La mobilité, avec l'industrie et l'habitat, représente 80 % des causes pouvant influer sur le changement climatique. Nous sommes donc sur un sujet absolument majeur. Le Président de la République a évoqué hier la question de la biodiversité comme une cause au moins aussi importante que le climat. Nous sommes au bord d'un risque d'effondrement majeur, qui mettrait en cause tout ce qui lie nos sociétés, tout ce qui fait notre économie. Nous sommes donc face à ce qui devrait être une priorité absolue.
Dans ce contexte, on peut se demander si ce texte sur la mobilité est à la hauteur des enjeux. Force est de constater, même si cela ne le condamne pas entièrement pour autant, que ce texte n'est pas à la hauteur. Il apporte des avancées, sur lesquelles nous conduirons un travail de discernement : ma collègue Marie-Noëlle Battistel apportera des précisions sur les questions de la montagne, sur les réseaux de proximité et sur l'hydrogène ; nous proposerons de façon pragmatique quelques éléments d'amélioration.
Cela ne nous empêche pas de souligner cinq points faibles qui touchent à des questions plus structurelles, et qui recouperont certaines des interventions précédentes, notamment celle de M. François Ruffin.
Le premier concerne le lien entre l'urbanisme et la mobilité. Les lois Grenelle et la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) avaient essayé de concilier espace et mobilité. Nous sommes loin du compte, tant dans la consommation foncière que dans les impacts d'infrastructure. Nous devons réfléchir à un urbanisme et à des modes de vie et de production qui limitent eux-mêmes les mobilités des marchandises et des personnes, définir d'autres concepts de mobilité ; or rien dans ce texte n'y invite. Plus grave peut-être, il n'y a rien qui nous aide à penser les mobilités dans leur ensemble. Pour prendre un seul exemple, sur lequel nous avons beaucoup travaillé dans le Grand Est, c'est celui de la vallée de la Moselle et du lien entre l'axe nord, celui du Luxembourg, et celui de Lyon sur l'A31 bis : toutes les réflexions qui traversent la Lorraine ont buté sur une vision de l'État exclusivement centrée sur le transport automobile et routier, et qui n'envisageait pas sur ce même axe une réactivation des moyens fluviaux et ferroviaires. Il a fallu mener un combat politique pour que nous pensions globalement les mobilités et que nous renoncions à ce qui était devenu un dogme : le caractère inéluctable de la croissance du trafic routier. Bref, penser globalement l'urbanisme et la mobilité, repenser la mobilité de façon multimodale reste aujourd'hui un angle mort de nos politiques publiques, et je crains que cette loi ne permette pas de poser les problèmes en ces termes alors que c'est en amont qu'il faut traiter les sujets.
Le deuxième angle difficile, c'est celui de la fiscalité où l'on aurait pu à tout le moins poser quelques principes. Nous savons qu'en reculant sur la taxe carbone, nous avons renoncé à son utilisation intelligente, qui aurait pu être au service de la création d'infrastructures, de développement de nouvelles mobilités.
Ce renoncement va nous coûter cher au moment où, troisième point, le financement de la mutation des infrastructures et des technologies va faire défaut dans la lutte contre le changement climatique.
Quatrièmement, je n'arrive pas à comprendre que, sur le plan politique, Mme la présidente Barbara Pompili et vous-même, Monsieur le président, ayez pu acter que la question de l'aérien était irrecevable dans un projet sur les mobilités. J'ai posé il y a dix-huit mois une question au Gouvernement – et j'attends toujours la réponse – concernant la taxation du kérosène sur les vols intérieurs. Alors que c'est redevenu une question populaire avec le mouvement des « Gilets jaunes », je trouve scandaleux qu'elle ne soit pas traitée dans ce texte.
Enfin, j'appelle l'attention, dans la tradition sociale-démocrate qui est la nôtre, d'un transfert sur les collectivités et les entreprises pour les chèques mobilité durable qui dépendent par trop de la différence des richesses de ces territoires et de ces entreprises, ce qui pourrait créer une inégalité de fait pour nos concitoyens.