Nous examinons aujourd'hui votre nouveau projet de loi relatif à l'entrée en fonction des représentants au Parlement européen élus en France lors des élections de 2019. Il vise à tenir compte du fait que le Royaume-Uni n'est pas, à ce jour, sorti de l'Union européenne, et des conséquences de ce report du Brexit sur les modalités de répartition des sièges français au Parlement européen. En effet, du fait du Brexit, cinq sièges supplémentaires doivent revenir à la France ; cependant, puisque le Brexit n'est toujours pas effectif, il est nécessaire de reporter l'entrée en fonction de ces cinq députés européens supplémentaires élus par la France.
Si ce projet de loi est bien de nature technique, il revêt aussi une dimension politique, puisqu'il traduit juridiquement des choix sur la façon dont nous choisissons d'assurer la représentation des différentes sensibilités politiques au sein du Parlement européen.
Pour ce faire, deux méthodes de répartition s'offraient au Gouvernement. La première est la répartition à la plus forte moyenne : il s'agit de calculer quelle serait pour chaque liste la moyenne des suffrages obtenus par siège attribué si on accordait fictivement à chacune d'elle un siège supplémentaire. La liste qui obtient la plus forte moyenne reçoit un siège. L'opération se répète autant de fois qu'il reste de sièges à pourvoir. La seconde est la répartition au plus fort reste : les sièges non pourvus sont attribués à chaque liste selon l'ordre décroissant des suffrages inemployés après la première répartition.
Vous avez fait le choix de procéder à une répartition selon la première méthode, celle de la plus forte moyenne. Au contraire, le groupe Socialistes et apparentés propose que ces cinq sièges soient répartis selon la règle du plus fort reste – nous avons déposé un amendement en ce sens. En effet, ce mode de scrutin proportionnel garantit un pluralisme renforcé. À défaut d'avoir pu instaurer cette règle pour l'ensemble du scrutin, la clef de répartition de ces sièges supplémentaires pourrait être plus équitable.
C'est pour cette raison que nous nous abstiendrons lors du vote du projet de loi, à moins que sa rédaction n'évolue au cours de la discussion.
Au-delà des dispositions qu'il contient, ce texte est également l'occasion d'établir plusieurs constats, alors que se profilent les élections européennes, qui auront lieu dans moins de deux semaines.
Le premier constat, c'est celui de l'isolement de la France sur la scène européenne : en août 2018, le Président de la République indiquait vouloir « revisiter les tabous ». Au contraire, l'Europe est aujourd'hui à l'arrêt : isolement de la position française sur le Brexit, couple franco-allemand au point mort... Les reculs européens depuis vingt-quatre mois sont nombreux. Sur le Brexit, en particulier, l'isolement français est frappant : alors que le Président, dans son discours de la Sorbonne, indiquait vouloir éviter de « concentrer toute notre énergie sur nos divisions internes, comme nous le faisons maintenant depuis trop longtemps, au lieu de perdre nos débats dans une guerre civile européenne », c'est bien divisés que les Vingt-sept, et la France en tête, sont apparus au moment d'accorder au Royaume-Uni une nouvelle extension du délai pour quitter l'Union.
Le deuxième constat, c'est que le Brexit résume bien le dilemme européen actuel. D'une part, le choix, en juin 2016, des citoyens britanniques de quitter l'Union européenne vient nous rappeler que l'adhésion au projet européen n'est pas définitive et ne doit jamais être tenue pour acquise : il est possible pour un État de s'en défaire. De l'autre côté, les tergiversations du Royaume-Uni au moment de couper le cordon européen montrent bien que quitter l'Europe n'est pas un choix neutre ; cela a un coût – économique, social et politique. Face à l'obstacle, au bord de la falaise, nos voisins d'outre-Manche tergiversent et s'empoignent, parce que quitter l'Union européenne n'est, je le redis, pas un choix anodin : c'est un acte de rupture forte auquel nul dans cette assemblée ne souhaiterait arriver, mais c'est un péril qui guette toutes les nations qui se sont investies dans la construction du projet européen.
C'est cette même contradiction entre le désir d'exit et la tentation du remain qui parcourt l'opinion publique européenne : il y a une méfiance d'Europe en même temps qu'une aspiration à une autre Europe.
Répondre à ces contradictions qui tiraillent les citoyens européens, voilà tout l'enjeu de ces prochaines élections européennes, de ce choix que les Français, ainsi que l'ensemble des Européens, devront effectuer dans moins de deux semaines.
L'examen de ce texte aujourd'hui, à la dernière minute, est le symbole de ces incertitudes et de ces inquiétudes sur notre avenir commun. Je voudrais exprimer à cette occasion mes vives préoccupations sur la manière dont le Président de la République formule le débat européen : il préfère diviser et accentuer les clivages plutôt que rassembler. Le chantage politique auquel il s'adonne et dans lequel il essaye d'enfermer la campagne des élections européennes – ce serait lui ou l'extrême droite – n'est pas digne des enjeux sur lesquels les citoyens européens auront à se prononcer. Pire, il est dangereux, en plus d'être trompeur.
Il est dangereux parce qu'en s'enfermant dans un combat exclusif avec un adversaire choisi, on finit par présenter celui-ci comme la seule alternative crédible. Et l'on fait alors progresser celui qu'on démonise ! À ce titre, la vidéo de propagande du Service d'information du Gouvernement publiée en novembre 2018 est particulièrement révélatrice. Ce chantage à l'extrême-droite est également trompeur, car au niveau européen, les projections donnent deux groupes en tête : les sociaux-démocrates et les conservateurs. Les socialistes et les sociaux-démocrates défendent l'Europe – je le répète : une Europe de la protection sociale, avec des États-providence forts, avec des filets de sécurité, avec des services publics de qualité. Le vote pour une Europe régulée et protectrice, ce n'est donc ni celui pour la majorité actuelle, ni celui pour une liste extrémiste ou populiste, mais bien le vote socialiste et social-démocrate, seule alternative crédible au sein de l'Union européenne.
Nous voulons un dialogue social efficace ; pour cela, nous avons besoin de syndicats, nécessaires interlocuteurs. Nous soutenons un plan d'action sociale, indispensable pour traduire le socle européen des droits sociaux en règles contraignantes qui renforcent les systèmes de protection sociale et les modèles de marché de l'emploi, et qui améliorent les conditions de vie.
Nous voulons une Europe forte ; cette Europe a besoin d'un Parlement fort, mais aussi d'une orientation nouvelle, réformiste et progressiste. C'est de cette façon que nous pourrons sortir par le haut de la crise que nous connaissons, et faire enfin l'Europe des peuples, quand elle n'est aujourd'hui que celle des États.
Le 29/05/2019 à 10:21, Sébastien Peyronet a dit :
"Les socialistes et les sociaux-démocrates défendent l'Europe – je le répète : une Europe de la protection sociale, avec des États-providence forts, avec des filets de sécurité, avec des services publics de qualité. "
Depuis la création de l'Union Européenne dans les années 80 en passant par le Traité de Maastricht dans les années 90 jusqu'au projet de TCE Traité Constitutionnel Européen en 2005, les socialistes qui ont eu l'occasion de gouverner dans quelques pays Européens dont la France, n'ont eu de cesse de soutenir l'obsession du marché, du libéralisme, des privatisations, l'abandon de toute clause sociale dans les Traités. Les Socialistes de gouvernement n'ont jamais rempli leur rôle de construction d'une Europe Sociale depuis 40 ans.
Maintenant que la défiance et la méfiance l'emportent dans les débats Européens, il devient difficile de faire confiance dans les représentants de tous les partis élus pour qu'ils oeuvrent effectivement à l'amendement social des Traités Européens léonins.
Le vis du consentement populaire ne peut plus être l'élément central de la fondation des Traités. Voilà le message des GJ.
Les Sociaux-démocrates et Socialistes Européens n'ont plus aucun crédit pour défendre notre projet d'une Europe de la protection sociale, avec des États-providence forts, avec des filets de sécurité, avec des services publics de qualité.
Les Nationalistes d'extrême droite et les Libéraux Macroniens n'en ont pas davantage.
l'Union Européenne était un projet noble qui a débouché sur de sales réalités. Je pense que les citoyens veulent récupérer l'Europe confisquée par les nationalistes, les conservateurs, les socialistes et les libéraux. Rendez-nous l'Europe et nous en ferons un monde plus stable sur les plans économique, monétaire, social et écologique.
Un monde moins vendu aux multinationales et au dogme destructeur du prix et du salaire bas. Dogme des soit disants "progessistes" Macroniens et Socialistes...
Je ne vois plus où est le progrès dans un tel dogme...
Make Europe Great Again. S'il existe un nationalisme de projet (ce qui n'est pas sûr car la Nation est un cocon tout mou qui n'incite pas à se projeter vers l'avenir) c'est bien les réflexions autour d'une forme de "fédéralisme centralisé" et indivisible avec des Etats-providences Européens forts.
Nous avons besoin d'un Traité social, nous avons besoin d'un Traité fiscal, nous avons besoin d'un Traité écologique et agricole : voilà les priorités européennes.
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