Intervention de Jimmy Pahun

Réunion du mardi 30 avril 2019 à 16h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJimmy Pahun, rapporteur :

Mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner en deuxième lecture la proposition de loi déposée en octobre dernier par le groupe Modem « pour la protection foncière des activités agricoles et des cultures marines en zones littorales ».

Pour rappel, cette proposition de loi a été adoptée à l'unanimité en première lecture à l'Assemblée nationale le 29 novembre 2018 grâce, notamment, à toutes les améliorations que nous avons collectivement apportées à ce texte en commission. Je tiens à vous en remercier de nouveau.

Cette proposition de loi a ensuite été rapidement inscrite à l'ordre du jour du Sénat, à la demande du groupe La République en Marche, et adoptée à l'unanimité le 6 mars dernier. Je me félicite de cette unanimité, qui démontre une fois encore que les constatations à l'origine de cette proposition de loi et les mesures prévues sont partagées par l'ensemble des groupes politiques.

Je souhaiterais remercier les sénateurs pour l'esprit dans lequel ils ont discuté ce texte, et tout particulièrement M. Daniel Gremillet, rapporteur au Sénat. Les chances qu'une proposition de loi parvienne au terme de la navette parlementaire résident dans le maintien de sa concision et dans des enrichissements consensuels. Le Sénat a donc adopté conformes les trois articles qui constituaient le texte issu de l'Assemblée nationale, il a précisé le titre de la proposition de loi et n'a introduit qu'un nouvel article.

Avant d'évoquer ce nouvel article, le seul restant en discussion, je souhaite rappeler les raisons pour lesquelles l'adoption de cette proposition de loi est, à mes yeux, cruciale. Il s'agit essentiellement de préserver nos activités agricoles en zone littorale et de protéger notre bord de mer, espace rare et convoité, contre la spéculation foncière. Les chiffres sont très parlants : le rythme d'artificialisation des communes littorales est 2,6 fois plus élevé que sur le reste du territoire. Il en va de même de la disparition des terres agricoles ces quarante dernières années, qui est 2,5 fois plus rapide que la moyenne métropolitaine.

Les trois premiers articles de la proposition de loi, adoptés conformes par le Sénat, tendent donc à lutter contre ces phénomènes. Ils renforcent, pour ce faire, le droit de préemption des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER), dont la mission est d'acquérir des biens agricoles – terrains ou bâtiments – et de les rétrocéder aux personnes capables d'en assurer la gestion, la mise en valeur ou la préservation ; le plus souvent des exploitants agricoles.

Il existe aujourd'hui un vrai « trou dans la voile », car les SAFER ne peuvent préempter des bâtiments ayant eu un usage agricole pour leur rendre un tel usage que si cette activité agricole a été exercée au cours des cinq années précédant l'aliénation. Il suffit donc aux propriétaires de bâtiments agricoles d'attendre cinq ans pour éviter une préemption par les SAFER et revendre leur bien plus cher à des non-professionnels. L'objectif de la proposition de loi est de combler ce trou et de permettre aux SAFER de préempter des bâtiments qui ont eu un usage agricole si l'activité agricole a été exercée au cours des vingt années précédant la vente. Je pense que cette mesure sera réellement dissuasive à l'égard des contournements rencontrés dans les communes littorales, tout en présentant des garanties au regard du droit de propriété.

J'en viens désormais au seul article restant en discussion. Cet article reconnaît l'exploitation de marais salants comme une activité agricole. Il s'agit d'une demande forte des saliculteurs depuis un certain nombre d'années. L'activité salicole, qui n'est ni une production végétale, ni animale, n'est pas considérée aujourd'hui comme une activité agricole au titre de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime. La saliculture n'étant pas considérée comme une activité agricole, ni les marais salants, ni les bâtiments affectés à la production du sel issu des marais salants ne sont pleinement considérés comme des biens à usage agricole soumis au droit de préemption des SAFER.

La reconnaissance de la saliculture comme activité agricole permettra donc aux SAFER de préempter des terrains ou des bâtiments qui auraient été utilisés pour l'exploitation de marais salants au cours des vingt années précédant leur aliénation, afin de leur redonner un usage agricole. Cette disposition va dans le sens d'une meilleure préservation de la saliculture en zone littorale. Les saliculteurs y sont, en effet, confrontés aux mêmes pressions touristiques, démographiques et foncières que les autres agriculteurs.

Cette disposition me semble également être de bon sens dans la mesure où les saliculteurs sont déjà assimilés à des agriculteurs à plusieurs titres : l'activité d'exploitation de marais salants ouvre aujourd'hui droit à l'affiliation au régime de protection sociale des non-salariés et des salariés des professions agricoles ; et les exploitants de marais salants sont aujourd'hui soumis à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices agricoles.

Comme l'a indiqué, il y a tout juste un an, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation devant notre commission, la reconnaissance de la production de sel issu des marais salants comme activité agricole permettra de sécuriser la situation des acteurs du secteur. Je suis ravi que cette proposition de loi puisse être le vecteur de cette reconnaissance.

Pour conclure, je souhaite dire à quel point je me réjouis du parcours de ce texte. Il a été élaboré, au départ, avec la profession et des élus du littoral, en particulier le maire de Saint-Philibert, pour répondre à une difficulté concrète liée à la transformation, en zone littorale, de bâtiments à usage conchylicole en habitations résidentielles, restaurants ou résidences secondaires. Il permet désormais, après examen en commission et en séance dans les deux assemblées, de préserver plus généralement les activités agricoles en zone littorale, et donc le littoral lui-même, en luttant contre l'artificialisation de son sol. Certes, renforcer le droit de préemption des SAFER ne résoudra pas toutes les difficultés qui se posent en zone littorale. Néanmoins, il s'agit d'une première étape vers une meilleure préservation des activités agricoles, dont je me félicite. Nous sommes tous ici conscients de l'importance des activités agricoles pour le maintien de notre patrimoine, le développement économique de nos territoires littoraux et la préservation de l'environnement.

Cette proposition de loi passera ensuite en procédure simplifiée en séance, le consensus général permettant l'effectivité du travail parlementaire. Comme l'a indiqué la présidente, cette proposition sera discutée en séance jeudi 9 mai. J'appelle de mes voeux un vote conforme en séance, de manière à ce que ce texte, fruit d'un travail de concertation mené avec l'ensemble des fédérations professionnelles et le rapporteur du texte au Sénat, puisse rapidement entrer en vigueur.

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