La pêche électrique a été initialement interdite en Europe en 1998, en même temps que la pêche aux explosifs. Elle l'a également été en Chine, au Brésil et aux États-Unis. Cette technique a un effet désastreux sur la biodiversité, puisqu'elle électrocute indistinctement un grand nombre d'organismes. Elle est dévastatrice : pour 100 kilogrammes de poissons pêchés, 50 à 70 kilogrammes sont rejetés en mer. En comparaison, les fileyeurs ne rejettent que 6 kilogrammes de poissons pour 100 kilogrammes pêchés.
En 2007, des dérogations ont été accordées sans aucun fondement scientifique pour permettre l'utilisation de cette technique en mer du Nord : les États membres ont été autorisés à équiper d'électrodes jusqu'à 5 % de leur flotte de chaluts à perche, prétendument à des fins d'expérimentation. Le prétexte de la recherche scientifique a été utilisé par de nombreux pays, notamment les Pays-Bas, pour recourir de manière abusive à la pêche électrique. Ainsi, 28 % de la flotte néerlandaise est aujourd'hui équipée de filets électriques, au lieu des 5 % autorisés. De cette situation, les pêcheurs français et, plus largement, les citoyens français ne veulent plus. Ils n'en peuvent plus !
Nous apprenons d'ailleurs que des pêcheurs français ont déposé aujourd'hui même une plainte contre les Pays-Bas. Ceux-ci avaient déjà annoncé qu'ils n'appliqueraient pas l'accord européen, puisqu'ils comptent délivrer des licences pour permettre à vingt navires supplémentaires de pratiquer cette pêche jusqu'à la fin de l'année. Les pêcheurs demandent la réparation des dégâts causés par les chalutiers électriques dans les eaux territoriales françaises et la reconnaissance du caractère illégal de ces licences. Bien évidemment, nous les soutenons pleinement.
La pêche électrique a des conséquences socio-économiques dévastatrices sur la pêche artisanale. Depuis 2014, les pêcheurs artisans des Hauts-de-France constatent une diminution effrayante des captures dans le sud-ouest de la mer du Nord ; cette baisse atteint près de 80 % pour les soles. Des navires font des incursions dans les eaux territoriales françaises en face de Dunkerque. La situation est catastrophique pour les pêcheurs. Ils ont longtemps été laissés seuls, ne bénéficiant d'aucune aide de l'État pendant des années.
La pêche électrique n'est pas seulement une technique discutable permettant une exploitation de la nature abusive et cruelle envers les animaux – qui sont, je vous le rappelle, des êtres sensibles. Elle est aussi le symptôme d'un système de pêche industrielle encouragé par l'Union européenne, auquel il faut mettre un terme. Alors que les océans se vident de leurs poissons à cause de la surpêche, les flottes de chalutiers pratiquant la pêche électrique opèrent sur 200 millions de kilomètres carrés, soit une zone quatre fois plus vaste que celle utilisée par l'agriculture.
La surpêche du fait de la pêche industrielle est intenable sur tous les plans.
D'abord, elle cause des pertes d'emplois considérables et une baisse des revenus dans le secteur de la pêche. La Banque mondiale a évalué à 70 milliards d'euros les pertes annuelles liées à la mauvaise gestion des pêcheries et attribué 15 % de ce chiffre, soit 10 milliards d'euros, à l'Europe. Un chiffre a été publié aujourd'hui : le 10 mai, l'Union européenne aura déjà épuisé ses ressources naturelles pour l'ensemble de l'année. Elle est malheureusement en avance sur le reste du monde, pour lequel ce fameux jour de dépassement tombe au mois d'août.
La surpêche du fait de la pêche industrielle constitue ensuite un désastre écologique : 33,1 % des stocks de poissons exploités à l'échelle mondiale le sont au-delà de la limite de durabilité biologique. Ce chiffre est trois fois plus élevé qu'en 1974.
Selon l'Agence européenne pour l'environnement, 60 % de toutes les espèces commerciales de poissons ne sont pas dans « un bon état environnemental ». Un rapport de l'IFREMER – Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer – de février 2019 montre qu'en 2018, seuls 48 % des stocks de poissons ont été exploités durablement en France métropolitaine et que 27 % des stocks ont été surpêchés.
Nous nous réjouissons que la majorité nous ait rejoints sur l'interdiction de la pêche électrique, mais il faut maintenant aller plus loin pour garantir une pêche durable. Il faut protéger les emplois et le savoir-faire artisans par la mise en place d'un usage exclusif de la bande côtière des 12 milles nautiques aux pêcheurs artisans.
Il faut appliquer des quotas pluriannuels équitables pour donner de la visibilité aux pêcheurs et mettre fin au chalutage en eau profonde. Il faut aussi développer les plans de gestion des pêches pluriannuels pour donner de la visibilité aux professionnels et pour une gestion durable des stocks.
Enfin, l'Union européenne doit réformer ses accords de pêche pour accompagner le développement des États, notamment africains, avec lesquels elle traite, afin d'avoir accès à leurs ressources sauvages.
La politique industrielle et commerciale de pleine concurrence telle qu'elle est organisée par l'Union européenne est mortifère pour l'environnement et incompatible avec une pêche artisanale et durable. C'est pourquoi il faut y mettre un terme.
La France, qui dispose du plus grand littoral maritime d'Europe et de la deuxième surface maritime du monde, derrière les États-Unis, a évidemment un rôle à jouer, une responsabilité particulière à exercer pour pousser toujours plus loin l'exemplarité dans ce domaine. Commençons déjà ce soir par adopter ce texte !