Intervention de Florence Parly

Réunion du mardi 7 mai 2019 à 17h15
Commission de la défense nationale et des forces armées

Florence Parly, ministre des Armées :

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, c'est toujours un plaisir de me trouver ici devant vous, à la demande de votre président comme cela a été rappelé. Avant de faire un point sur les opérations extérieures en cours, je souhaiterais aborder une question que, tout comme vous, je prends extrêmement au sérieux, celle de nos exportations d'armes, même si, comme vous l'avez dit, Monsieur le président, nous aurons l'occasion d'en reparler très prochainement, puisque je viendrai en juillet vous présenter le rapport annuel au Parlement sur les exportations d'armement de la France.

Mais il était nécessaire d'avoir dès aujourd'hui un débat serein et, autant que possible, basé sur les faits.

La première question à laquelle je souhaite apporter une réponse peut paraître simple : au fond, pourquoi vend-on des armes ? Beaucoup de Français se la posent, vous vous la posez sûrement et je veux tenter d'y répondre clairement, en écartant les hypothèses et conclusions hâtives.

La réponse est simple. C'est parce que c'est indispensable à notre souveraineté : celle de la France d'abord ; et celle de l'Europe aussi, que ce gouvernement s'attache chaque jour à construire.

La souveraineté de la France est bien en jeu dans cette affaire. C'est au fond notre liberté d'action dans le monde, dans le cadre de nos responsabilités de puissance de paix et de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies qui est en question. Pour disposer des équipements militaires qui nous permettent d'intervenir pour assurer notre mission fondamentale de protection de notre territoire et de nos ressortissants ainsi que la dissuasion nucléaire, nous devons maintenir la viabilité et l'indépendance de notre industrie de défense pour les prochaines décennies.

C'est beaucoup pour notre pays, qui n'a pas l'échelle des États-Unis, de la Russie ou de la Chine, pour viabiliser ses industries à coups de commande publique. L'Europe, on peut le regretter, ne peut être le seul marché de substitution du marché national : elle dépense trop peu pour sa défense, et quand elle le fait, elle achète encore trop peu au sein de l'Union européenne, et plutôt en dehors de l'Union européenne. Nous n'avons donc pas le choix : il nous faut exporter. Ceux de nos partenaires qui ont fait le choix de cesser de vendre des armes à tel ou tel pays non-européen n'ont pas la responsabilité particulière de la dissuasion nucléaire, ni une stratégie de présence militaire active en dehors de leurs frontières.

Mais derrière l'export, il n'y a pas que la préservation des industries de notre souveraineté nationale. Il y a aussi la construction incessante de la souveraineté européenne.

Avec la Belgique et les Pays-Bas – où j'étais hier, nous construisons les chasseurs de mines du futur ; avec l'Allemagne et l'Espagne, nous construirons l'avion de combat du futur ; de nombreux autres pays européens sont intéressés. Ce qui se joue derrière ces programmes, c'est la souveraineté de notre continent. L'Europe dépend trop des tiers. Comme le relevait avec une certaine dose d'humour un responsable étranger, les Européens sont les derniers végétariens dans un monde de carnivores. Il faut changer de régime – alimentaire j'entends ! – ; et cela commence par nous doter de nos équipements plutôt que d'implorer des tiers de nous les vendre. La Commission européenne elle-même en a pris conscience, c'est pourquoi elle a lancé le Fonds européen de défense et souhaite y consacrer treize milliards d'euros.

Dans les prochaines années, il y aura chez nos partenaires européens de grandes décisions d'équipement : les sous-marins aux Pays-Bas, les avions de combat en Suisse et en Finlande, pour ne mentionner que celles-ci. Nous devons tout faire pour réussir sur ces marchés d'exportation, car ce qu'il y a derrière, c'est l'Europe : l'interopérabilité de nos forces, l'habitude du travail en commun, la solidarité, et la résilience face à la volatilité du monde extérieur.

Enfin, l'export permet de tisser des liens étroits avec des États stratégiques pour la sécurité de la France. Les partenariats bâtis avec l'Inde ou l'Australie assurent notre présence dans une zone, l'Asie, où se joueront les futurs équilibres mondiaux. La coopération avec les Émirats arabes unis, qui se traduit par la présence de plusieurs bases françaises sur leur territoire, nous place au coeur du Moyen-Orient, une région clef pour nos intérêts de sécurité et nos approvisionnements énergétiques.

Au-delà de ces aspects stratégiques, qui ne passionnent peut-être pas tous les Français, il ne faut pas négliger la dimension économique de l'armement pour nos territoires. Les industries d'armement, ce sont 200 000 emplois directs, et 400 000 emplois indirects. Au total, 13 % des emplois industriels en France. Mais c'est plus que cela. C'est un maillage d'entreprises dans l'ensemble du pays, qui irrigue tous nos territoires de Cherbourg ou Saint-Nazaire à Saclay, Nice, Toulon – vous trouverez d'ailleurs une carte dans le prochain rapport. Dans vos circonscriptions, dans vos territoires, ce sont des milliers d'entreprises, PME et ETI, qui vivent de ces contrats d'exportation. Derrière ces chiffres, il y a des hommes, des femmes qui vivent, ainsi que leurs familles. Lorsque récemment l'entreprise Nicolas a failli mettre la clé sous la porte en raison d'une restriction étrangère d'exportation envers un certain pays – d'aucuns le reconnaîtront –, les auteurs de la restriction étaient sans doute fort aise de ne pas être dans la cafétéria à devoir s'expliquer avec le personnel.

Je ne dis pas que l'argument économique justifie de faire n'importe quoi, loin s'en faut. Mais il est parfois un peu gênant de voir les mêmes beaux esprits qui étrillent la politique export du gouvernement parader ensuite au Bourget ou à Villepinte ou s'offusquer de l'emprise américaine sur les marchés d'équipement. En ce domaine comme en toute chose, un peu de cohérence ne nuit pas.

Donc, nous devons vendre ; il faut vendre aux Européens en priorité bien évidemment, mais nous devons vendre à d'autres également. La question est donc : comment le faire avec le maximum de discernement, pour préserver les intérêts de long terme de notre pays.

Car l'autre caractéristique des ventes d'armes, c'est qu'elles ne se font pas l'échelle d'une journée, d'un mois, ou d'un mandat : elles se font à l'échelle d'une génération. Un avion c'est trente ou quarante ans de partenariat. En quarante ans, des pays amis peuvent le devenir moins, à la faveur d'une élection chez eux ou chez nous. Des pays pacifiques peuvent devenir plus belliqueux ou se trouver tout simplement confrontés à de nouvelles menaces. Des gouvernements stables peuvent être renversés par des populistes, des autocrates ou des fanatiques. Mais à l'inverse, de grands pays pas très bien gouvernés peuvent changer. Alors en prenant nos décisions, nous devons soigneusement peser leurs conséquences. Ce n'est pas facile ; mais comme chacun sait, gouverner, ce n'est pas s'émouvoir, c'est prévoir.

Un sujet qui a ému l'opinion à bon droit ces dernières années, ces derniers mois, ces dernières semaines : le Yémen. Et je souhaite l'évoquer avec vous.

Je n'irai pas par quatre chemins et j'espère que vous m'écouterez jusqu'au bout. C'est un conflit atroce qui dure depuis trop longtemps avec des conséquences humanitaires intolérables, en particulier la famine. Je vois ce qu'il se passe et je le répète, notre priorité est la fin de cette guerre. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour qu'une solution politique voie le jour : nous sommes en étroite relation avec l'envoyé spécial des Nations unies, Martin Griffiths, à qui nous avons offert toute notre aide et tout notre soutien pour cette difficile mission.

Le fait qu'en vertu d'un partenariat ancien avec les Émirats et l'Arabie saoudite, nous ayons vendu il y a vingt ans pour la plupart, des armes qui se trouvent employées sur ce champ de bataille doit-il nous faire sentir coupables ?

Avant de répondre à cette question, j'aimerais avec vous examiner les faits. D'abord les faits.

Nous n'avons jamais prétendu qu'aucune arme française n'était utilisée au Yémen. Mais nous n'avons aujourd'hui aucune preuve qui attesterait que des armes de fabrication française sont utilisées à dessein contre des populations civiles.

Je n'entrerai pas dans la discussion d'une note de la direction du renseignement militaire qui a été « fuitée » à la presse. C'est une question de principe : je ne commente pas un document revêtu du secret de la défense nationale. Je ne commenterai pas davantage les poursuites lancées par le parquet contre ceux qui ont divulgué ces informations.

Est-ce que cela m'amuse de voir un procureur lancer une procédure judiciaire en réponse à cette fuite de document classifié ? Est-ce que cela m'amuse de voir convoquer des journalistes qui le diffusent en violation du code pénal ? Évidemment non. J'aime passionnément la liberté, et puisqu'il se trouve que je voyage beaucoup, j'aime particulièrement mon pays pour cela. Mais en tant que ministre des Armées, est-ce que je peux tolérer la fuite de documents qui peuvent compromettre nos sources, nos moyens, nos partenaires ? Certainement pas.

Mais revenons à l'Arabie et aux Émirats. La plupart des équipements vendus à ces deux pays l'ont été bien avant la guerre au Yémen. Pourquoi l'ont-ils été ?

Parce que nous avons là-bas des intérêts de long terme, qui ne dépendent pas d'un dirigeant, pas d'un conflit, et qui dépassent même les pays dont il s'agit.

Ils concernent la protection de nos ressortissants : près de 40 000 Français vivent dans le Golfe arabo-persique dont 30 000 en Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis.

Ils concernent la sécurité de nos approvisionnements énergétiques via le détroit de Bab el Mandeb, qui est le quatrième passage maritime dans le transport des hydrocarbures. Il en va aussi de la liberté de navigation, car au-delà de nos importations énergétiques, toute menace au large du détroit pèserait lourd sur le trafic maritime mondial : tout le flux de containers d'Asie y transite, au même titre que les approvisionnements à destination de La Réunion.

Ils concernent la stabilité dans cette région essentielle, où l'Iran multiplie ses arsenaux balistiques et accroît, comme nous aurons sans doute l'occasion d'y revenir, son influence déstabilisante.

Ils concernent notre présence militaire dans la région, avec notamment trois bases françaises aux seuls Émirats arabes unis.

Ils concernent enfin, et peut-être surtout, la lutte contre le terrorisme. Rappelons que ceux qui luttent contre Al Qaïda dans la Péninsule arabique, sont ceux qui luttent contre une organisation qui a déjà frappé en France – je pense à Charlie Hebdo –, ce sont les Émirats.

Aurait-on pu ou dû empêcher les Émirats et l'Arabie d'engager la guerre du Yémen ?

Là aussi, revenons-en aux faits. La guerre du Yémen, c'est d'abord l'histoire d'un coup d'État contre un gouvernement légitime, mené par une faction soutenue par l'Iran. C'est en 2014 qu'un conflit interne éclate après des années de déchirements, malgré la réunification des Yémen du nord et du sud en 1990. Les rebelles houthis conquièrent alors la capitale, ils s'en prennent à la population, et face à une situation intenable, le président Hadi, président légitime et reconnu par la communauté internationale fait appel aux Saoudiens et aux Émiriens en mars 2015.

La guerre au Yémen, c'est ensuite l'histoire d'une menace permanente contre le territoire de l'Arabie, avec des missiles régulièrement tirés contre la capitale Riyad, et contre les Émirats, fréquemment victimes d'attaques de drones ou de vedettes suicides. Pourriez-vous me dire quel est l'État souverain qui peut accepter cela ?

Une fois la guerre déclenchée, quand nos partenaires utilisent la force d'une manière qui ne nous paraît pas compatible avec le droit international humanitaire, nous ne manquons pas de le leur dire.

Devrions-nous pour autant cesser toute vente d'armement à ces pays et interrompre le service des équipements déjà fournis ? Je crois plutôt que dans cette situation, il nous faut exercer notre discernement. Conformément au Traité sur le commerce des armes, nous pouvons interrompre la fourniture de certains matériels lorsque nous estimons qu'il existe, aux termes de ce traité, un risque « prépondérant » que les armes concernées soient utilisées pour commettre une violation grave du droit humanitaire ou des droits de l'Homme. C'est dans cette optique que nous procédons à un examen sérieux de chaque dossier de vente d'armement qui nous est soumis. Ainsi, par exemple, nous avons refusé cette année d'autoriser l'exportation de munitions air-sol à l'un des pays dont nous parlions et, dans une quinzaine de dossiers, les industriels ont eux-mêmes retiré leurs demandes de licences d'exportation à la suite d'un dialogue avec les services de l'État, qui les ont découragés de poursuivre dans ces projets.

Devrions-nous aller plus loin, et cesser toute relation d'armement avec l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ? Je ne le crois pas. Un membre du Gouvernement est comptable non de ses indignations, mais des intérêts de la France avant tout. Aussi, pour la femme ou l'homme que son ministère place devant de telles responsabilités, il est bien délicat de trouver un équilibre dans de tels dilemmes. Pour tout vous dire, et bien entendu sans préjudice du respect de nos institutions démocratiques, le premier censeur d'un ministre confronté à de tels choix n'est en vérité ni la Représentation nationale, ni même le peuple français : c'est en premier lieu sa conscience. Or, que se passerait-il si la France rompait ses liens avec les pays dont nous parlons ? D'abord, tout contact serait perdu avec ces États pour une génération au moins. Ensuite, ce serait priver la France de partenaires stratégiques qui, à ses côtés, ont su jouer, jouent encore aujourd'hui et jouerons peut-être encore à l'avenir un rôle positif dans le règlement de certaines crises. Rappelons que c'est sous les auspices de l'Arabie saoudite qu'a été conclu en 1989 l'accord de Taëf, qui a restauré la paix au Liban, et que c'est également elle qui a lancé l'initiative arabe de paix en Palestine en 2002. Rappelons que, plus récemment, c'est à Abou Dhabi que les deux parties qui se combattent en Libye étaient arrivées à deux doigts d'un règlement durable de la crise, avant l'initiative malheureuse du maréchal Haftar devant Tripoli. Autre conséquence d'une rupture de tout lien : l'action que nous menons conjointement contre le terrorisme s'en trouverait fragilisée ; rappelons par exemple le soutien que ces deux pays apportent au G5 Sahel. Par ailleurs, ce serait porter un coup sérieux à la réputation de la France auprès de ses clients, en donnant l'impression qu'elle peut lâcher ses partenaires en cours de route si elle désapprouve telle ou telle de leurs actions. Enfin, ce serait fragiliser tout un écosystème industriel et technologique dans notre pays, qui dépend de nos contrats à l'exportation.

Ainsi, plutôt que des options maximalistes, mieux vaut à mes yeux faire confiance à nos institutions, quitte à ce que ce soit plutôt les yeux ouverts que les yeux fermés. Je pense en particulier à la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG), qui est chargée de recommander d'accorder ‒ ou non ‒ des licences d'exportation, en tenant compte de nos obligations juridiques ainsi que des différents intérêts à l'oeuvre. Cette commission est ainsi la cheville ouvrière de procédures exigeantes qui garantissent le plein respect du droit national et du droit international, notamment le Traité sur le commerce des armes et la Position commune de l'Union européenne. Lorsque je vous demande de nous faire confiance en matière d'exportation d'armes, c'est bien en raison de la robustesse de nos procédures.

Les choses peuvent certes paraître techniques, mais permettez-moi d'expliquer concrètement ce processus. En pratique, chaque demande de licence d'exportation est instruite par le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, par celui des Armées, par celui de l'Économie et des Finances, par le cabinet du Premier ministre, par les services de renseignement, ainsi que par le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale. De surcroît, d'autres administrations sont fréquemment conduites à donner leur avis, comme le ministère de l'Intérieur, celui de la Recherche ou les douanes. Ainsi, le ministère des Armées est loin d'agir seul dans son coin : au contraire, l'instruction de chaque dossier soumis à la décision du Premier ministre est toujours collégiale. Elle repose sur des analyses très pointues des matériels concernés, de la situation du pays client, voire des unités militaires destinataires des équipements, comme de l'impact d'une vente pour notre industrie et pour nos forces. Les discussions préalables à la décision du Premier ministre sont approfondies ; en témoigne d'ailleurs le fait que les industriels nous reprochent des délais d'instruction qui s'allongent. La commission travaille toujours avec la plus grande minutie. Il n'est d'ailleurs pas rare qu'elle ajourne la conclusion de l'instruction d'un dossier pour solliciter des explications complémentaires, par exemple en interrogeant la désormais célèbre direction du renseignement militaire sur l'usage possible d'un matériel, ou pour poursuivre des discussions avec l'industriel concerné, aux termes desquels l'industriel en vient parfois à retirer sa demande de licence.

J'ajoute que même lorsqu'est accordée une autorisation d'exportation, c'est toujours sous certaines conditions. Nous pouvons ainsi, par exemple, interdire la réexportation des matériels, assortir l'autorisation de l'obligation de prendre des mesures propres à éviter la dissémination des armements, ou assortir leur livraison d'offres de modules de formation au droit international humanitaire. En somme, les conditions d'exportations sont strictes.

Certains d'entre vous se prévaudront cependant d'exemples étrangers pour plaider en faveur d'un embargo complet. Je vous ai déjà dit pourquoi nos procédures me paraissent préférables dans l'intérêt des Français ; permettez-moi d'ajouter que les comparaisons internationales ne sont pas toujours pertinentes. À la différence de la France, les États auxquels on se compare parfois n'ont pas la responsabilité d'entretenir une force de dissuasion nucléaire, n'exercent pas les mêmes responsabilités opérationnelles que nous sur un certain nombre de théâtres de guerre, n'ont pas notre stratégie de présence dans le monde et n'ont donc pas besoin de partenaires stratégiques pour la mettre en oeuvre. De surcroît, soyons complets et réalistes : comme vous, j'entends certes dans certaines capitales les protestations de rigueur de vertus offusquées lorsqu'il s'agit des exportations françaises, mais j'observe que les mêmes responsables ignorent volontiers ce que font les filiales ou les joint ventures de leurs champions nationaux de l'armement. Pour ma part, je préfère m'en tenir à notre double exigence de clarté et de cohérence.

Bref, vous l'avez compris, je ne suis pas une lobbyiste de l'industrie française de l'armement, mais j'invite chacun à prendre en compte l'ensemble des intérêts de la France dans ces affaires, ceux d'aujourd'hui comme ceux de demain, qui vont au-delà de l'horizon d'une législature.

J'en viens désormais à l'état de nos OPEX.

Au Levant, où nous combattons le terrorisme à sa source, avec de récents succès. Nous avons franchi une étape décisive en reprenant à Daech l'ensemble des territoires qu'il contrôlait : cela représentait plus qu'un symbole, et c'est aujourd'hui chose faite. Nous pouvons tous en féliciter la coalition internationale et notamment notre force Chammal, en particulier nos artilleurs et nos pilotes, ainsi que les forces locales. Ensemble, ces forces sont parvenues après cinq ans d'efforts à reprendre l'ultime bastion de l'ennemi. Cette étape nous conduit à adapter notre dispositif ; c'est pourquoi nos artilleurs et nos canons CAESAR rentrent en France. Le reste du dispositif de la force Chammal demeure inchangé et, après avoir lutté contre Daech, reste engagé auprès forces irakiennes pour éviter toute résurgence de ce groupe terroriste, sous une forme ou une autre. Tout en maintenant ainsi une force militaire qui aidera les forces locales à stabiliser les territoires libérés, nous allons intensifier nos actions de formation à leur profit, afin que les Irakiens puissent s'approprier eux-mêmes leur sécurité.

Quant à la force Barkhane, déployée dans le Sahel, elle est engagée sur deux fronts : la lutte contre le terrorisme et le soutien à la montée en puissance des forces armées des États de la région, afin que celles-ci puissent un jour prendre en charge de façon autonome la sécurité de la zone. Après dix-huit mois d'opérations dans la région du Liptako, au sud-est du Mali, nous avons décidé d'étendre nos efforts plus à l'ouest, dans la région du Gourma, située aux confins de trois États : le Mali, le Niger et le Burkina Faso. C'est dans cette région que, le deux avril dernier, le médecin principal Marc Laycuras est mort pour la France. Nous lui avons rendu hommage le mois dernier et, devant vous, je veux saluer de nouveau sa mémoire, avec un immense respect. Quelques jours après ce drame, une action combinant des moyens aériens et terrestres a permis de mettre hors de combat trente-cinq terroristes et de saisir de très importants stocks d'armes.

Pour autant, éradiquer le terrorisme ne suffit pas. C'est pourquoi nous formons, nous entraînons et nous accompagnons au combat les forces armées des cinq pays de la bande sahélo-saharienne : la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad. En effet, les forces françaises n'ont pas vocation à rester indéfiniment engagées dans cette région. Je crois profondément que la sécurité du Sahel doit être assurée par les forces locales car la MINUSMA, l'EUTM Mali et Barkhane ne sont pas éternelles. Ainsi, notre seul but est bien de rendre opérationnelles les forces armées locales pour permettre à ces États de retrouver les pleins moyens de leur souveraineté et restaurer la paix. La semaine prochaine, je retrouverai d'ailleurs à Bruxelles nombre de mes homologues européens et africains pour étudier les moyens de consolider la force conjointe du G5 Sahel.

J'en viens à la République centrafricaine. Le jour même de ma dernière audition devant vous, le 6 février, un accord de paix était signé à Bangui sous l'égide de l'Union africaine, dans le cadre de l'Initiative africaine pour la paix en République centrafricaine. Certes, le fait qu'il s'agisse du huitième accord de paix dans ce pays signé depuis 2012 appelle à une certaine prudence quant à ses effets ; mais il ne faudrait pas pour autant sous-estimer le progrès qu'il représente. Nous veillerons donc à sa mise en oeuvre avec vigilance, en lien avec la MINUSCA et avec l'EUTM RCA, au commandement de laquelle nous relèverons d'ailleurs les Portugais au second semestre 2019.

Pour finir, je tiens à évoquer la sécurité maritime, en particulier les déploiements de notre groupe aéronaval. Après un mois de soutien à la lutte contre Daech, le Charles-de-Gaulle et son escorte ont rejoint l'océan Indien et atteindront au mois de juin Singapour, où j'aurai le plaisir de les retrouver à l'occasion du Shangri-La Dialogue.

Par ailleurs, notre marine nationale continue à lutter activement contre les trafics et autre flux illégaux, qui contribuent au financement du terrorisme. L'équipage du Floréal, que j'ai vivement félicité, a saisi la semaine dernière près de cinq tonnes de drogue dans l'océan Indien, ce qui porte à treize tonnes le volume de ces saisies depuis septembre dernier.

Concluant sur ce point mon tour d'horizon des opérations, j'espère avoir répondu à certaines de vos interrogations et suis prête à répondre à celles qui subsisteraient.

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