Merci de nous auditionner sur ce sujet très important.
Je commencerai par me présenter. Au-delà d'être président de l'APCA, je suis agriculteur dans le sud de la Sarthe, où j'exploite sur soixante-quinze hectares une exploitation de porc à l'engrais, de vin AOC et – la moitié de l'exploitation est en bio – de la noix bio en agroforesterie sur une grande partie de cette moitié bio. C'est une exploitation assez diversifiée, dirons-nous.
Le réseau des chambres d'agriculture, dont les élus viennent d'être renouvelés en début d'année, compte 4 000 élus répartis sur tout le territoire et 8 000 collaborateurs eux-mêmes répartis dans les chambres départementales et régionales ainsi qu'au niveau de la tête de réseau.
Le premier point que je souhaite évoquer, c'est l'intérêt que nous avons porté aux États généraux de l'alimentation (EGA). Nous avons participé aux dix-sept ateliers. L'un de nos collègues a d'ailleurs présidé l'un d'eux. Nous nous sommes beaucoup investis et nous n'avons pas été déçus, car nous considérons que ces États généraux ont présenté un réel intérêt ; c'est sans doute la première fois depuis une trentaine d'années que le sujet de l'alimentation a été abordé de manière aussi fondamentale et que l'opinion publique en général s'en est emparée.
Ces EGA ont eu lieu à un moment où les relations commerciales entre les différents acteurs de la chaîne alimentaire n'étaient sans doute jamais arrivées à un tel point de tension. Les négociations de ces dernières années ont toutes été plus tendues les unes que les autres. Le fait que les EGA aient posé le problème est donc arrivé au bon moment, car la situation était devenue difficilement supportable du point de vue des producteurs ou des transformateurs.
Un autre élément nouveau a été la manière d'aborder les sujets, au niveau territorial. Aujourd'hui, la plupart des régions ont mis en place des projets alimentaires territoriaux (PAT). On aborde ainsi le sujet sous un autre angle, en essayant de créer chez le consommateur le réflexe de se préoccuper de l'origine du produit qu'il consomme, de la proximité. Tout cela contribue, sinon à résoudre le problème, du moins à poser le débat sous des angles différents. Il faut travailler ces éléments et j'imagine qu'au-delà de la loi EGAlim qui a fait suite aux EGA, les décisions que vous prendrez dans les mois à venir insisteront sur ces points, qui nous paraissent acter un retour à des valeurs fondamentales dans le domaine de l'alimentation.
Les EGA ont clairement posé la question du prix et de la répartition de la valeur. Ont été décortiqués les mécanismes de construction du prix. Au fil du temps avaient été prises de très mauvaises habitudes, en construisant le prix « à l'envers », c'est-à-dire en partant du prix que l'on voulait bien faire payer au consommateur et en donnant le reste au producteur. Cela créait des problèmes de revenus, parfois compensés, avec l'évolution de la politique agricole commune (PAC), donc par une évolution des aides européennes qui ont pris un caractère de revenu social. Bref, c'est une très bonne chose que l'inversion de la composition du prix ait été mise sur la table.
À l'issue des EGA une charte d'engagement a également été signée. Ce n'est qu'une charte mais c'est tout de même une charte. Nous y avons participé, même si, les chambres d'agriculture n'étant pas considérées comme représentants des producteurs, nous ne participons pas directement aux discussions actuelles, contrairement aux syndicats. Le fait que tout le monde signe la charte, même si c'est un engagement moral, montre que certains ont pris conscience que leurs pratiques avaient atteint une limite. Pour l'instant, on ne peut toutefois pas dire que les effets de la charte soient déterminants.
Le rapport de forces dans la filière est déterminant. Sans rééquilibrage, il n'y a aucune raison pour que le producteur soit demain plus puissant qu'hier dans ce rapport de force. La distribution est très concentrée au niveau des centrales d'achat. Nos outils de transformation se concentrent eux aussi au fil du temps. On se rend compte que si le producteur ne s'organise pas mieux au niveau des groupements de producteurs, nous serons toujours en décalage. Le relèvement du seuil de revente à perte (SRP) est une idée intéressante. Les résultats ne sont pas encore très palpables, tant s'en faut, mais cela a néanmoins montré, y compris par la réaction de certains distributeurs, que l'on pouvait faire les choses autrement sans pour autant faire flamber les prix à la consommation.
Le recul que l'on a à présent avec l'Observatoire de la formation des prix et des marges (OFPM) permet de considérer que cet instrument joue bien son rôle, malgré la difficulté pour déterminer certains prix de revient.