Allez dire à un surveillant pénitentiaire qu'il ne remplit pas ses missions en coursive la nuit alors que son service peine à recruter les effectifs nécessaires.
Allez dire aux greffiers des tribunaux qu'ils ne sont pas disponibles pour les justiciables alors que les procédures dont ils ont la charge explosent.
Allez dire aux agents administratifs que les objectifs ne sont pas tenus alors que la révision générale des politiques publiques, la RGPP, puis la modernisation de l'action publique, la MAP, et enfin le comité action publique 2022, CAP 2022, ont abouti à réduire drastiquement le nombre de postes et à alourdir considérablement la charge de travail de ceux qui restaient, sans accompagnement ni contrepartie.
Certes, quelques passages de ce texte ont pu retenir notre attention en ce que nous en partageons les objectifs : l'égalité entre les femmes et les hommes, une meilleure prise en considération du handicap, l'intégration de la commission de déontologie de la fonction publique dans la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
Nous avons découvert, en commission, l'existence d'un débat au sein de la majorité autour de l'attribution d'une prime de précarité aux contractuels de la fonction publique. C'est un premier pas, et l'on voit combien vous peinez à faire passer cette réforme à laquelle s'opposent les neuf organisations syndicales. Il faut bien commencer à céder quelques avantages, n'est-ce pas, pour que les uns et les autres cessent de ne voir dans cette réforme que des inconvénients.
Pourquoi, cependant, les titulaires d'un CDD de moins de un an seraient-ils les seuls à toucher cette prime ? Nous avons appris par la presse – et non dans l'hémicycle – que le secrétaire d'État promettait une prime de deux fois le SMIC. Pourquoi pas deux fois et demie ? Pourquoi cette limite de un an ? Nous avons bien compris que, du fait du développement du CDD de chantier, vous vouliez fixer une limite à l'acceptable. L'article des Échos fait état de 400 millions d'euros, ce qui est déjà beaucoup pour ce Gouvernement ! Mettez-vous à sa place ! Il a déjà dû céder 10 milliards, bientôt sept autres, peut-être. Il ne faudrait pas que l'addition soit trop lourde, car cela pourrait être du plus mauvais effet sur le chiffre de la dette, dont on nous rebat les oreilles matin, midi et soir.
La lutte contre les discriminations témoigne d'une autre incohérence, liée à la limitation de la place des organisations syndicales dans la fonction publique et à la hausse du nombre de contractuels, ce qui multiplie les risques d'arbitraire. Dès lors que l'on peut librement fixer la rémunération d'un contractuel, les risques d'effets de bord sont réels, au détriment des femmes. C'est déjà le cas dans le privé dont vous voulez transposer au public les pires dispositions.
En effet, votre texte n'est qu'un vulgaire copier-coller des ordonnances relatives à la réforme du code du travail du début de votre quinquennat. Par facilité, faute d'idées nouvelles, vous reprenez les anciennes. C'est vrai, il faut aller vite tout en étant efficace : réduire le nombre de fonctionnaires et de contractuels au service des consommateurs usagers.
Ainsi, vous proposez de fusionner les instances syndicales, les comités techniques et les CHSCT en un futur comité social d'administration. L'expérience menée dans le privé n'a pas porté les fruits espérés. En revanche le risque, que nous avions dénoncé, d'amoindrir la capacité des salariés à se faire représenter et entendre est bien réel. En l'espèce, le résultat ne s'est pas fait attendre !
Une telle proposition témoigne d'un réel mépris à l'égard de la fonction publique actuelle. Combien de comités techniques s'achèvent sans avoir épuisé l'ordre du jour à vingt heures, voire plus tard, en ayant commencé dès neuf heures le matin, alors que le CHSCT se réunit en parallèle autour d'un ordre du jour spécifique ? Il arrive d'ailleurs qu'au sein même du CHSCT, des comités de veille réunissent les différentes organisations syndicales et les représentants de l'administration pour traiter de chaque sujet. Or vous prétendez fusionner ces organismes en une seule instance pour, selon vos termes, favoriser la transversalité et l'horizontalité, privilégier une vision globale. À votre avis, pourquoi avons-nous créé ces instances ? Pour compenser, justement, une vision trop éloignée du terrain en se donnant le temps d'analyser les situations particulières des agents concernés.
Cette mesure conduira à aggraver la situation des plus fragiles et à renforcer les injustices.
Pour ce qui est de la rupture conventionnelle, elle consiste en une nouveauté juridique pour les fonctionnaires, pour le moins baroque. Je ne sais ce qu'en pensera le Conseil constitutionnel, mais ce texte, tout comme les ordonnances travail, semble poursuivre un objectif abscons. Alors que les ordonnances relatives à la réforme du code du travail tendaient à « faciliter le licenciement pour améliorer l'embauche », ce texte vise à mettre de côté des fonctionnaires pour garantir le statut. Cette conception est d'autant plus étrange que les contractuels sont très nombreux dans les trois fonctions publiques : 18 %, dont 70 % de CDD en contrat court.