Intervention de Valérie Rabault

Séance en hémicycle du jeudi 9 mai 2019 à 15h00
Sécurisation de l'actionnariat des entreprises publiques locales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Rabault :

En 2010, poussé par le droit communautaire, très précurseur en matière de développement des SPL, le Parlement a adopté une proposition de loi « pour le développement des sociétés publiques locales ». Les collectivités territoriales peuvent, depuis cette date, devenir actionnaires de sociétés auxquelles elles confient l'exploitation de missions de service public. Dispensées de toute mesure de publicité et de concurrence, les collectivités publiques ont la liberté de contracter avec une société locale, conformément aux exigences communautaires.

Peut-être ont-elles usé, parfois à l'excès, de cette prérogative particulière, puisque le statut des SPL, nous le savons, déroge au code de la commande publique. Il faut toutefois relever un point très positif : elles ont renforcé leur capacité d'action, leur réactivité, leur adaptation aux réalités locales, à telle enseigne qu'il est proprement impensable de se passer de ces outils qui ont transformé les modalités d'exercice de l'action publique. Cette exception aux règles de la commande publique reste néanmoins très encadrée par le droit communautaire. En effet, ces sociétés doivent exercer leurs activités exclusivement pour le compte de leurs actionnaires et sur le territoire des collectivités ou des groupements de collectivités actionnaires qui en sont membres.

Dès son adoption, la création des sociétés publiques locales a rencontré un vif succès. De fait, huit ans plus tard, près de 1 300 sociétés publiques locales et sociétés d'économie mixte locales sont en activité – dont probablement quelques-unes, parmi elles, ont recouru de manière excessive à la multi-activité ou au multi-actionnariat, qui est l'un des principaux sujets qui nous occupe aujourd'hui. C'est probablement à cause de ces quelques excès que, le 14 novembre dernier, le Conseil d'État a tranché un débat juridique d'ampleur, nourri par des décisions juridictionnelles contradictoires, relatif à l'objet social des sociétés publiques locales.

La cour administrative d'appel de Lyon avait, par exemple, admis qu'il pouvait y avoir un décalage entre les compétences des collectivités et les missions confiées à la société, à la condition que la partie prépondérante des missions n'outrepasse pas le domaine de compétence des personnes publiques actionnaires. Cette conception était de nature à sauver certaines sociétés publiques locales, tout en visant clairement les excès constatés de la part de certaines d'entre elles.

En se rangeant à une lecture stricte et littérale, le Conseil d'État a retenu une interprétation empreinte de suspicion, inspirée, peut-être, par la direction générale des collectivités locales. Ainsi, il a considéré qu'une collectivité territoriale pouvait participer au capital d'une société publique locale si, et seulement si, l'intégralité de son activité relevait des compétences de ladite collectivité. Ce faisant, il a fragilisé les sociétés publiques locales et les sociétés d'économie mixte locales.

Cette fragilisation a d'ailleurs été reconnue par la rapporteure publique. Bien consciente de la difficulté et de l'incertitude à venir pour les sociétés publiques locales, elle a indiqué devant le Conseil d'État qu'il faudrait certainement modifier la loi. Tel est l'objet de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui.

Ce texte a vocation à écarter le péril qui menaçait nombre de SPL, dont personne ne doit oublier qu'elles sont génératrices de 276 000 emplois en France. En supprimant la référence à la notion de « compétence » définissant le champ d'intervention de ces sociétés, il est clairement mis fin aux incertitudes et à l'insécurité de nombreux projets en France. Comme certains tribunaux administratifs l'avaient admis, la proposition de loi pose le principe d'une compétence partagée et n'exige plus que l'objet social corresponde à l'ensemble des compétences des actionnaires publics. Ce nouveau principe permet de lever les questionnements suscités par l'expression du Conseil d'État.

Je ne présenterai pas l'ensemble des articles, puisque les orateurs qui m'ont précédée s'y sont employés. Je rappellerai simplement que l'article 1er complète le code général des collectivités territoriales, en précisant, d'une part, que, si l'objet d'une société inclut plusieurs activités, celles-ci doivent être complémentaires, et, d'autre part, que chacun des actionnaires doivent disposer d'au moins une compétence en commun. Cette disposition écarte donc la jurisprudence du Conseil d'État. Pour éviter que les sociétés d'économie mixte locales ne se retrouvent dans une situation comparable à celle vécue aujourd'hui par certaines sociétés publiques locales, l'article 2 apporte des précisions qui nous semblent nécessaires quant à leur statut. Enfin, l'article 3 étend les dispositions de la proposition de loi aux sociétés publiques d'aménagement.

Toutes ces raisons nous conduisent à soutenir le texte, déjà adopté par le Sénat, en espérant qu'il règle une fois pour toutes la question et mette fin aux incertitudes juridiques pesant sur les SPL.

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