« Trop nombreux », « trop coûteux », « pas assez efficaces »... Les fonctionnaires ont mauvaise réputation, mais il serait, comme toujours, réducteur et peu honnête de se contenter de ces généralisations. Reconnaissons tout de même que l'administration française est une sorte de grand corps malade qui enfle sans discontinuer depuis quarante ans. Trop souvent soucieuse uniquement de conserver ses acquis, chapeautée par une haute fonction publique décrédibilisée par des salaires indécents, elle offre une image peu flatteuse.
De ce fait, je ne peux que saluer, une fois n'est pas coutume, la volonté affichée par le Gouvernement de s'attaquer à ce grand chantier. Il était temps : depuis de nombreuses années, les gouvernements successifs reculent face à la menace d'une possible gronde des fonctionnaires.
Malgré cette bonne initiative, le texte reste perfectible ; évitons une nouvelle loi sans envergure. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : selon un récent rapport du Défenseur des droits, 84 % des réclamations concernaient, en 2017, des difficultés rencontrées par des usagers avec le service public.
Avant d'en venir au contenu même du texte, je demande une précision. Dans une interview publiée dimanche soir par Le Figaro, le Premier ministre a affirmé ne pas avoir de « dogme » quant au nombre souhaitable de fonctionnaires. Emmanuel Macron avait pourtant promis la suppression de 120 000 postes d'ici à 2022, avant de déclarer que ce n'était plus si important... Bref, qu'en est-il exactement ? Pouvez-vous nous éclairer sur cet objectif ?
J'en viens maintenant au fond. Votre volonté de moderniser la fonction publique est louable, mais vous vous arrêtez au milieu du gué. Par exemple, il sera dorénavant possible de recruter par contrat sur les emplois de catégorie B, lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient, dans les mêmes conditions que pour les emplois de catégorie A. Je vous l'ai dit en commission, monsieur le secrétaire d'État, j'aimerais que cette possibilité soit étendue aux emplois de catégorie C, les plus nombreux – ils représentent 85 % des effectifs à Béziers.
Ce n'est pas tout. Alors que les Français réclament, depuis des mois, davantage de justice sociale, votre projet initial faisait complètement l'impasse sur la haute administration. Dans le cadre du grand débat, de nombreux Français ont fait savoir qu'ils souhaitaient que les salaires des hauts fonctionnaires soient rendus publics et plafonnés. Il s'agit d'ailleurs d'une recommandation de la Cour des comptes.
Heureusement – je ne peux que m'en féliciter – , le tir a été en partie rectifié par la commission : le principe d'un encadrement des rémunérations des dirigeants des vingt-six autorités administratives indépendantes a été accepté et le Gouvernement devra dévoiler, dans un rapport annuel, la liste des 1 % de cadres les mieux payés de la haute fonction publique. Faut-il rappeler ici que 600 hauts fonctionnaires gagnent plus que le Président de la République ? Il était temps que l'obligation de transparence, que vous revendiquez comme une marque de fabrique, se concrétise enfin.
Bien évidemment, il ne suffit pas de couper symboliquement la tête de l'ENA pour régler la question de ces hauts fonctionnaires, dont, certains, complètement déconnectés de la réalité, sont propulsés aux plus hauts postes de notre administration.
Reste la question épineuse du temps de travail. Les Français ont appris récemment, grâce à une enquête de l'inspection générale des finances, que 190 000 agents de la fonction publique travaillent 1 555 heures par an en moyenne, à comparer aux 1 607 heures légales. Il n'y aurait à cela aucune raison particulière, hormis, suggèrent les auteurs du rapport, « la survivance de dispositifs historiques dont les justifications sont faibles, voire inexistantes ». C'est donc une bonne chose que le texte vise à harmoniser la durée du travail dans la fonction publique territoriale en supprimant les régimes dérogatoires à la durée légale.
En outre, on ne peut que se réjouir que la question du pantouflage ait été abordée. Reste à espérer que la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique sera efficace et qu'elle constituera un véritable organe de contrôle de la fonction publique.
En revanche, comment ne pas regretter que la transformation de la fonction publique ne passe pas par une meilleure prise en compte du mérite ? Comment tolérer la persistance de primes invraisemblables, par exemple celles qui récompensent des agents qui sont tout simplement à leur poste ? Cette aberration témoigne d'un véritable malaise dans certaines collectivités.
À Béziers, la volonté a été de mettre en place, dès cette année, la prime au mérite. Il s'agit d'un complément indemnitaire annuel, attribué, de manière contrôlée, en fonction de vingt-cinq critères. Il permet vraiment de récompenser les agents qui travaillent et qui ne ménagent pas leur peine pour faire avancer les projets de la ville.
Pour cette fonction publique qui travaille et qui est fière de servir, pour celle qui se dévoue au quotidien pour nos services publics, pour celle qui est le contraire de la caricature qu'on nous présente, encore un petit effort, monsieur le secrétaire d'État ! Je vous prie d'examiner avec bienveillance les amendements que je vous proposerai.