Sur les trois versants de la fonction publique, au prétexte de rendre le dialogue social « plus fluide, plus responsable et plus efficace », comme vous dites, vous proposez de fusionner les comités techniques et les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions en une instance unique : le comité social, qui sera d'administration, territorial ou d'établissement, selon le versant. Les CHSCT en seront donc réduits à n'être que des formations spécialisées du comité social. Dans la fonction publique territoriale, celles-ci seront facultatives jusqu'à 300 agents, alors qu'un CHSCT est obligatoire à partir de 50 actuellement. Quant aux fonctions publiques hospitalière et d'État, le seuil de création d'une formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail nous est inconnu puisqu'il sera fixé par décret. Néanmoins, en se fondant sur un seuil ramené de 50 à 300 agents dans l'ensemble de la fonction publique, l'étude d'impact projette d'ores et déjà une présence obligatoire de ces formations spécialisées en moyenne trois à quatre fois moindre que les actuels CHSCT.
Cette disposition est donc tout aussi contestable que l'ordonnance du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise, dont elle est directement inspirée. L'objectif de l'article 3 est en réalité de fragiliser le rôle et l'action des instances représentatives des personnels, reléguant au second plan la réalité des conditions de travail des agents. Cette mesure a été l'une des plus contestées des ordonnances Pénicaud, conduisant à un débat extrêmement incandescent, et elle continue de l'être sur le terrain.
Ce comité social aura comme conséquence immédiate, à l'instar de son alter ego du privé, de diluer l'exercice des responsabilités syndicales, puisque les élus seront globalement moins nombreux mais devront traiter davantage de sujets très différents les uns des autres, dont évidemment ceux relatifs à la santé et aux conditions de travail, qui nécessitent tout particulièrement une formation, un regard et un temps dédiés ainsi qu'un budget propre pour mener notamment à bien des missions d'étude et d'expertise. Il est évident que, dans ces conditions, sans plus de champs d'intervention clairement identifiés, les représentants des personnels risquent de se trouver en difficulté dans les concertations.
De plus, cette fusion, qui consiste ni plus ni moins, au bout du compte, en une dissolution des CHSCT, constitue un grave recul dans l'histoire du progrès social. Je vais vous épargner l'histoire de leur création ; je me contenterai de rappeler qu'ils ont été introduits dans la fonction publique d'État il y a moins de dix ans et introduits dans la fonction publique territoriale après les élections professionnelles de 2014. Les témoignages que nous recueillons montrent que c'est en train de bouger, que se créent des dynamiques de terrain incitant les agents à s'intéresser de plus près à ces enjeux et à s'en emparer pour les faire les progresser. Sans parler de la fonction publique hospitalière, dans laquelle l'existence des CHSCT est plus ancienne et où l'on voit bien les enjeux actuels dans le contexte de crise majeure en train de se développer dans ce secteur.
Ainsi, les rythmes de travail morcelés ou atypiques, de nuit ou dominical, liés à l'impératif de garantir la continuité d'un service public de qualité pour tous, les réorganisations successives consécutives notamment à l'entrée en vigueur des lois NOTRe – portant nouvelle organisation territoriale de la République – et MAPTAM – de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles – et les restrictions budgétaires drastiques répétées ont pour conséquence de dégrader toujours un peu plus les conditions de travail et d'accroître les risques professionnels et psychosociaux. Il est donc plus que jamais nécessaire de disposer d'instances dédiées capables de se saisir de l'ensemble de ces enjeux.
J'ajouterai, monsieur le secrétaire d'État, que la réforme que vous nous proposez, qui va aggraver la situation que j'ai décrite et provoquer sans doute des restructurations supplémentaires, ne justifie que davantage encore la nécessité de maintenir ces instances dédiées, pleinement en possession de tous les outils adéquats à leurs missions. Votre projet de loi va jusqu'à retrancher des prérogatives à ces fameuses formations spécialisées, comme les questions relatives aux projets de réorganisation des services.
Dans ce contexte, nous considérons que les CHSCT mériteraient sans doute d'être renforcés, en tout cas certainement pas d'être dissous. Santé, sécurité, conditions de travail : autant d'enjeux majeurs, pas des sujets parmi d'autres.
Pour toutes ces raisons, vous vous imaginez bien que le groupe GDR s'opposera aux dispositions de l'article 3. Le fait que ce texte ne soit sur de nombreux points qu'une traduction des ordonnances que j'ai évoquées suffit à montrer qu'il ne s'agit au fond de rien d'autre que de privatiser l'État.