Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du mercredi 15 mai 2019 à 15h00
Agence nationale de la cohésion des territoires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Qui n'aurait pas envie de souscrire, d'acquiescer, d'applaudir à une proposition de loi promouvant l'efficacité et la coordination de l'action de l'État au service des territoires, de tous les territoires ? Qui n'aurait pas envie de s'associer à une démarche prônant la simplification et une approche plus pragmatique ? Personne, bien entendu.

Reste, je vous l'avoue, une appréhension, un doute, une sorte de malaise à la lecture de ce texte. C'est que nous avons tellement entendu ce discours, c'est qu'on nous a déjà tellement fait ces promesses, ces mêmes promesses. C'est que nous voyons tellement, tous les jours, le contraire, l'absolu contraire.

Loin de Paris, nous avons le sentiment d'être confrontés à un double discours, à un double comportement. D'un côté des paroles rassurantes, construites toujours autour des mêmes expressions, de la même rhétorique, celles de la décentralisation et de l'équité territoriale, et de l'autre, des choix qui sont à l'opposé des promesses qui nous sont faites.

Je voudrais vous citer quelques exemples issus, bien sûr, de ma circonscription. À Béziers, en 2016, le service de la fiscalité immobilière a été transféré. En novembre 2017, c'est au tour du service de contrôle de légalité de la sous-préfecture d'avoir été déplacé. Et depuis le 1er janvier 2018, c'est le service des domaines qui a migré. Chaque fois, cela s'est fait vers Montpellier.

Autre exemple sur lequel j'ai déjà eu l'occasion de vous interpeller ici même, madame la ministre, mais qui mérite d'être cité à nouveau tant il est édifiant. Alors qu'on nous explique encore aujourd'hui que tout cela a pour objectif d'aider les territoires à se développer, à imaginer et réaliser les projets dont ils ont impérativement besoin, en même temps – je dis bien en même temps – toujours à Béziers, EDF Renouvelables, une filiale d'EDF, elle-même contrôlée à 83 % par l'État, nous annonçait son départ l'an dernier, une fois encore pour la métropole voisine. Il nous a fallu taper du poing sur la table, dénoncer ce mauvais coup et ses auteurs pour voir EDF reculer. Tout en sachant que si une partie des 200 employés actuels restera finalement sur place, le développement futur se fera, bien évidemment, une fois de plus, à Montpellier. Jean-Bernard Lévy, le président-directeur général d'EDF, ne s'en est pas caché il y a quelques jours encore à l'occasion d'une audition au Sénat.

On aime bien la France périphérique, surtout depuis que les gilets jaunes ont dessillé les yeux de certains, mais pas au point de parier sur une de ses villes moyennes. À ce sujet justement, j'aimerais dire pourtant que je ne veux pas être fataliste. J'ai lu ce matin dans Le Berry républicain que les membres de l'association TGV et mobilité ferroviaire Grand Centre Auvergne se sont réunis avec des membres de SNCF Réseau afin de poser les bases d'une première réflexion pour développer l'intermodalité dans le Cher. Il est écrit que « Pour les accompagner, [l'Agence] assurera l'ingénierie logistique territoriale, en appui aux collectivités sélectionnées ».

Si je suis un peu étonnée de voir ce rôle confié à une agence qui n'existe pas encore, cette nouvelle est pour moi signe d'espérance. En effet, s'agissant de la mobilité, nos élus locaux n'ont cessé d'alerter le Gouvernement sur la nécessité de la LGV Montpellier-Béziers-Perpignan, absolument indispensable au désenclavement d'un certain nombre de villes de notre Sud. Alors, si l'ANCT, comme il est prévu dans le texte que nous examinons aujourd'hui, a pour but d'« accompagner et favoriser les flux de population » et qu'elle peut nous donner un coup de main pour que le TGV devienne enfin réalité chez nous, j'applaudis des deux mains.

Vous l'avez compris, si je vous cite ces exemples – mais il y en aurait bien autres – , c'est pour vous faire toucher du doigt les raisons de ma perplexité. J'espère, sincèrement, croyez-moi, me tromper. Parfois, je le reconnais bien volontiers, des mécanismes simples, faciles à mettre en oeuvre sont instaurés. Et ils fonctionnent. Je pense au programme Action coeur de ville, dont Béziers bénéficie. Comme si, cette fois-ci, on avait tiré les leçons d'autres mécanismes de la politique de la ville terriblement lourds, bureaucratiques, technocratiques, qui mobilisent des frais d'études, des rapports de toutes sortes, des enquêtes à n'en plus finir.

Alors si cette nouvelle agence doit être légère, souple, peu coûteuse, capable de mobiliser l'énergie de tous, bien sûr, créons-la ! Si en plus elle fait du « cousu main » comme vous l'avez expliqué madame la ministre, alors banco ! Mais attention à une énième structure, à un énième machin, à un énième bidule qui s'engraisserait plus qu'il ne distribuerait, entravé par ses règlements, paralysé par des kilomètres de réunions, rongé par des querelles entre administrations jalouses de leurs prérogatives. C'est tout l'enjeu de notre débat.

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