Intervention de Jean-Paul Lecoq

Séance en hémicycle du vendredi 17 mai 2019 à 9h30
Transformation de la fonction publique — Article 12

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq :

Cet article, qui supprime le recours à la notation et généralise l'entretien professionnel en tant que modalité d'évaluation individuelle des fonctionnaires des trois versants, s'inscrit dans la logique de mise à mal de la qualité singulière d'agent public à la française. Il témoigne une nouvelle fois de votre volonté d'aligner le public sur le privé par la généralisation des techniques du new public management – ou nouvelle gestion publique, madame la rapporteure. Le renforcement et le développement de ces techniques managériales, et plus largement les réformes de la fonction publique, véhiculent une philosophie de l'État, et la vôtre est claire : votre réforme est conçue uniquement comme un outil de gestion et ne porte aucun projet social.

Comme le souligne très justement M. Antony Taillefait, professeur de droit public à l'université d'Angers, « dans la mesure où les préoccupations gestionnaires deviennent plus centrales, le management public [… ] accrédite l'idée que l'État est une organisation comme une autre, ou plutôt un agrégat d'organisations qui réclament à être considérées comme les autres. Injonction est donc faite à cet État-là de piocher dans la globalisation des méthodes et des moyens du management en vigueur dans le secteur marchand des entreprises. Las, ce management est en train de retirer à la fonction publique la table d'orientation sur laquelle elle se guidait depuis 1946. Il est porteur d'implosions silencieuses. »

Plus loin, M. Taillefait écrit : « Les enquêtes menées [… ] par des spécialistes de la gestion publique, par exemple par E. Abord de Chatillon et C. Desmarais, mettent au jour à tout le moins deux choses. D'une part, le management public est également centré sur la réalisation d'objectifs, mais avec moins de pression et plus de complexité que dans le secteur privé. D'autre part, "si le nouveau management public ne produit pas en soi de l'épuisement professionnel, il participe du phénomène de dégradation des conditions de travail. Le nouveau management public agit sur le burnout par l'intermédiaire de la charge de travail et de l'augmentation du climat de violences psychologiques". Les chercheurs montrent que l'atomisation des agents au sein des services fait qu'"il apparaît que les réformes du nouveau management public sont associées à une réduction de la motivation au service public" ».

À cet égard, le procès France Télécom qui se tient en ce moment nous invite tous, je crois, à la réflexion.

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