Je peux vous assurer qu'en tant que responsable d'EDF j'attache une grande importance à cet aspect, car j'estime que nous ne pouvons pas léguer aux générations futures des provisions insuffisantes. Nous vérifions à chaque fin de semestre que nous avons suffisamment doté, et procédons si nécessaire à des réajustements afin d'être en permanence au moins à l'équilibre – actuellement, le solde entre les actifs et les passifs présente même un léger excédent.
Vous avez également évoqué la suppression de l'ARENH et des TRV. À ce sujet, je précise que si nous avons formulé des propositions d'évolution de l'ARENH, il ne s'agit pas de supprimer les TRV. Nous défendons en effet le maintien d'un tarif réglementé, le tarif bleu, qui constitue une assurance pour tous les Français et représente environ 78 % des parts de marché auprès des particuliers. Par ailleurs, il nous semble possible de conserver une composante fixe au sein du TRV en modifiant le mécanisme asymétrique de l'ARENH qui, pour nous, présente une certaine inéquité, puisque l'EDF n'est jamais gagnante : le tarif étant limité à la hausse, mais pas à la baisse, il s'agit pour nous d'un système « perdant-perdant » ! C'est cet aspect-là que nous voulons changer, mais cela ne se fera pas au détriment de la facture d'électricité : nous souhaitons que soit trouvé un nouvel équilibre entre EDF et des concurrents qui, concentrés, sont aujourd'hui puissants, d'autant plus qu'ils ne se donnent même pas la peine d'investir et bénéficient donc de ce que les Français ont construit au fil des décennies en payant leurs factures d'électricité : à notre sens, il n'y a pas de raison que cette rente appartenant à la collectivité finisse dans les poches de nos concurrents.
La productivité d'EDF par rapport à d'autres électriciens est assez difficile à calculer. Même à l'intérieur de la zone européenne, les régimes de taxation sont très différents d'un pays à l'autre. On trouve en Europe quelques pays où le prix de l'électricité est un peu moins élevé que celui pratiqué par EDF : ce sont souvent des pays assez peu peuplés et disposant d'importantes ressources naturelles – je pense notamment aux pays scandinaves, où les ressources hydroélectriques sont abondantes –, ce qui fait qu'il est difficile d'établir une comparaison entre la situation de ces pays et celle de pays comme le nôtre, où la densité de population est beaucoup plus élevée. Cela dit, aucun des pays limitrophes ou proches de la France, qu'il s'agisse de la Belgique, des Pays-Bas, du Luxembourg, de l'Allemagne, de la Suisse, de l'Italie ou de l'Espagne, ne pratique des tarifs inférieurs à ceux d'EDF : l'écart avoisine les 30 % dans la plupart de ces pays, et les tarifs sont même presque deux fois plus élevés en Allemagne – en grande partie en raison des taxes appliquées outre-Rhin. Un ménage français qui traverserait une frontière pour aller s'installer dans l'un de ces pays paierait donc son électricité 30 % plus cher dans la plupart des cas, et environ 85 % plus cher si sa destination était l'Allemagne.
Pour ce qui est de l'installation des éoliennes, je dirai qu'elle constitue l'un des thèmes des politiques publiques. Nous avons conscience que la politique mise en oeuvre jusqu'à présent, consistant à essayer de produire une quantité importante d'énergie éolienne en installant peu de machines, n'a pas très bien fonctionné. Si dans d'autres pays, on a fait le choix de recourir à des installations plus nombreuses et présentant une plus grande densité – je me suis rendu en Italie du sud où, sur une zone correspondant à deux départements français, on voit davantage d'éoliennes qu'on n'en trouverait sur une zone recouvrant deux régions de notre pays –, cela ne correspond pas à ce qui est fait en France, où les problèmes d'acceptabilité ont parfois pour conséquence de retarder considérablement les chantiers que nous lançons. Dans le cadre du développement des énergies renouvelables, les éoliennes constituent un moyen puissant et potentiellement significatif – en Allemagne ou en Espagne, la production obtenue par ce moyen est loin d'être anecdotique – de substitution aux énergies fossiles, et peut-être même un jour à l'électronucléaire.
À un moment donné, il y a donc un choix à faire en matière de politique énergétique, et c'est la raison d'être de la PPE que de faire ce choix. Si la baisse des prix des éoliennes offshore peut conduire à réexaminer le poids respectif des éoliennes terrestres et des éoliennes en mer, force est de constater que, pour des raisons que je n'ai sans doute pas le temps de vous expliquer aujourd'hui, l'installation des éoliennes offshore n'a pas encore commencé. J'aurais aimé pouvoir vous parler des installations offshore réalisées sur la base des décisions prises par l'État du temps du Président Nicolas Sarkozy, mais c'est malheureusement impossible, rien n'ayant encore été fait – et il n'est même pas certain qu'une éolienne offshore soit construite avant la fin du quinquennat d'Emmanuel Macron… Je le répète, s'il doit être procédé à un rééquilibrage entre éoliennes terrestres et éoliennes offshore, encore faudrait-il qu'on puisse construire des éoliennes offshore dans des délais raisonnables.
Madame Battistel, vous m'avez d'abord interrogé sur le cadre de la régulation. Nous avons en effet formulé des propositions afin qu'une nouvelle régulation puisse s'inscrire dans le principe – figurant d'ailleurs dans le discours du Président de la République du 27 novembre dernier – d'un nouveau mécanisme se substituant au mode de calcul de l'ARENH. Il s'agirait d'instaurer un plafonnement du tarif afin que les consommateurs ne subissent pas de plein fouet la volatilité des prix lorsque ceux-ci connaissent une forte hausse, assorti d'un prix plancher – qui n'existe pas aujourd'hui –, afin que nous n'ayons pas, dans le contexte d'une baisse des tarifs, à remettre en cause nos investissements ou à mettre en place des mesures exceptionnelles pour les maintenir.
C'est le principe du corridor, qui est plus ou moins explicite dans le discours du Gouvernement, auquel nous travaillons avec lui, et qui peut faire partie des propositions que nous ferons dans le cadre de l'invitation faite par M. de Rugy de réfléchir à ces questions alors que des interpellations se font jour au moment où la CRE recommande une hausse significative des tarifs.
Votre question portant sur l'autoconsommation se situe dans l'anticipation, car, si elle est intéressante, elle demeure pour l'instant marginale et ne concerne que 10 000 ou 20 000 foyers français, alors que nous sommes dans un monde qui compte 35 millions d'autoconsommateurs.
Nous pouvons nous préparer à concilier le centralisé et le décentralisé, à redéfinir – chose qui doit interpeller notre régulateur, la CRE – ce qu'est une installation privée par rapport au régime public, ce qui relève des systèmes de péréquation et ce qui, au contraire, peut être produit et consommé dans un cadre privé. Nous avons cependant un peu de temps devant nous, car il est aujourd'hui plus intéressant pour les ménages de construire des panneaux solaires et de revendre toute l'électricité à EDF. Certains en consomment eux-mêmes une partie et revendent le solde à EDF.
Ce sujet ne manquera pas de faire couler beaucoup d'encre à l'avenir, mais ne constitue pas pour l'instant une préoccupation opérationnelle, même si c'est avec raison que vous soulignez que nous devons nous en préoccuper et la faciliter. L'autoconsommation amènera nos concitoyens à davantage de sobriété et de prise de conscience de l'importance des questions relatives à l'énergie. EDF sera conduite dans peu de temps à travailler davantage avec la CRE, et ce d'autant plus que nous nous sommes réorganisés de façon à faire de l'autoconsommation le fer de lance de nos nouvelles offres commerciales. Nous pensons effectivement être leader sur le marché français, et le nombre de foyers installant des panneaux solaires sur leur toiture et pratiquant l'autoconsommation commence à être un peu plus élevé, ce qui était embryonnaire par le passé.
Vous m'avez encore interrogé sur les barrages. Comme vous le savez, la France a reçu, et EDF était en copie, une nouvelle mise en demeure de la Commission européenne. Nous ne sommes pas les seuls puisque huit États européens ont été concernés, et que la France va donner une réponse dans quelques jours.
Je crois qu'il y a deux poids et deux mesures en Europe en fonction de différentes considérations qui ne semblent guère rationnelles. On voudrait ainsi pénaliser EDF simplement parce qu'elle gère bien ses barrages, et que l'écosystème que nous avons créé autour de ces installations constitue une exception française. Nous avons en effet trouvé un bon équilibre entre la valorisation de l'eau pour sa valeur énergétique et l'ensemble des systèmes économiques, sociaux, du tourisme, du sport et de l'irrigation vivant autour des barrages.
C'est pourquoi nous ne voulons pas rompre cet équilibre ; et je veux, à cet égard, vous remercier pour votre action constante ainsi que pour votre soutien. Nous tâchons de combattre cette vision très particulière de la Commission européenne du système hydraulique français.
À M. Ruffin, je rappellerai que ce n'est pas uniquement EDF qui fixe la répartition entre la part de l'abonnement et part de la consommation. Un chèque énergie a été mis en place, qui est un moyen important de combattre une certaine forme de précarité énergétique.
Le chèque énergie constitue-t-il le meilleur outil, dans la mesure où les intéressés doivent aller le toucher une fois qu'ils l'ont reçu ? Il est probablement trop tôt pour le dire puisque le ministère, qui gère le dispositif et qui est à l'origine de la modification apportée au régime des tarifs sociaux de l'énergie ayant conduit à l'institution de ce mécanisme, aura certainement à en établir le bilan.
En tout état de cause, EDF est déterminée à aider ceux qui connaissent la précarité énergétique en mettant en oeuvre les moyens de la combattre ; à cet égard, je veux souligner que près de 350 de nos salariés s'emploient à temps plein à travailler dans les quartiers avec les travailleurs sociaux pour aider les personnes en situation de difficulté énergétique à surmonter ce problème d'accès à l'énergie. C'est ainsi que nous avons mis en place ce système de conseillers très décentralisés auprès des associations, des services de l'État ou des municipalités qui s'occupent de ces sujets.
Je voudrais encore répondre à M. Ruffin que tout le système énergétique est fondé sur des péréquations, et qu'il existe des mécanismes de modulation de ces péréquations. Je souhaite rappeler qu'il existe une péréquation géographique tout à fait essentielle, ce que l'on a tendance à oublier, qui fait que le prix de l'électricité est le même dans le centre de Paris, dans un village rural ou dans les territoires d'outre-mer, ce qui est un des fondements de la République et d'EDF. Nous ne sommes pas dans un système qui pourrait exister dans d'autres circonstances où les prix seraient différenciés. Nous pratiquons un prix unique, nous avons mis en place un système pour les précaires, et nous sommes le coeur d'un mécanisme de péréquation extrêmement puissant au sein du système énergétique français.
M. Wulfranc m'a interrogé sur la fiscalité des factures ; à cette question je répondrai que l'État dispose des moyens de la moduler en fonction de l'évolution des autres composantes. N'étant pas compétent sur ces sujets, je ne répondrai pas plus avant.