Intervention de Général Philippe Lavigne

Réunion du mercredi 15 mai 2019 à 16h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Général Philippe Lavigne, chef d'état-major de l'armée de l'air :

Concernant les moyens anti-aériens, les stratégies de déni d'accès peuvent reposer sur différents leviers. Il peut s'agir de moyens aériens, c'est-à-dire de missiles et d'avions de combat pour les porter, toutes capacités que la Russie et la Chine modernisent sans cesse. Il peut s'agir également de moyens sol-air, comme les systèmes S400 que l'on a vu déployés en Syrie, ce qui signifie que le développement de la génération suivante, appelons-la S500, est en cours de développement. Il peut aussi s'agir de moyens de brouillage ou de moyens cybernétiques offensifs à même d'attaquer nos centres de commandement des opérations aériennes.

Quels autres pays que la Russie et la Chine peuvent mettre en oeuvre des moyens de déni d'accès à notre mesure ? Il s'agit principalement de ceux qui achètent ces matériels russes ou chinois.

Quant au saut en parachute d'un A400M, je prends bonne note de vos souhaits, même si je dois vous dire que pour le pilote que je suis, vouloir sauter d'un avion en vol est une curieuse idée ! (Rires.)

Concernant plus largement nos capacités de transport aérien stratégique, Monsieur Blanchet, j'évoquerais les capacités de l'A400M : nous en avons 15 aujourd'hui et en aurons 25 en 2025, cet avion permet d'acheminer 35 tonnes de fret directement depuis la France à nos théâtres d'opérations africains, et nous envisageons la mise en place en Afrique d'un hub logistique autour de l'A400M. La montée en puissance de cette flotte a pour effet de réduire nos besoins de recourir à d'autres moyens et, pour satisfaire les besoins restants, nous recourons aux C130 et aux moyens que nos partenaires européens peuvent partager avec nous. Ainsi, les Allemands étudient la possibilité de déployer des A400M à Niamey, au sein d'infrastructures que nous pourrions partager ; quant aux Britanniques, leurs hélicoptères lourds Chinook ont des capacités qui sont parfois équivalentes à celles de nos C160 dans certaines conditions de hautes températures. J'ajoute que nous disposons aussi d'un Casa au Tchad, fourni soit par la France soit par l'Espagne. Toutes ces capacités réduisent d'autant nos besoins d'affrètements.

Madame Bono-Vandorme, concernant les planeurs hypersoniques, je crois qu'il faut étudier cette technologie de rupture comme il convient de les étudier toutes, c'est-à-dire sous trois angles : comment fonctionnent-elles, comment les utiliser, et comment s'en défendre ? Tel est l'objet du projet appelé VMAX.

Concernant le recrutement, l'armée de l'air compte environ 50 % d'officiers de carrière et 50 % d'officiers sous contrat ; c'est sur cette seconde catégorie d'officiers que portent l'essentiel de nos besoins de recrutements supplémentaires. Globalement, le nombre de recrutements passera de 2 000 en 2014 à 3 500 en 2019.

Pour répondre à la question de M. Michel-Kleisbauer sur les difficultés de fidélisation liées à l'attractivité de l'industrie civile de transport aérien, nous sommes confrontés aux mêmes problèmes fondamentaux que toutes les armées de l'air occidentales. Nous avons conclu avec Air France un gentlemen's agreement au terme duquel nous orientons les candidatures au recrutement par cette compagnie. Ensuite, nous misons sur la modernisation de notre système de formation pour fidéliser nos jeunes pilotes. J'évoquais le recours au PC21, qui pourrait s'accroître à mesure du retrait progressif de service de l'Alpha Jet. Cet effort de modernisation porte aussi sur la formation initiale des pilotes, pour laquelle nous allons rendre notre flotte de formation plus homogène et utiliser davantage les moyens de simulation, tant en vol qu'au sol. Tout l'enjeu consiste à gagner du temps dans la durée de la formation.

En outre, nous avons toujours besoin de personnels navigants. Pour satisfaire nos besoins, nous pourrions réfléchir par exemple à faire évoluer les limites d'âge ou à employer davantage de réservistes. Cette dernière piste concerne plutôt les vols d'instruction que des vols en opération.

Monsieur de la Verpillière, depuis le 23 mars, le califat territorial est battu, mais il existe encore des besoins d'action aérienne dans la région. Tant que le président de la République en décidera ainsi, nous continuerons à effectuer des missions aériennes depuis Abou-Dhabi, comme depuis la Jordanie où quatre Rafale restent engagés avec un rythme de sortie cohérent et adapté aux besoins de l'opération.

S'agissant de l'opération Hamilton, l'expertise de nos aviateurs a été remarquable. Nous avons acquis de l'expérience, notamment face au déni d'accès et sur la manière dont il est possible de passer au travers de défenses constituées de systèmes sol-air, de chasseurs et de brouilleurs GPS. Nous avons aussi acquis des connaissances concernant ce brouillage. On dispose également de retours d'expérience sur la capacité à commander et à planifier ce type d'opérations aux côtés d'alliés, et notamment aux côtés des Américains. Les deux grandes leçons tirées de cette opération sont donc le déni d'accès et le renforcement de notre capacité à les dépasser, et la manière de travailler en interalliés pour commander une telle opération.

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