Intervention de Claude Cochonneau

Réunion du jeudi 9 mai 2019 à 11h30
Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Claude Cochonneau, président de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) :

Monsieur le rapporteur, la distribution ne peut pas changer de comportement du jour au lendemain. Il n'est pas anormal que ce soit INTERFEL qui vous ait fait cette remarque, car le secteur des fruits et légumes est sans doute celui où les producteurs sont le plus directement confrontés à la négociation de leurs produits. Beaucoup traitent directement avec la grande distribution. Pour avoir produit de la pomme à couteau pendant près de quinze ans et il y a une quinzaine d'années, je sais que les pratiques qui existaient à l'époque n'ont pas beaucoup évolué et que les menaces existent toujours. Je ne vous donne pas d'exemple précis, car j'en avais mais ils remontent à quinze ans. Vous en trouverez chez des collègues, à condition que quelqu'un ose vous le dire, car le fait de dénoncer de telles pratiques écarte le producteur, en représailles, de la possibilité d'approvisionner le magasin mis en cause. Nous aurons peut-être besoin du législateur pour prendre des sanctions car, y compris dans le droit européen, ces pratiques sont répréhensibles.

Monsieur Pellois, les chambres d'agriculture travaillent au développement et à la valorisation des signes de qualité. Nous considérons d'ailleurs comme une piste d'espoir pour l'agriculture française notre capacité à pouvoir prendre de l'avance sur nos principaux concurrents dans ce domaine, à deux conditions : d'une part, que le consommateur y soit sensible, et cela commence à venir, et, d'autre part, qu'il soit prêt à payer cette valorisation et que la valeur ainsi créée soit elle aussi bien répartie et non captée par l'un ou l'autre des acteurs de la filière. Cela rejoint les PAT puisque ces derniers sont souvent concomitants à des démarches de qualité, de traçabilité locale…

Vous avez pris l'exemple de l'oeuf. La distribution a surtout imposé ce que demandait le consommateur : c'est parce que le consommateur était sensible aux conditions d'élevage des poules en batterie que le distributeur s'est engouffré dans cette voie pour le satisfaire. D'où l'intérêt d'avoir des réflexions dans les filières car, ce faisant, ont été mises en difficulté des exploitations qui venaient juste de se mettre aux normes en matière de taille des cages et à qui l'on a dit quelques semaines plus tard que le problème n'était plus la taille des cages mais le fait que la poule soit dehors ou dedans !

Ma collègue a répondu sur la séparation de la vente et du conseil. S'agissant de votre autre question, monsieur Villiers, j'entends le discours très alarmiste des vendeurs de produits, qui annoncent des licenciements massifs. Je pense qu'il ne faut pas non plus dramatiser outre mesure. Néanmoins, cela fait partie des missions des chambres d'agriculture que d'apporter ce genre de conseil et nous nous mettons en ordre de bataille pour répondre plus largement encore que par le passé à ces demandes de service. Nous faisons du conseil collectif gratuit et nous facturons le conseil individuel car nous ne pouvons pas faire autrement.

Enfin, M. Daniel, les produits agricoles ne vont pas être contingentés du jour au lendemain. Néanmoins, même dans une économie libérale, les agriculteurs restent confrontés à des contextes climatiques, réglementaires et autres qui évoluent, non seulement en France mais aussi chez leurs concurrents. La piste que nous voyons pour résoudre ces problèmes est la contractualisation. Si nous souhaitons des contrats qui tiennent vraiment compte de tous les coûts de production, c'est que, sinon, on n'engagera pas de jeunes dans le métier faute de lisibilité. On peut difficilement demander des investissements avec des amortissements sur quinze ou vingt ans sans engagement de prix au-delà de la saison.

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