Intervention de François Pupponi

Séance en hémicycle du mercredi 15 mai 2019 à 15h00
Agence nationale de la cohésion des territoires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Pupponi :

Si nous sommes réunis une nouvelle fois pour débattre des contours de la future Agence nationale de la cohésion des territoires, c'est du fait de l'incapacité de la CMP à parvenir à un compromis. Nous estimons pourtant qu'un accord aurait pu être trouvé avec les sénateurs, qui sont à l'origine de ce texte, et dont la connaissance des arcanes de notre organisation territoriale ne saurait être remise en cause.

Madame la rapporteure, vous avez évoqué un « accord sur 99 % du texte ». Qu'a-t-il donc manqué pour que le 1 % restant constitue un tel point d'achoppement ? Il a sans doute manqué un peu de souplesse car pour aboutir à un consensus, il faut faire des compromis. Cette rigidité est symptomatique d'une conception de l'action publique descendante. Elle est surtout de mauvais augure, alors que le Président de la République a annoncé, le 25 avril dernier, une vaste réforme territoriale prévue au premier trimestre 2020, soit pendant la campagne des municipales !

J'en profite pour évoquer les zones d'ombre qui demeurent à la suite de ces annonces. Notre collègue Sylvia Pinel a pu, lors de la séance des questions au Gouvernement, vous faire part d'une série d'interrogations. Quand le Président de la République propose d'« ouvrir un nouvel acte de décentralisation adapté à chaque territoire », nous y souscrivons ; tout comme lorsqu'il évoque des « politiques de la vie quotidienne : le logement, le transport, la transition écologique » ou quand il définit trois principes devant guider la réforme : la responsabilité, la lisibilité et le financement.

Las, je me souviens également de l'enthousiasme qu'avait suscité, en son temps l'annonce, par le même Président de la République de la création de l'ANCT. Il est à mettre en regard avec le texte tel qu'il se présente aujourd'hui et dont nous regrettons l'ambition rognée. Nous aurions pu innover, créer une agence d'un type nouveau : nous avons une agence de plus.

Cependant, et nous avons reconnu lors des débats en première lecture, cette proposition de loi comporte des avancées. La première, largement mise en avant, concerne la création d'un guichet unique. Il importe, en effet, de ne pas multiplier les interlocuteurs pour les maires et les élus porteurs de projets. Sur le terrain, cependant, la différence ne sera pas aussi flagrante : actuellement, les élus recherchant un soutien, notamment financier, pour un projet sollicitent le sous-préfet ou le préfet. Après la création de l'agence, ils iront voir le délégué territorial de celle-ci qui sera, si le texte reste en l'état, le préfet. Ce dernier pourra toutefois mieux orienter vers des dispositifs d'accompagnement aujourd'hui éclatés entre le CGET, l'EPARECA et l'Agence du numérique.

C'est là l'autre avancée de la présente proposition de loi : elle fusionne une grande partie du CGET, une grande partie de l'Agence du numérique et l'EPARECA. Comme je l'ai indiqué en première lecture – mais on ne le dira jamais assez – , il importait que l'Agence du numérique soit partie intégrante de l'ANCT, dès sa création. La dimension numérique est fondamentale dans toute politique d'aménagement du territoire.

Nous avons adopté, il y a peu, une proposition de loi préparant le déploiement de la 5G, sous l'angle de la protection des réseaux. Or, pour nombre de nos concitoyens, la 5G paraît un horizon lointain et presque inaccessible, dans la mesure où ils n'ont accès ni à la 4G, ni à la 3G, et parfois même à aucun réseau mobile. C'est la réalité de notre pays aujourd'hui, même si les relevés de l'ARCEP – Autorité de régulation des communications électroniques et des postes – tentent de le nier. L'ARCEP justement, aurait pu, être adjointe à ce nouvel ensemble. Certes, l'on pourra objecter qu'il s'agit d'une autorité administrative indépendante ; il n'empêche qu'étant un acteur central de la lutte contre les zones blanches et du déploiement du réseau mobile, il eût été pertinent de l'associer au travail de l'ANCT. Nous proposons même d'aller plus loin, d'être plus ambitieux que ne le fait le texte actuel en fusionnant l'ANAH – Agence nationale de l'habitat – , l'ANRU, l'ADEME et le CEREMA – Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement – au sein d'une véritable grande agence.

Madame la ministre, vous nous avez indiqué en première lecture que ce scénario avait été envisagé, avant d'être écarté. Vous n'avez pas fermé la porte à une fusion de l'ANCT avec d'autres opérateurs, dans un second temps. Nous proposerons d'y procéder dès aujourd'hui, sans attendre. Cela nous permettrait de ne pas avoir à passer de conventions pluriannuelles, voire de se passer du comité national de coordination prévu à l'article 7. Nous sommes conscients que nos territoires, nos collectivités et nos élus plaident pour la simplification des outils et le regroupement des agences et autres opérateurs de l'État. En l'état, nous avons l'impression de rester au milieu du gué.

Nos critiques sont en revanche plus vives s'agissant de la gouvernance de l'agence. Cette gouvernance a abouti à l'échec de la CMP pour une raison simple : le refus d'une représentation paritaire des élus et de l'État au sein du conseil d'administration. J'entends les arguments de ceux qui avancent qu'un établissement public de l'État – telle est la forme juridique inscrite à l'article 1er – ne saurait supporter un tel partage du pouvoir. Pour autant, alors que cette agence s'adresse aux collectivités, que celles-ci participeront évidemment financièrement aux projets qu'elles portent, comme elles l'ont toujours fait, il ne nous semblait pas incongru d'inventer une agence d'un genre nouveau, qui ne reposerait pas sur une relation déséquilibrée mais sur un partenariat renouvelé. Ce n'est pas l'option envisagée par la majorité.

Je veux, à ce sujet, dire un mot sur la proposition de compromis, telle qu'adoptée à l'initiative de Mme la rapporteure. L'institution de ce veto provisoire ne saurait nous satisfaire ; il risque, au contraire, d'ankyloser le fonctionnement du conseil d'administration, alors qu'une gouvernance partagée aurait permis de faire prévaloir la recherche du consensus. Nous proposerons donc de rétablir la rédaction du Sénat. Dans le même esprit, nous proposerons à nouveau que le directeur général soit nommé par le conseil d'administration.

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