Intervention de Nicole Dubré-Chirat

Séance en hémicycle du mardi 14 mai 2019 à 15h00
Transformation de la fonction publique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicole Dubré-Chirat :

En 1974, Georges Pompidou écrivait : « Depuis la fin de la guerre, des générations de fonctionnaires ont été formées dans l'esprit que l'intérêt général se confond non pas seulement avec la primauté de l'État mais avec l'interventionnisme étatique et la défiance à l'égard de l'entreprise privée ». Force est de constater que près de quatre-vingts années après la création du statut des fonctionnaires, sous l'impulsion de Maurice Thorez, notre société a évolué, comme notre rapport à l'État et à sa fonction publique.

C'est pourquoi nous devons moderniser la fonction publique, afin de lui permettre de s'adapter aux usages et pratiques du XXIe siècle. En modernisant le statut, nous garantissons un service public d'une grande efficacité, plus réactif, attractif et surtout adapté aux attentes de nos concitoyens.

Cette réforme est conforme aux orientations fixées tant par le Président de la République que par le Premier ministre : elle n'est pas la fin du statut des fonctionnaires, ni de leurs droits ni de leurs obligations. Non, le contrat n'est pas la norme, le fonctionnariat demeure et demeurera majoritaire. La contractualisation intervient à titre de remplacement ou dans l'attente de pourvoir un poste vacant, ou encore pour répondre à une mission ponctuelle.

La réforme répond à la volonté des Français, qui aiment leurs services publics, mais en dénoncent souvent leurs dysfonctionnements. C'est pourquoi nous devons transformer la fonction publique, afin de la renforcer. En l'état actuel, sa gestion ne permet pas aux agents disposer des leviers nécessaires à la conduite du changement et à la mise en oeuvre des politiques publiques. Le texte donnera les outils nécessaires à l'employeur public pour piloter sa politique de ressources humaines au plus près de ses besoins, garantissant ainsi une efficacité accrue de nos services publics pour les Français. La réforme permettra une plus grande polyvalence et une forte proximité, ce qui, je tiens à le rappeler, est l'une des demandes phares du grand débat national.

Mon expérience professionnelle est caractéristique de cette réforme : j'ai souvent fait la navette entre les secteurs privé et public, à des fonctions de management. Je suis consciente des améliorations que le secteur privé peut insuffler au secteur public – et inversement – , pour permettre une plus grande polyvalence et une meilleure proximité de nos services publics pour les usagers.

Pour ce faire, nous facilitons les mobilités entre les trois versants de la fonction publique, en créant la plateforme Place de l'emploi public, qui permettra aux agents souhaitant une mobilité opérationnelle ou géographique, de postuler directement sur le site et d'obtenir plus rapidement une affectation conforme à leur projet professionnel.

Cette mobilité est garantie entre les secteurs privé et public, notamment dans l'accompagnement par la formation, rendu désormais possible par l'article 21 du texte. Ce projet de loi garantit la portabilité des droits du compte personnel de formation entre les deux secteurs, tout en permettant au secteur public de bénéficier des avancées que nous avons votées pour le privé dans la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel : monétisation des droits et désintermédiation de l'offre de formation.

Je tiens aussi à saluer la généralisation de l'obligation d'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires, par la tenue d'un entretien professionnel d'évaluation, en lieu et place du système de notation, devenu désuet. En effet, la notation favorise l'ancienneté au détriment de l'investissement et de la motivation, créant ainsi des situations injustes pour les agents publics, qui ne peuvent être valorisés.

Ce texte transpose des avancées importantes du secteur privé dans la fonction publique, tout en respectant la tradition du fonctionnariat. Ainsi, l'article 26 introduit le mécanisme de rupture conventionnelle pour les agents contractuels en CDI, pour que l'employeur et le salarié puissent convenir d'un commun accord des conditions de la rupture du contrat. Ce mécanisme fera l'objet d'une expérimentation pour les fonctionnaires pendant cinq ans. De nos jours, les carrières ne sont plus aussi linéaires qu'auparavant, et le projet professionnel se veut plus mobile sur le plan tant géographique qu'opérationnel. Grâce à la souplesse de la rupture conventionnelle, les contractuels et les agents pourront adapter l'évolution de leurs carrières, en fonction de leurs souhaits de développement professionnel.

Pour que les employeurs publics puissent piloter leur politique de ressources humaines au plus près de leurs besoins, l'article 8 du projet de loi propose l'instauration des contrats de projet, qui permettent de recruter pour un besoin précis et temporaire, à l'instar du dispositif de contrat à objet défini existant dans le secteur privé. Le contrat sera conclu pour une durée déterminée minimale d'un an et dans la limite de trois ans, renouvelable une fois.

Le texte prévoit aussi de supprimer les régimes dérogatoires à la durée légale du travail, pour revenir à 1 600 heures annuelles dans la fonction publique territoriale. Bien qu'une souplesse d'organisation des cycles de travail et l'octroi de dérogations pour sujétions particulières s'expliquent pour s'adapter aux demandes locales, le déséquilibre du temps de travail entre les collectivités et entre les fonctions publiques était source d'inégalités.

Le texte modernise profondément la gestion des ressources humaines dans la fonction publique, sans remettre en cause, je le répète, le statut des agents. L'enjeu de la réforme que nous étudions aujourd'hui est de leur offrir de nouveaux droits et de nouvelles perspectives d'évolution professionnelle, tout en accordant à l'employeur public une plus forte autonomie dans le recrutement et la gestion de ses équipes. Ainsi, nous améliorerons l'efficacité du service public, afin de l'adapter aux besoins des usagers et aux réalités du XXIe siècle.

Mes chers collègues, le 5 octobre 1946, nos prédécesseurs adoptaient les 145 articles de la loi relative au statut général des fonctionnaires, sous l'impulsion de Maurice Thorez, qui, en combinant compromis et fermeté sur les principes, parvint à la faire adopter à l'unanimité et en quatre heures. Ce texte et l'investissement sans faille des fonctionnaires ont permis à la France de rayonner dans le monde entier, grâce à un système unique et envié.

Aujourd'hui, inspirons-nous de ces exemples illustres, pour permettre au service public de s'adapter aux attentes de nos concitoyens, aux évolutions du travail et aux attentes des travailleurs.

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