C'est une des rares fois de la soirée où vous me verrez exprimer un avis différent de celui de la commission des finances. Je suggère à la députée Olivia Gregoire de retirer son amendement ; je vais expliquer les raisons pour lesquelles je lui fais cette proposition.
Qu'il y ait un problème de transmission des entreprises en France est évident. Que cela empêche de constituer un bloc d'entreprises familiales plus important, donc plus solide, avec un capitalisme familial plus souverain que ce qui existe, je partage totalement cette analyse.
Toutefois, je ne suis pas sûr que ces amendements répondent à cette question. Ils visent en effet à élargir le bénéfice de l'abattement de 500 000 euros accordé à l'entrepreneur cédant son entreprise en l'autorisant à n'importe quel moment de sa vie. La logique de ce dispositif est actuellement la suivante : lorsqu'il arrive à la fin de sa carrière, l'entrepreneur veut céder son entreprise à ses enfants. Par souci de favoriser le capitalisme familial et de protéger l'entreprise familiale, on lui accorde un abattement de 500 000 euros, avec une seule condition : qu'il parte à la retraite dans les deux ans.
La logique de ce dispositif est double : non seulement garantir la transmission familiale, mais aussi constituer un capital retraite pour l'entrepreneur qui a travaillé toute sa vie. Or, en accordant le bénéfice de cet abattement fiscal considérable – il ne s'agit pas de 10 000 ou 20 000 euros, mais de 500 000 euros ! – , on court le risque de fausser le sens de cette mesure.
Je propose donc de conserver en l'état une mesure qui fonctionne bien car elle permet aux entrepreneurs ayant travaillé toute leur vie et créé leur entreprise de transmettre celle-ci et de se constituer un capital retraite avec un abattement très important.
L'année prochaine, dans le projet de loi sur la transformation des entreprises, dont vous traiterez un des sujets majeurs, nous examinerons tous les dispositifs de transmission d'une entreprise en France afin de les améliorer – c'est le deuxième engagement que je prends, après celui de procéder à une révision complète de la fiscalité sur l'agriculture. Je vous propose donc de revoir l'année prochaine, dans le cadre du projet de loi sur la transformation des entreprises, la question de la transmission entrepreneuriale, parce que c'est une vraie question. Plutôt que de la traiter dans ces amendements et en modifiant un dispositif qui fonctionne bien, étudions-la de manière plus large.