Cette discussion est importante car elle révèle la conception que vous avez de notre système démocratique. Les propositions que vous formulez dans cette réforme du Règlement tendent à casser le système délibératif qui est le nôtre, comme le disait à l'instant Olivier Marleix.
On est en train de passer de droits individuels pour les députés à des droits collectifs, alors que notre légitimité de parlementaires est construite individuellement, par notre élection au suffrage uninominal direct.
On est en train de passer d'une procédure orale, dans laquelle le débat, l'échange, la délibération construisent la prise de décision, à une procédure écrite. En gros, et même si ce glissement de notre système juridique n'est pas nouveau, vous nous faites passer d'un système continental, latin, à un système à l'anglo-saxonne, dans lequel les contributions écrites vont devenir la règle. D'ailleurs, je le signale au passage, ces contributions écrites ne feront qu'accentuer les défauts de notre système. En effet, si l'objectif est de lutter contre les outils d'analyse statistique de l'activité des parlementaires, la solution retenue est particulièrement absurde, car nous allons tous déposer un nombre invraisemblable de contributions écrites, que rédigeront nos collaborateurs – parfois même, certaines auront été transmises toutes prêtes à certains députés –, dans le seul but de faire du chiffre, de façon mécanique, puisque, en définitive, cela n'emportera que peu de conséquences.
Ces registres de contributions écrites ne rendront absolument pas compréhensible la discussion autour du texte. Or, je le rappelle, en France, dans notre système institutionnel – tout au moins tel que nous le concevons –, la discussion du texte est d'abord orale, c'est un débat. Il est anachronique, au XXIe siècle, à l'ère des réseaux sociaux, alors que chacun de nous extrait les vidéos de ses interventions en séance ou en commission pour les partager et les faire connaître, de basculer dans un système écrit. C'est un recul ; nous nous plaçons à contretemps de la société, qui est de plus en plus orale.