Madame la présidente, vous avez eu l'honnêteté d'indiquer que le Règlement avait été révisé plus de trente fois depuis 1958. Permettez-moi de rappeler que la dernière modification en date, celle de 2014, avait fait consensus, le président Bartolone ayant souhaité, en annonçant cette réforme, que l'ensemble des groupes puissent se retrouver dans le texte adopté. De fait, que ce soit en matière d'évaluation et de contrôle ou de rationalisation de l'action parlementaire, ce consensus avait été construit. Nous aurions souhaité que la proposition de résolution qui nous est soumise fasse également l'unanimité, car c'est, me semble-t-il, le préalable nécessaire à toute réforme du Règlement. Je ne veux pas mettre en cause le président de l'Assemblée nationale, qui a fait le nécessaire pour que chaque groupe soit informé et entendu autant que possible, mais je constate que le préalable de votre démarche ne permettait pas d'aboutir à un consensus.
Cette proposition de résolution est en effet prise « en sandwich » entre deux projets de révision constitutionnelle : l'une a avorté, l'autre est à venir. Or, vous vous apprêtez à aborder celle-ci en vous étant préalablement dotés d'instruments réglementaires qui vous permettront de contingenter l'expression des oppositions. On peut d'ailleurs s'étonner de la chronologie de ces différentes réformes. Il aurait été en effet logique d'examiner cette proposition de résolution après la révision constitutionnelle, une fois la nouvelle architecture institutionnelle adoptée. Or, il n'en est rien. Cela crée une situation très particulière, car nous discutons de ce texte en ayant en tête votre volonté de limiter l'expression de l'opposition.
M. le rapporteur, qui a fait un excellent travail d'écoute, a indiqué que l'objectif était de remédier aux défaillances de la procédure législative. Or, ces défaillances sont tout autant le fait du Parlement que du Gouvernement – mais vous ne faites rien pour limiter celles de l'exécutif. Et, au sein du Parlement, les députés de la majorité en sont tout autant responsables que ceux de l'opposition. En effet, l'augmentation exponentielle du nombre des amendements est davantage due aux deux groupes majoritaires qu'à ceux de l'opposition. Quant au délai qui sépare la présentation d'un projet de loi au conseil des ministres de la promulgation de la loi, M. Marleix a indiqué, dans un excellent rapport, qu'il est moins long en France qu'en Allemagne.
Certes, quelques-unes des mesures proposées sont souhaitables et, tout au long de la discussion, nous saluerons avec honnêteté ces avancées. Mais d'autres sont inacceptables. Je souscris, à cet égard, aux propos de M. Gosselin. Le contingentement de la parole va à l'encontre de ce que tout Parlement doit être, c'est-à-dire un lieu de débat et non uniquement un lieu de décision. Des idées différentes doivent pouvoir s'exprimer à l'Assemblée nationale.
À ce propos, vous avez fait le choix de privilégier les groupes. La Constitution proscrit le mandat impératif, et chacun d'entre nous doit pouvoir exprimer un avis contraire à celui de son groupe, car il nous arrive à tous d'être en désaccord avec celui-ci. Ainsi, pour ma part, inspiré par la situation et l'histoire de mon territoire, je n'avais pas voté, contrairement à mon groupe, le texte visant à interdire l'extraction de gaz et de pétrole. Or, si le dispositif que vous proposez avait été en vigueur, je n'aurais pas pu m'exprimer ! Chacun d'entre vous, j'en suis convaincu, pourrait se trouver dans une situation analogue.
En conclusion, madame la présidente, nous participerons à ces travaux avec bienveillance, mais nous souhaitions exprimer, à ce stade de la discussion, nos très vives inquiétudes !