Cette réforme, certains des orateurs précédents l'ont dit très justement, intervient entre une révision constitutionnelle qui n'a pas abouti et une révision constitutionnelle à venir. Or, on voit bien que son axe central est la réduction du temps de parole des parlementaires, moyennant quelques mesures qui peuvent globalement faire consensus. De fait, proposer que les présidents de groupe participent aux réunions du Bureau de l'Assemblée, cela ne mange pas de pain, surtout s'ils n'ont pas le droit de voter. Actuellement, des représentants de chaque groupe sont membres des bureaux des commissions mais, comme ils n'ont pas le droit de voter, certains d'entre eux finissent par ne plus assister aux réunions tant leur présence leur semble inutile. Mais, c'est vrai, vu de l'extérieur, cela fait bien : cela fait collégial, transparent…
Parmi les mesures visant à accorder des droits supplémentaires à l'opposition, quelles sont celles qui ne sont pas purement cosmétiques ou qui ne se contentent pas de nous donner un accès un peu plus large à une information que nous devrions déjà avoir ? Je me le demande. En ce qui concerne les commissions d'enquête parlementaire, par exemple, on nous présente comme une avancée le fait qu'un groupe d'opposition pourra choisir plus facilement sa fonction : président ou rapporteur. C'est intéressant, certes, mais le fond du problème n'est pas là. La véritable question, c'est celle du nombre de commissions d'enquête que l'on peut créer pendant une session. Actuellement, une fois qu'un groupe d'opposition a exercé son droit de tirage – avant le mois de décembre, car il faut que les travaux de la commission se terminent avant la fin de la session –, il ne peut plus, si un événement politique majeur concernant la majorité survient au mois de mars, exercer son rôle constitutionnel de contrôle de l'action du Gouvernement, quand bien même l'ensemble des groupes d'opposition seraient d'accord. On pourrait accorder de véritables contre-pouvoirs aux groupes d'opposition, mais ils ne figurent pas dans cette proposition de résolution.
S'agissant des questions au Gouvernement, des députés comme moi, qui apprécient les joutes verbales, pourraient se réjouir de pouvoir intervenir à nouveau après la réponse du ministre. Mais nous ne sommes pas tous faits du même bois : certains souhaitent simplement poser leur question et obtenir une réponse, sans forcément répliquer au Gouvernement. Du reste, on peut s'interroger sur la manière dont vous avez conçu ce droit nouveau accordé à l'opposition. En effet, actuellement, les questions au Gouvernement ont lieu le mardi et le mercredi : ce peut être deux jours de supplice, si deux sujets médiatiques sortent ces jours-là. En revanche, si l'on concentre l'exercice sur une journée, les journalistes ne pourront pas traiter trente questions de manière égale, de sorte qu'on réduit la possibilité de faire émerger des sujets. Ensuite, vous diminuez le nombre des questions posées par la majorité. Il est vrai qu'il est difficile pour ses députés d'interroger le Gouvernement sous la Ve République. Quelle question lui poser, sinon celle qu'il vous a soufflée de manière à pouvoir dérouler son plan de communication sur la réforme du moment ?