Intervention de Sophie Mette

Séance en hémicycle du vendredi 10 mai 2019 à 9h30
Restauration de notre-dame de paris — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSophie Mette :

Nous examinons aujourd'hui le projet de loi « pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale à cet effet ». Chacun, ici, a en mémoire les terribles images du 15 avril dernier : la cathédrale Notre-Dame de Paris, notre cathédrale, la cathédrale de tous les Français, était en proie aux flammes, qui dévastèrent l'intégralité de la charpente, la toiture et causèrent d'importants dommages aux voûtes, creusant un gouffre depuis la flèche, effondrée, jusqu'au choeur et à la nef. La sidération qui fut la nôtre ce jour-là refléta la place que la cathédrale – il n'est même plus besoin de la nommer – occupe dans nos coeurs, dans nos esprits, dans l'âme des Français. Il n'est que de se rappeler le formidable esprit qui régnait au temps de sa construction pour ressentir l'émotion qui fut celle de tous ceux qui ont concouru à bâtir cet édifice. Le foisonnement intellectuel, spirituel, culturel de l'Europe nous livrait là son plus bel héritage. Chaque âge a apporté depuis sa contribution, jusqu'à parvenir, avec les travaux de Viollet-le-Duc, vers 1850, à un équilibre et une harmonie tels qu'ils ont nourri notre imaginaire collectif. Chacun loue aujourd'hui cet édifice pour le geste architectural inouï et la puissance de son élévation. Chacun devrait aussi se souvenir de l'idée qui l'a rendu possible.

La cathédrale est aussi un monument littéraire, le coeur de Paris, le point zéro des routes de France. Le luxe de son ornement est le pendant du public qu'elle accueille et recueille, les plus démunis, les demandeurs d'asile, tout ce que l'humanité compte de plus fragile, qui pouvait trouver là un refuge, une demeure permanente, à l'abri des fracas du monde. Elle est intimement liée à l'histoire du peuple français, avec l'ouverture par Philippe le Bel, en 1302, des premiers états généraux, le mariage de Marguerite de Valois et de Henri de Navarre, le sacre de l'empereur Napoléon Ier, le Magnificat donné en son choeur à la libération de Paris, en 1944. Chacun de nous a cela à l'esprit, quand il pense à Notre-Dame de Paris. Chacun de nous a à coeur de restaurer la cathédrale le plus vite possible et dans des conditions qui en puissent conserver l'équilibre et l'harmonie que j'évoquais précédemment.

Pour en venir au texte soumis à notre examen, un monument d'exception appelle-t-il une loi d'exception ? La réponse, à l'évidence, doit être nuancée au regard des propositions avancées dans le projet de loi. La reconstruction doit être l'occasion de rassembler le pays ; elle doit être l'émanation et l'exaltation des savoir-faire que nos artisans détiennent d'un temps immémorial. Nous disposons encore de ces qualités, des matériaux, de l'ambition. Ce chantier doit permettre de les mettre en avant. En son article 2, le projet de loi prévoit d'ailleurs – cette disposition a fait l'unanimité en commission – qu'une partie des dons recueillis pourrait être affectée à cette filière professionnelle. Plusieurs amendements ont pour objet de conforter cette approche ; le groupe du Mouvement démocrate et apparentés en défendra lui-même un certain nombre, pour aller plus loin. Il s'agit d'une démarche de bon sens, qui accompagne la revalorisation de ces métiers et de ces formations, souvent méconnus, et pourtant très prometteurs pour celles et ceux qui les suivent. Dans la reconstruction, nous devons privilégier ces savoir-faire nationaux en faisant confiance à la compétence des professionnels et à leur connaissance du bel art. En revenant à l'origine des savoir-faire, nous pouvons rebâtir un édifice plus solide encore pour affronter les temps nouveaux.

La reconstruction a vocation à intervenir dans les meilleurs délais. Nous soutenons la volonté et l'ambition présidentielle de la conduire en cinq années, tout en se laissant évidemment la latitude de reconsidérer le délai en fonction des avancées et des difficultés qui pourraient apparaître. Nous devons avant tout privilégier la qualité de la reconstruction – nous savons bien que c'est aussi votre ambition et votre volonté, monsieur le ministre. Nous comprenons, à cette aune, les dérogations que vous annoncez, qui doivent permettre de passer outre, notamment, un certain nombre d'obligations administratives, lesquelles, on le sait, retardent souvent le démarrage d'un chantier. Il faut cependant rappeler que le régime des monuments nationaux est déjà dérogatoire. Aussi est-il souhaitable d'affiner dès maintenant le champ des dérogations que vous souhaitez demander.

Si nous entendons l'argument selon lequel il faut aller vite et ne pas s'embarrasser de formalités, il ne faut toutefois pas confondre vitesse et précipitation. C'est pourquoi nous espérons obtenir des informations de votre part. En tout cas, comme mon groupe le rappellera par voie d'amendement, la France ne peut pas s'exonérer de ses obligations internationales, contractées notamment auprès de l'UNESCO. Nous souhaitons avancer avec vous afin de mieux cerner les dérogations et, ainsi, voter le texte en toute confiance.

Plus largement, notre assemblée se sent tout aussi concernée par les concours d'architectes que vous avez annoncés. Le sujet de la restauration, à l'identique ou non, est épineux et intéresse nombre de nos concitoyens, comme chacun l'a rappelé. Il faudra probablement une initiative en ce sens qui pourrait prendre – pourquoi pas – la direction que vous avez annoncée, celle d'un débat ou d'une consultation des citoyens. S'agissant de l'établissement public dont la création est prévue à l'article 8, nous souhaiterions connaître l'étendue de son périmètre d'intervention. D'après plusieurs commentaires, la rénovation pourrait excéder le champ de la cathédrale proprement dit et inclure, par exemple, le parvis et l'Hôtel-Dieu. Si cela s'avérait exact, cela changerait profondément le visage du chantier, ainsi que sa restitution. Cela lui donnerait aussi une autre dimension, en redéfinissant de manière plus étendue cet espace au coeur de Paris.

Il faudra par ailleurs être vigilant sur l'utilisation des dons, qui ont été nombreux et spontanés, pour s'assurer qu'il n'y aura pas de gaspillage, du fait d'une structure trop lourde, par exemple, mais aussi pour veiller à ce que l'intégralité des dons soient effectivement affectés à la cathédrale. En commission des finances, déjà, le groupe du Mouvement démocrate et apparentés a exprimé des doutes quant aux dispositifs fiscaux prévus dans le texte, qui ne nous paraissent pas pertinents. Si chacun s'est senti concerné par ce drame, nous ne souhaitons pas pour autant qu'une loi d'exception soit votée chaque fois qu'un événement particulier se produit. À cet argument de forme s'ajoute une remarque de fond. On peut estimer légitime de porter à 75 % le montant de la réduction d'impôt pour un temps donné. Cependant, il nous semble déplacé, aujourd'hui, d'aller au-delà – même bien au-delà – de la « niche Coluche », en portant le plafond à 1 000 euros, et ce, jusqu'au 31 décembre. Aussi vous proposerons-nous deux amendements, qui visent à limiter la réduction dans le temps – en la rendant possible jusqu'au 30 septembre – et, surtout, à limiter la réduction de 75 % à 531 euros, à l'identique de la « niche Coluche ».

Il en est de même de l'article 4, qui ouvre un droit nouveau aux collectivités territoriales. Que les choses soient claires : il n'est pas question pour notre groupe de remettre en cause la liberté d'administration des collectivités locales. Cela étant, nous ne comprenons pas pourquoi nous les inclurions dans un dispositif particulier.

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