Ne vous y trompez pas, nous sommes profondément attachés à la notion de mérite, en tant que principe républicain. Néanmoins, nous nous élevons contre des dispositions qui, au prétexte du mérite, entendent faciliter la rationalisation budgétaire et l'introduction dans le secteur public de techniques managériales importées du secteur privé.
C'est tout l'objet de cet article, qui prévoit d'élargir la rémunération individualisée aux contractuels des « trois versants ». Leur rémunération sera fixée par l'autorité compétente, en tenant compte des fonctions exercées, de la qualification requise pour leur exercice et de leur expérience.
À travers la rémunération au mérite, votre Gouvernement défend la vision d'une fonction publique d'emploi, où l'agent public exerce une activité qualifiée, et dont le rôle est exclusivement défini sur la base d'un contrat, par opposition au statut.
Cette perspective s'inscrit à rebours de la conception républicaine de notre fonction publique, précisément parce que le fonctionnaire est au service de l'intérêt général, responsable devant la nation, quand le salarié de l'entreprise privée est lié par un contrat, qui fait la loi des parties.
Or, en augmentant la part de la rémunération individualisée, le projet de loi détourne notre fonction publique de l'intérêt général. En effet, la prise en compte du mérite ne fait qu'augmenter la part d'arbitraire et la dépendance de l'agent vis-à-vis de son supérieur hiérarchique.
Surtout, nous savons que, pour atteindre leur objectif, les agents de la fonction publique sont soumis aux restrictions budgétaires instaurées par le Gouvernement, ce qui oblige les fonctionnaires à faire beaucoup plus, avec beaucoup moins. Dès lors, le mérite consistera à se plier à ces règles budgétaires, au mépris de ce que tout l'intérêt général réclame.
Nous savons également que la contractualisation de la fonction publique et l'augmentation de cette rémunération dite au mérite auront pour conséquence d'aggraver les inégalités entre les femmes et les hommes – sujet qui devrait vous intéresser. Toutes les études corroborent ce constat. Il s'agit là de l'un des nombreux angles morts de votre pensée. Sur la base de grandes déclarations d'intention, vous prétextez vous soucier de l'égalité, alors que dérégulez à tout de bras.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article qui, lui aussi, ouvre grand la porte à la privatisation de l'État.