Je suis heureux que la niche parlementaire du groupe MODEM et apparentés nous permette de débattre à nouveau, dans cet hémicycle, d'un sujet vital pour la préservation non seulement de nos mers et de nos océans, mais également de la pêche traditionnelle. La menace de disparition de la petite pêche artisanale française, à taille humaine, ancrée dans l'économie d'un territoire et créatrice d'emplois, me préoccupe évidemment en tant que député breton, comme tous les parlementaires issus de territoires ayant une vocation maritime.
La méthode de pêche que nous souhaitons interdire associe pêche à impulsion électrique et chalut à perche, les chaînes étant remplacées par des électrodes. Afin de faciliter le débusquage et la capture des poissons, des décharges sont envoyées dans la couche sédimentaire des fonds marins.
En mars de l'année dernière, nous avions déjà alerté sur la dangerosité de cette technique de pêche destructrice pour l'environnement et l'économie. Notre assemblée avait adopté à l'unanimité une proposition de résolution européenne de notre collègue Joachim Son-Forget appelant les autorités françaises à s'opposer à l'autorisation de la pêche électrique sous toutes ses formes, y compris dans le cadre du maintien ou de la prorogation des dérogations actuelles.
Pour le groupe MODEM et apparentés, il importe aujourd'hui que l'interdiction effective de cette pratique, désastreuse pour l'écosystème marin, pour la vie aquatique ainsi que pour l'activité de nos pêcheurs, soit entérinée par le Parlement afin d'achever ce que nous avons commencé il y a plus d'un an – d'autant que les députés français ont porté ce message, en janvier dernier, dans une tribune signée par 249 parlementaires de tous bords politiques. La question de la préservation de notre planète transcende les clivages et doit réunir un consensus sur tous les bancs de cette assemblée – nous l'avons constaté, une nouvelle fois, lors de l'examen en commission la semaine dernière.
Face à la destruction des habitats et de la vie marine, face à la disparition quasi-intégrale de certaines espèces de poissons, face à la détresse des pêcheurs français et de leurs familles, qui n'ont parfois plus aucune ressource pour vivre, nous ne pouvions nous contenter d'une simple mesure réglementaire. Il était de notre devoir de dire à nos pêcheurs que nous avons entendu leurs appels et d'inscrire en toutes lettres dans la loi l'interdiction effective de la pêche électrique. Il s'agit de leur adresser un signal bien plus fort que ne l'aurait été un simple arrêté ministériel.
En raison de l'importance toute particulière de cette interdiction et de l'unanimité qui nous avait rassemblés l'année dernière, je sais que le Sénat s'emparera vite de cette question et inscrira rapidement cette proposition de loi à son ordre du jour.
Ainsi, avant l'été, nous serons le premier pays à profiter de la possibilité d'interdiction immédiate de la pêche électrique offerte par le règlement européen. À nouveau, la France tiendra son rôle de leader dans la lutte contre le changement climatique ainsi que dans le combat pour la préservation de la biodiversité marine et la gestion durable des ressources halieutiques. Nous rejoindrons ainsi nos nombreux partenaires internationaux qui, à l'instar de la Chine, des États-Unis, du Vietnam, du Brésil, de l'Uruguay ont interdit cette technique en raison de ses conséquences désastreuses pour l'environnement.
Je tiens à saluer les députés européens qui ont fait le choix de la responsabilité en votant, le 16 avril dernier, l'interdiction de cette pratique dans l'ensemble de l'espace européen à partir de 2021. Cette décision n'était pas évidente, car elle a été précédée de plusieurs mois de négociations intenses entre les institutions européennes réunies en trilogue. Rappelons que le Conseil de l'Union européenne, en mai 2017, envisageait de maintenir la dérogation accordée en 2013 permettant à 5 % de la flotte de chalutiers à perche de chaque État membre de recourir à cette pratique dans le sud de la mer du Nord. Le Parlement européen a donc envoyé un message fort sur la scène mondiale, manifestant la volonté des parlementaires des États membres, quelle que soit leur sensibilité politique, de mettre un terme à une technique catastrophique pour la faune et la flore.
La possibilité offerte aux États d'interdire la pêche électrique dans leurs eaux territoriales avant 2021 est extrêmement importante. J'espère que d'autres pays européens concernés par l'utilisation de cette technique se joindront à notre démarche. Nous devons tous profiter de cette formidable occasion qui nous est donnée d'éradiquer une méthode de pêche qui risque de vider totalement nos océans et de détruire tout notre écosystème.
À la suite de cette interdiction, les subventions allouées aux pêcheurs néerlandais doivent cesser. Il n'est pas acceptable que des millions d'euros de fonds publics, notamment européens, servent à soutenir une technique frauduleuse destructrice pour notre planète. Les éventuelles subventions doivent être consacrées au développement d'une pêche durable et à la recherche de pratiques respectueuses et de long terme. La transparence absolue sur le financement doit d'ailleurs être de mise sur un sujet aussi important.
Ne nous y trompons pas : derrière la question de la pêche électrique se profile celle, plus large, du modèle de pêche que nous souhaitons pour l'avenir. À rebours d'une pêche industrielle dévastatrice, dominée par la technique et la quête de la rentabilité, nous sommes convaincus de la nécessité de faire le choix d'une pêche artisanale, à taille humaine, ancrée dans l'économie d'un territoire et créatrice d'emplois. La France, je le rappelle, dispose de la seconde plus vaste surface maritime du monde. Nous aspirons à une pêche garante de la ressource halieutique, mais aussi de la préservation du métier de marin-pêcheur et de tous les métiers à terre qui en sont dépendants.
La protection de la biodiversité et la pérennité du secteur économique de la pêche doivent être des priorités pour l'Union européenne. Le moment est donc historique. Nous nous devons de faire le choix d'une société durable – ce texte y contribue. Préserver un secteur économique entier, lutter contre la désertification des océans et défendre un modèle de pêche artisanale, durable et responsable, c'est ce que nous entendons faire au travers de cette proposition de loi.