Intervention de Sandrine Gaudin

Réunion du mardi 26 mars 2019 à 17h30
Commission des affaires européennes

Sandrine Gaudin, Secrétaire générale aux affaires européennes :

Les entreprises françaises sont assez inégalement préparées au Brexit, en particulier à l'éventualité d'une sortie brutale sans accord dès le 12 avril : les grands groupes sont plutôt bien informés et sensibilisés, et certains – comme les grandes banques – ont déployé des mesures de contingence, tandis que d'autres – de grandes entreprises industrielles notamment – ont prévu de constituer des stocks pour éviter toute rupture de la fluidité des chaînes d'approvisionnement qui serait préjudiciable à leur bon fonctionnement. Cette préparation est moins intense et moins homogène parmi les petites et moyennes entreprises (PME), en direction desquelles nous avons intensifié la formation. Le directeur général des douanes a ainsi écrit à toutes les PME de France exportant vers le Royaume-Uni – je dis bien toutes, soit plusieurs dizaines de milliers – en partant du principe qu'elles étaient susceptibles d'entretenir des flux d'affaires avec le Royaume-Uni, pour leur demander de se rapprocher des services des douanes afin qu'il leur soit expliqué comment faire pour exporter vers le Royaume-Uni en cas d'absence d'accord de sortie – car cela supposera un surcroît de paperasse ou de procédures dématérialisées au point qu'il ne sera pas plus simple d'exporter vers l'Angleterre que vers la Chine. Le degré de préparation des entreprises appelle donc une réponse nuancée. Nous avons intensifié la communication des services de l'État au niveau local grâce aux réunions organisées par les services des douanes, par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) et par les préfets. D'autre part, nous avons lancé un site internet constamment actualisé (https://brexit.gouv.fr) dont la fréquentation a explosé ce week-end – sans que le site lui-même ne soit affecté, ce qui fut une performance. Ajoutons que les fédérations professionnelles et le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) fournissent de nombreuses informations. En cas d'absence d'accord, chacun fera naturellement ce qu'il pourra mais il me semble que les entreprises qui ont des liens avec le Royaume-Uni sont bien mieux informées qu'il y a quelques mois.

Le ministre de l'économie et des finances est venu vous présenter la stratégie de politique industrielle. Le problème est le suivant : malgré un accord et un travail préparatoire assez intense au niveau franco-allemand, à l'initiative de MM. Le Maire et Altmaier – travail très utile à la rédaction de ces comptes rendus qui vous semblent peut-être insuffisants mais qui reflètent un consensus obtenu à vingt-huit – et malgré l'existence d'une alliance des amis de l'industrie que nous nous efforçons de réunir régulièrement, dont la dernière réunion s'est tenue à Paris et qui regroupe vingt États membres sur vingt-huit, il est vrai que les résultats obtenus peuvent sembler en deçà de nos attentes. Soyons clairs : la notion de politique industrielle est une notion française. En anglais, l'expression est d'ailleurs souvent traduite par industrial basis, et les textes européens font référence à la notion de base industrielle. Dès que la France critique quelque peu l'attention insuffisante portée à la politique industrielle, comme lorsqu'elle déplore la manière dont la Commission mène les négociations d'accords de libre-échange, elle est sur-le-champ accusée d'être protectionniste ou colbertiste et de vouloir subventionner ses entreprises, y compris par des aides illégales. Nous défendons donc cette notion dans un contexte où nous peinons à convaincre de la nécessité de multiplier les lignes directrices communes et d'instruments financiers au service de ces objectifs. C'est néanmoins un combat que nous menons, et l'Allemagne est à nos côtés même si son engagement est moins résolu que le nôtre. Nous nous employons à la garder à bord de cette alliance mais soyons francs : c'est difficile.

Le débat climatique et l'opposition entre les amis du nucléaire et ceux du charbon prendra un nouveau relief avec le départ du Royaume-Uni, plutôt favorable à l'énergie nucléaire. Quoi qu'il en soit, le mix énergétique est une compétence nationale : en vertu du Traité, chaque État membre a le droit de faire ses propres choix en matière énergétique. Historiquement, les uns et les autres ont fait des choix très différents, selon des sensibilités qui leur sont propres. Le débat entre les amis du charbon et les amis du nucléaire – étant entendu que nous sommes tous amis des énergies renouvelables – se poursuivra et se traduit par des difficultés pour élaborer une stratégie déterminée de lutte contre le réchauffement climatique. Le sujet ne fait pas spontanément l'unanimité.

La préparation du sommet entre l'Union européenne et la Chine se poursuivra au-delà des conclusions du dernier Conseil, qui ne couvrent pas l'ensemble des sujets qui seront inscrits à l'ordre du jour du sommet. La question des droits de l'homme, par exemple, relèvera des ministres des affaires étrangères. Le Président de la République a d'ailleurs abordé la question des droits de la minorité ouïghoure avec son homologue chinois. Les droits de l'homme figurent systématiquement dans la corbeille des sujets débattus.

Je précise que le Conseil européen du printemps est consacré aux questions économiques, même si la dimension sociale n'est pas totalement absente puisqu'elle figure dans le compte rendu.

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