Intervention de Liliana Tanguy

Séance en hémicycle du jeudi 9 mai 2019 à 21h30
Interdiction effective de la pêche électrique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLiliana Tanguy :

Si j'ai tenu à m'exprimer aujourd'hui sur le sujet de la pêche électrique, c'est parce que je ne peux plus me résoudre à voir des images de poissons tuméfiés, victimes d'une technique de pêche particulièrement violente et qui a des effets catastrophiques pour la biodiversité marine.

Comme en témoignent les récentes annonces du Président de la République, la préservation de la biodiversité est un objectif central à l'heure où 1 million d'espèces seraient menacées de disparition pure et simple. Or nous savons que c'est justement cette biodiversité qui est directement touchée par la pêche électrique.

Quel non-sens que de soumettre à des décharges électriques de manière indifférenciée un grand nombre d'organismes vivants pour ne capturer qu'environ la moitié des poissons affectés, et abandonner en mer tous ces autres organismes dont les chances de survie après décharge sont quasiment nulles ? Plus grave encore, il est à présent avéré que la pêche électrique conduit à une raréfaction de certaines espèces marines et à une surpêche qui va à l'encontre des quotas européens inscrits au sein de la politique commune de la pêche.

Plus largement, les impacts négatifs de cette technique de pêche sur la biodiversité marine sont documentés depuis de nombreuses années, à tel point que, dès 2002, la Chine l'avait interdite précisément pour cette raison.

À ces arguments, certains rétorqueront que la pêche électrique permet une moindre utilisation de carburant, une meilleure rentabilité économique et, surtout, que son impact sur la biodiversité est insuffisamment prouvé. Certes, il existe une controverse scientifique, mais, dans ce cas, recourir au principe de précaution n'est-il pas préférable à l'utilisation tous azimuts de cette technique dont les effets de long terme ne sont pas évalués à l'heure actuelle, comme l'a souligné, en 2016, le Conseil international pour l'exploration de la mer ?

Si toutefois la vue de ces poissons électrocutés et leur raréfaction ne suffisaient pas à interdire au plus vite la pêche électrique, l'argument économique viendrait clore ce débat. Comme nous le savons, la pêche électrique est interdite au sein de l'Union européenne depuis 1998, mais fait l'objet depuis 2013 d'un régime d'expérimentation qui s'est révélé très largement favorable à nos voisins néerlandais. Ces derniers se sont en effet affranchis du quota de 5 % fixé par la législation européenne et ont équipé 28 % de leur flotte nationale avec ces matériels électrifiés. Les pêcheurs néerlandais pèchent donc plus avec moins de bateaux, ce qui amoindrit d'autant la compétitivité de notre propre secteur de la pêche. Nos pêcheurs, dont ceux de ma circonscription dans le Finistère, pâtissent en outre de la raréfaction des ressources halieutiques et de leur moindre qualité, conséquences directes de l'activité des pêcheurs néerlandais. C'est donc l'ensemble de la filière française, déjà inquiète face à la perspective du Brexit, qui se trouve menacée.

Dans ce contexte, je ne peux que saluer l'engagement de la France, porté au niveau européen par le Président de la République et par le Gouvernement. Après d'intenses négociations durant lesquelles la France a joué un rôle actif, le Parlement européen a ainsi entériné, le 16 avril dernier, l'interdiction de la pêche électrique à compter du 1er juillet 2021.

Il apparaît toutefois légitime de s'interroger sur l'opportunité d'une échéance si lointaine quand les atteintes à l'environnement et la piètre qualité des poissons pêchés – 41 % de taux de rejet – sont, eux, très actuels. Ce compromis, de nature essentiellement politique, a certes le mérite d'exister à l'échelle de l'Union. Mais, dans un contexte d'élections européennes profondément marquées par la défiance des citoyens envers leurs institutions, il me semble que nous serions bien inspirés de faire preuve de volontarisme politique et, donc, de ne pas attendre 2021 pour réglementer strictement la pêche électrique.

C'est dans cet esprit que s'inscrit la présente proposition de loi, que je soutiens pleinement tant sa nécessité m'apparaît évidente. Comme le précise le projet de règlement européen, les États membres peuvent prendre, dans le périmètre des 12 milles nautiques placés sous leur souveraineté « des mesures non discriminantes pour restreindre ou interdire l'utilisation du courant électrique impulsionnel ». Interdire purement et simplement la pêche électrique en France en adoptant aujourd'hui cette proposition de loi permettrait ainsi une plus grande efficacité, car l'interdiction serait alors effective dès l'entrée en vigueur du règlement européen si la loi est adoptée avant, ou dès la promulgation de la loi si le règlement entre en vigueur au préalable.

Le caractère triplement néfaste de la pêche électrique pour l'environnement, les pêcheurs français et les consommateurs fait l'objet d'un réel consensus chez nos concitoyens. Gageons qu'il en sera de même au sein de notre hémicycle.

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