avec les GAFAM – Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft – se déroule dans des conditions équitables.

Nous avions déjà défendu l'année dernière l'idée d'un regroupement des éditeurs et agences de presse au sein d'un organisme de gestion collective, dans les limites évoquées par le rapporteur. C'est d'autant plus nécessaire que les tentatives précédentes de mise en place d'un droit voisin dans les pays européens se sont toujours heurtées à cette question. Seule une initiative collective peut permettre aux acteurs d'atteindre la taille critique pour négocier avec les GAFAM. Ce regroupement devrait prendre de l'ampleur, à en juger par les initiatives similaires lancées partout en Europe et soutenues par les institutions européennes elles-mêmes. Nous sommes persuadés qu'après les exemples allemand et espagnol, les acteurs du monde de la presse ont su tirer les conclusions qui s'imposent et sauront s'organiser.

Nous avons aussi clarifié plusieurs sujets tout au long de nos échanges en commission. Ce fut le cas, entre autres, sur la durée de protection du droit voisin des éditeurs et agences de presse, ramenée à deux ans pour la rapprocher de celle prévue par la directive. De même, la notion d'éditeur de presse a été précisée, ainsi que l'assiette de la rémunération, comprise dans une acception large, incluant l'ensemble des publications de presse. Plusieurs collègues ont aussi porté des amendements visant à instaurer une plus grande transparence des services de communication au public en ligne et des éditeurs et agences de presse, ce qui est essentiel pour faire naître de la confiance entre les acteurs. La transparence doit permettre de surmonter les difficultés auxquelles se heurte la mise en place du droit voisin.

Plusieurs avancées, auxquelles le groupe MODEM est bien entendu favorable, doivent encore être actées en séance comme, par exemple, la définition de la notion de « très courts extraits » ou l'inclusion de la « mise à disposition » de publications de presse par les plateformes dans le cadre de la rémunération.

Nous espérons que nos échanges permettront de lever les doutes exprimés en commission et d'aboutir à un texte susceptible de nous rassembler largement. Nous sommes persuadés que cette proposition de loi, extrêmement importante, contribuera au rétablissement de l'équilibre de la presse – laquelle attend depuis longtemps que le législateur lui permette d'être justement rémunérée pour les contenus qu'elle produit et que nous utilisons tous quotidiennement.

Nous savons le rôle éminent que joue la presse dans notre contrat démocratique. C'est pourquoi chaque citoyen doit se soucier de son état de santé. Il y va du pluralisme d'opinion comme de la richesse culturelle et intellectuelle de notre pays. Ce sont là des raisons très suffisantes de se rassembler en faveur du soutien de la transposition de la directive européenne. Nous y sommes, pour notre part, favorables et appelons nos collègues à soutenir massivement la proposition de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.