Intervention de Jean-Louis Masson

Séance en hémicycle du lundi 13 mai 2019 à 21h30
Transformation de la fonction publique — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Masson :

Dans le texte que vous soumettez à notre examen, vous affichez votre prétention à transformer la fonction publique, monsieur le secrétaire d'État. Il s'agit en réalité d'un enchevêtrement de dispositions techniques qui se résument à des ajustements technocratiques tendant, dans le meilleur des cas, à transformer le rôle des syndicats au sein de la fonction publique. Nous sommes lassés par vos manoeuvres. Depuis bientôt deux ans, le scénario est invariable : vous pratiquez un bougisme politique dont les gesticulations tournent autour du triptyque « examen accéléré-ordonnances-effets d'annonce pour faire hurler les extrêmes ».

Malheureusement, ces stratagèmes politiciens engluent le pays dans un mortifère surplace, voire l'engagent dans une régression tant ses possibilités de redressement sont grevées par la faiblesse de votre crédit politique, abîmé jusqu'à l'anéantissement par vos pratiques. Il faut rompre avec cette caricature de débat démocratique. Nous n'avons assisté à rien d'autre qu'à un enchaînement ininterrompu de tromperies. Ainsi la loi pour la confiance dans la vie politique a-t-elle fait presque complètement l'impasse sur les conflits d'intérêts. Elle n'a en aucun cas contribué à restaurer la confiance, comme le montre la réaction épidermique à un récent recrutement à La Française des jeux.

La loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, n'a pas réduit significativement les délais d'instruction et a élargi les possibilités d'immigration légale, notamment avec le regroupement familial. La loi ELAN, ou loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, a provoqué un choc de l'offre inversé, avec un effondrement des mises en chantier de logements. Quant au prélèvement à la source, pensez-vous qu'il s'agisse d'une réforme fiscale ? Non : c'est de la pure ingénierie, tandis que la loi anticasseurs, ou loi visant à renforcer et garantir le maintien de l'ordre public lors des manifestations, repoussée par les sénateurs du groupe LaREM avant d'être reprise ici par opportunisme, elle est déférée à l'examen du Conseil constitutionnel par le Président de la République lui-même. Il y a plus discret en termes de tentative de manipulation de l'opinion !

Plus on entend parler de « révolution », de « transformation en profondeur », et d'« effet waouh », plus nous subissons la stagnation et l'effet « pschitt » de timides ajustements de curseurs. Votre verbiage défie le sens des mots. Il nous rappelle ce passage des Caractères de La Bruyère : « Il y a en vous une chose de trop, qui est l'opinion d'en avoir plus que les autres ; voilà la source de votre pompeux galimatias, de vos phrases embrouillées et de vos grands mots qui ne signifient rien. »

En l'occurrence, le texte sur la fonction publique, déjà frileux, a été édulcoré en commission. Vous ne gouvernez pas, vous tâtonnez. Au bout de deux ans, vous en êtes toujours à multiplier les consultations et à commander des rapports pour en enterrer d'autres – au fait, que contenait exactement le rapport CAP22 que vous avez refusé de publier ?

En fait de modernisation et de gouvernance 2. 0, vous déclinez à merveille l'administration dépeinte par Courteline en 1893 dans Messieurs les ronds-de-cuir. On perdrait son temps à débusquer le moindre commencement de clarification et de simplification. Or, les Français ne sont pas dupes de la vacuité de votre grandiloquence. Les écarts entre l'affichage, la réalité et les résultats provoquent l'immense défiance à laquelle vous devez désormais faire face. Conjugués à l'arrogance présidentielle, ils ont plongé le pays dans une crise qui s'éternise et qui coûte « un pognon de dingue ».

Il en ira ainsi tant que vous refuserez de travailler au fond vos dossiers. Vous préférez la pensée en silos du marketing politique. Vous juxtaposez des dispositions, sans vous soucier d'un cap, d'une cohérence d'ensemble. Vos raisonnements ressemblent à la déambulation d'un poulet sans tête.

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