M. Cellier m'a interrogé au sujet de l'arrêt des tranches et de l'organisation de leur démantèlement. De toute évidence, lorsque nous aurons douze tranches additionnelles, nous les désignerons d'un commun accord avec l'État – en ce qui concerne les deux premières de Fessenheim, la messe est dite… Ces douze tranches feront naturellement partie d'une équation impliquant certaines contraintes, la première étant constituée par la demande de l'État de ne fermer aucun site : il ne s'agit donc, au moins dans le cadre de cette première phase, que de réduire le nombre de tranches sur chacun des sites. J'insiste sur ce point : en dehors de Fessenheim, il n'y aura aucune fermeture de site.
Je précise que les sites concernés sont ceux comportant les réacteurs les plus anciens, d'une puissance de 900 mégawatts, qui seront les premiers à atteindre l'âge de cinquante ans – il ne s'agit donc pas des réacteurs plus récents, de 1 300 ou de 1 450 mégawatts. Parmi ces sites, la plupart comptent quatre tranches, mais certains en comptent six – c'est le cas de la centrale de Gravelines. Le moment venu, en fonction d'un certain nombre de considérations à caractère économique et social, mais aussi de l'avis de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), qui devra donner son feu vert pour que la durée d'exploitation de certaines installations passe de quarante ans à cinquante ans, nous déterminerons les sites sur lesquels nous procéderons à la fermeture de deux unités – par exemple, le site de Gravelines pourrait passer de six à quatre unités. En tout état de cause, j'insiste sur le fait qu'aucune décision n'est prise pour le moment.
Pour ce qui est du démantèlement, nous estimons que c'est notre métier. Nous sommes organisés pour démonter les centrales nucléaires par nos propres moyens, la gestion des déchets à radioactivité élevée étant, elle, confiée à Orano dans un premier temps, puis au Centre industriel de stockage géologique (CIGEO). Sur le plan de l'organisation, nous allons faire en sorte de piloter nous-mêmes les chantiers, et avons pour cela complété les unités que nous possédions déjà en faisant l'acquisition d'unités supplémentaires. Nous avons actuellement neuf chantiers de déconstruction en cours, correspondant aux centrales les plus anciennes, notamment celle de Brennilis, dans le Finistère, celle de Saint-Laurent-des-Eaux, en Loir-et-Cher, celle de Chinon, en Indre-et-Loire, ou encore celle de Chooz, dans les Ardennes – pour ce qui est de cette dernière, le chantier de démantèlement de l'un des réacteurs à eau pressurisée en est à plus de 80 % d'avancement, et devrait être terminé dans quelques années. Comme je vous le disais, nous faisons en sorte que le démantèlement soit l'un des métiers d'EDF et soit, à ce titre, intégré à son écosystème. Bien sûr, nous travaillons avec des partenaires et sommes à ce titre tenus par le code des marchés publics d'organiser des appels d'offres.
M. Cellier a également évoqué la dimension locale et le contrat de transition énergétique portant sur le site d'Aramon, dans son département du Gard – ce qui me donne l'occasion de le remercier pour le travail qu'il a accompli au cours des dernières années afin de nous accompagner dans la fermeture de la centrale au fioul. Je rappelle que nous construisons à Aramon une centrale solaire, ce qui est un bel exemple d'une énergie verte venant se substituer à une énergie fossile. Nous avons l'intention, sur chacun des sites concernés par une diminution importante d'effectifs – par exemple à Fessenheim – de nous investir, comme nous l'avons toujours fait, pour la reconversion de nos salariés mais aussi pour soutenir un écosystème qui souffre du départ des activités d'EDF.
M. Fasquelle m'a interrogé au sujet de nos moyens. Comme vous le savez, nous avons besoin d'investir largement dans les plans de développement que nous mettons en place, notamment dans le plan solaire, le plan mobilité et le plan stockage. Aujourd'hui, nos moyens se trouvent très contraints par la régulation.
Pour ce qui est de nos tarifs, ils obéissent à un mode de calcul fixé et géré en dehors d'EDF, c'est-à-dire par la CRE. Ce mode de calcul tient compte d'un certain nombre de paramètres tenant aux coûts d'acheminement, mais aussi aux taxes gérées par l'État ; il tient également compte du prix du marché et du niveau du tarif réglementé, ce dernier étant géré par l'État. Compte tenu de ces différents paramètres, les tarifs de l'électricité se caractérisent par une certaine volatilité, dépendant très partiellement des prix de marché. Ceux-ci, après avoir baissé, puis stagné, ont augmenté assez rapidement, ce qui a conduit à la hausse de 5,9 % annoncée pour le mois prochain.
L'avenir du tarif de l'électricité dépendra de ses différentes composantes, à savoir les coûts d'acheminement, gérés directement par la CRE via le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE) – ce sont les activités régulées de Réseau de transport d'électricité (RTE) et d'Enedis –, le tarif réglementé de vente (TRV), que la modification du mode de calcul de l'ARENH devrait permettre de faire évoluer, les prix de l'énergie sur le marché – très élevés l'année dernière, au moment où ce paramètre a été intégré dans le calcul, et qui ont un peu baissé depuis – et, enfin, le niveau de la fiscalité, qui dépend de l'État. Je souligne que, dans la note d'information qu'elle a mise à disposition du public, la CRE a indiqué que, dans certains pays, on a vu l'État alléger un peu la fiscalité afin de compenser la hausse constatée du prix de marché de l'énergie, ce qui équivaut à une espèce de taxe flottante.
Pour ce qui est des partenariats industriels, ceux que nous avons réussi à créer en France sont importants et puissants, notamment dans le domaine de l'industrie électronucléaire. Grâce à un fort soutien de l'État, Areva a pu être transformée en Framatome et en Orano, deux sociétés bénéficiant d'une bonne visibilité. Quant à la cession de la division énergie d'Alstom à General Electric, elle ne s'est pas traduite par des modifications substantielles pour nous, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire devant la commission d'enquête de l'Assemblée qui m'avait interrogé à ce sujet : certes, nous avons dû prendre de nouvelles habitudes contractuelles et commerciales dans nos relations avec les équipes de General Electric, mais ce changement de propriétaire n'a pas fondamentalement modifié les rapports que nous avons avec nos partenaires dans les différentes usines et bureaux d'études. En tout état de cause, nous avons parfaitement conscience de l'importance des emplois industriels qui dépendent des commandes d'EDF et nous avons bien l'intention, en France et en Europe, de poursuivre notre rôle d'opérateur énergétique engagé avec son industrie dans des partenariats, en vue de travailler sur le long terme.
Vous m'avez aussi interrogé, Monsieur Fasquelle, sur le bilan de l'ouverture à la concurrence. À cette question, que m'a également posée M. Ruffin, devrais-je répondre que l'ancien monopole regrette le bon vieux temps ? Je préfère vous dire qu'un bilan honnête de l'ouverture à la concurrence devrait distinguer la production et la commercialisation. En matière de production, il y a des initiatives et de la créativité, et des choix sont faits : je choisis de privilégier tel ou tel moyen de production, j'ai un meilleur rendement, j'investis dans une nouvelle technologie, etc. En revanche, la commercialisation ne touche qu'une petite partie de la chaîne de valeur de l'électricité – évaluée à environ 5 % par les experts –, et il ne paraît pas forcément pertinent de se battre sur ce segment très réduit et portant finalement sur un service qui est toujours un peu le même : faire en sorte que le consommateur qui actionne un interrupteur ait de la lumière… En fait, il s'agit simplement de transférer un compte d'un ordinateur de l'opérateur précédent vers un compte du nouvel opérateur, en se contentant de procéder au passage à quelques vérifications d'identité et de coordonnées bancaires.
Il est permis de se demander s'il est vraiment justifié et conforme à l'intérêt général de dépenser beaucoup d'énergie et d'argent sous forme de campagnes publicitaires pour un enjeu ne représentant que 5 % de la chaîne de valeur. Cela dit, je conçois que l'ancien monopole qu'est EDF ait du mal à faire sien ce discours, et davantage encore à aller plus loin, et il me semble que nous pourrions nous demander si l'ouverture à la concurrence ne pourrait s'envisager sous un angle différent, en s'élargissant au domaine de la production.
Je veux dire à Mme de la Raudière que le coût du grand carénage a été optimisé ces dernières années, puisque nous avons gagné 15 % sur le devis correspondant à la période 2014-2025 – la période clé du grand carénage –, ce qui fait que nous consacrons actuellement environ 4 milliards d'euros par an, de manière stable, à cette opération. Disposant de moyens définis depuis plusieurs années, le grand carénage est tout à fait sous contrôle, et nous allons passer en 2019 une étape extrêmement importante : en effet, après l'arrêt du réacteur 1 de la centrale du Tricastin, nous allons procéder cet été à son grand carénage, qui devrait être terminé pour la fin de l'année ; lorsque nous aurons reçu l'autorisation de l'ASN, nous pourrons redémarrer ce réacteur, qui sera alors le premier des cinquante-six réacteurs français à voir son exploitation dépasser le cap des quarante ans pour aller vers celui des cinquante ans. Ce sera de notre point de vue un moment clé, qui servira aussi à démontrer le bon fonctionnement de ce programme qu'est le grand carénage.
Pour ce qui est des provisions, je vous confirme qu'elles intègrent le coût de la gestion des déchets de fin de vie. De nombreuses études, qu'elles soient réalisées par les services comptables et les commissaires aux comptes de l'entreprise, par la Cour des comptes, ou encore par les analystes indépendants commandités par le ministère de l'énergie il y a quelques années, ont analysé en détail le stock de provisions que nous avons constitué pour traiter à la fois le problème des déchets nucléaires en fin de cycle et le coût de la déconstruction des installations et de la remise en état des terrains après exploitation, et toutes ces études ont validé le montant de nos provisions, estimé suffisant. Au moment où je vous parle, nous avons déployé, dans un compartiment spécial du bilan d'EDF, des actifs consacrés à la déconstruction et à la gestion des déchets, dont le montant dépasse celui des passifs correspondants. Je précise que ces provisions font l'objet d'un contrôle de la part d'un comité spécialisé émanant du conseil d'administration, ainsi que de Bercy.