Je me réjouis que les objectifs de ce texte soient largement partagés. Il s'agit de répondre aux fractures sociale et territoriale, de lutter contre le changement climatique, d'offrir des solutions simples et pragmatiques et de laisser beaucoup de souplesse aux collectivités.
Monsieur Jean-Marie Sermier, je ne suis pas en train de dire que les TGV n'étaient pas utiles, mais que l'on peut regretter la part qu'ils ont prise dans nos investissements, au détriment de l'entretien des réseaux. C'est le constat que font les habitants de Rouen, de Clermont-Ferrand ou de Limoges, dont les trajets prennent plus de temps qu'il y a quelques décennies, alors que l'on a construit des lignes à grande vitesse ; c'est vrai aussi pour nos concitoyens qui résident à la périphérie des métropoles et qui, en raison de l'insuffisance de l'offre ferroviaire, doivent prendre leur voiture pour se rendre au travail. C'est l'excès, ou l'insuffisance des moyens consacrés aux politiques que je voulais souligner, sans parler de l'importance des petites lignes, auxquelles nous sommes tous attachés ici.
Monsieur Loïc Prud'homme, pendant des années, on ne s'est occupé que des territoires desservis par le ferroviaire. Mais comment se rend-on dans les gares, comment font nos concitoyens qui n'habitent pas à proximité d'une station ? Il est impossible d'envisager la mobilité au XXIe siècle en imaginant que le train arrivera à la porte de chacun de nos concitoyens. Il est temps d'engager avec détermination cette révolution des mobilités, et de tirer parti des nouveaux modes de déplacement qui viennent en complément de la colonne vertébrale qu'est le train : vélo, mobilités partagées, transport à la demande. Ces enjeux ont été largement négligés.
Je suis très attachée à ce que les innovations profitent à l'ensemble des territoires. Je ne doute pas que les start-up viendront proposer de nouvelles solutions dans un périmètre de 500 mètres autour de la Tour Eiffel ; mais le défi qui nous anime, et je me tourne vers M. Jean-Marc Zulesi, qui a largement participé aux ateliers de l'innovation, c'est bien que l'ensemble des territoires bénéficient des innovations. C'est le sens des appels à projets « France Mobilités ». Je vous invite à consulter la plateforme, qui recense près de 350 solutions de mobilité et fournit des exemples de déploiement dans près d'une centaine de territoires. Cela nous donne confiance dans la capacité d'innovation de nos territoires. Qu'il s'agisse de la communauté de communes Coeur de Beauce, de la ville de Charleville-Mézières ou du parc naturel régional des Grands Causses, on constate que lorsque les territoires sont accompagnés, notamment en matière d'ingénierie, ils savent se saisir de ces nouvelles mobilités.
Les lauréats de l'appel à projets « Expérimentation du véhicule routier autonome » ont été récemment sélectionnés. J'ai tenu, et je peux vous assurer que ce n'est pas la pente naturelle, à ce que ces véhicules autonomes ne bénéficient pas uniquement aux grandes villes. Ainsi, l'une des expérimentations consiste en un service de deux navettes autonomes desservant les communes de la communauté de communes Coeur de Brenne, à mi-chemin entre Châtellerault et Châteauroux. Ce circuit permettra par exemple aux personnes âgées de se rendre dans les centres socio-médicaux. Je serai particulièrement attentive à ce que ces innovations continuent de profiter à l'ensemble de nos territoires ; je vous invite à faire connaître ces nouvelles solutions et à soutenir les élus, qui ne manqueront pas de s'en saisir.
En effet, monsieur Christophe Bouillon, le projet de loi ne traite pas de tous les défis posés par les transports aérien et maritime, même si un certain nombre de dispositions concernent ce dernier secteur. Le transport aérien, responsable d'un peu plus de 1 % des émissions de gaz à effet de serre, est régulé à l'échelle européenne, voire mondiale. Cela ne doit pas nous empêcher d'agir : le Gouvernement souhaite porter, au sein de l'Union, un projet de taxation du transport aérien ; si nous ne prenons des mesures que sur le territoire français, ce sont autant d'avions et d'emplois qui iront chez nos voisins.
S'agissant des finances de l'AFITF, monsieur Christophe Bouillon, je voudrais rappeler que lorsque je suis arrivée à la tête du ministère, il y avait 10 milliards d'euros d'engagements non financés, pris par une équipe que vous connaissiez bien, je crois. De fait, une bonne partie des dépenses que nous aurons à effectuer d'ici à 2022 tient à des engagements pris sous le précédent quinquennat, comme les 3,7 milliards d'euros consacrés aux trains d'équilibre du territoire. Je me réjouis d'assurer le renouvellement en moins de dix ans de l'ensemble des TET, mais j'aurais préféré que mon prédécesseur me dise où se trouvait l'argent qui allait avec...
J'ai souhaité présenter au Sénat un amendement visant à donner la possibilité aux régions de gérer directement les petites lignes ferroviaires. C'est un débat que nous avions eu lors de l'examen du projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire. Les régions ne veulent plus attendre que des décisions soient prises à Paris pour mener des études sur les travaux à réaliser sur les petites lignes. Il est important d'avancer dans ce sens. Donner davantage de latitude aux collectivités, conférer ces nouvelles compétences aux régions permet des réponses plus réactives. Cela répond à une attente forte, à un besoin de proximité qui s'est exprimé dans le cadre du grand débat.
Monsieur Stéphane Demilly, nous aurons le débat sur la limitation à 80 kilomètresheure lors de l'examen d'un amendement visant à donner des marges de manoeuvre aux départements. Nous avons entendu cette demande et aurons l'occasion d'y revenir en séance.
Effectivement, le développement des nouvelles mobilités, notamment en free-floating, doit être encadré. Les opérateurs doivent comprendre que c'est là aussi leur intérêt. Il ne faudrait pas que tout le monde vienne à être dégoûté si les piétons ne peuvent plus circuler tranquillement sur les trottoirs et si l'espace public est envahi par les trottinettes. Des amendements d'appel nous permettront d'évoquer les dispositions qui seront introduites par décret dans le code de la route. Nous aurons aussi à définir le cadre dans lequel les collectivités pourront réguler ces nouvelles mobilités.
Il convient évidemment de soutenir les biocarburants, et le projet de loi contient des dispositions sur le bio-GNV. Il faut avoir à l'esprit que nous devrons peut-être hiérarchiser les usages ; je ne suis pas certaine que les biocarburants de deuxième génération pourront répondre à tous les besoins. Vous n'êtes pas sans savoir que nous avons présenté une stratégie sur les biocarburants dans l'aérien : il est important d'apprécier, compte tenu des ressources disponibles, vers quels secteurs orienter prioritairement les biocarburants, dans un contexte où ce n'est pas demain que nous aurons des avions à batteries ! Il existe déjà, sur le E85, un avantage fiscal important et je ne suis pas sûre que d'autres dispositifs de soutien soient nécessaires.
Monsieur Loïc Prud'homme, il faut regarder la réalité telle qu'elle est. Nous dépensons 5 euros pour la régénération du ferroviaire, contre 1 euro pour la régénération routière – 3,6 milliards d'euros pour l'entretien du fer contre 800 millions d'euros pour l'entretien des routes. La programmation qui vous est présentée prévoit que les trois quarts des investissements iront aux modes de transport propres – transports ferroviaires, transports en commun et mobilités actives. On peut toujours dire que cette part n'est pas suffisante, mais faut-il alors cesser d'entretenir les routes ?
Le nouveau pacte ferroviaire, dont j'ai bien noté qu'il n'avait pas vos faveurs, comporte des mesures sur le fret. Nous avons arrêté des trajectoires de hausse des péages, prévues à 8 %, nous avons conforté les aides au transport combiné, en donnant des perspectives sur l'ensemble du quinquennat. Comme vous, je ne me satisfais pas à l'idée que le train de fret Perpignan-Rungis pourrait être supprimé. C'est la raison pour laquelle nous réunirons vendredi l'ensemble des acteurs concernés.
Enfin, je remercie M. Bertrand Pancher d'avoir rappelé l'importance de la concertation.