Merci beaucoup pour ces nombreuses questions.
Je répondrai d'abord à Mme Mauborgne, qui a souligné le succès du programme SCORPION, c'est-à-dire un succès pour l'état-major de l'armée de terre, pour la BITD ainsi que pour la direction générale de l'armement. Au fond, c'est l'interopérabilité qui constitue le vrai plus opérationnel de ce contrat. La question du calendrier a été posée, de même que celle du partage industriel entre nos deux pays. S'agissant du calendrier, en théorie tout va bien ! Il est conforme à l'accélération du programme SCORPION prévue par la LPM. M. Gassilloud m'avait également interrogé sur ce point. Pour rappel, le calendrier de livraison de ce programme structurant a connu quelques difficultés, maîtrisées néanmoins. En effet, au départ, le programme a pris huit mois de retard, mais les premiers Griffon devraient être livrés, sauf erreur, en juillet 2019, tandis que le consortium s'est engagé à livrer les 92 Griffon prévus cette année en temps et en heure. À l'origine, il y avait eu quelques difficultés sur le volet vétronique, peut-être sous-estimé par l'industriel sur le moment, même s'il faut rappeler qu'il s'agissait d'un programme nouveau qui, de manière classique, connaît quelques difficultés de jeunesse. En matière de combat collaboratif, on dépasse aujourd'hui tout ce que l'on connaît dans le cadre otanien !
S'agissant du partage industriel entre les acteurs français et belges, je rappelle que le maître d'oeuvre est Nexter, qui agit en tant que « prime » et s'appuie sur des sous-traitants. Les matériels livrés sont exactement les mêmes en France comme en Belgique – un peu comme s'il s'agissait d'acquisition sur étagère – et puisque nous restons dans le cadre européen, il n'y a pas compensation ou de d'offset au sens classique du terme. En revanche, il existe un concept – le retour sociétal – qui fait l'objet de discussions non pas dans le cadre de l'AIG mais dans celui de l'accord industriel. Dans le cadre de ces négociations, le tourelleau téléopéré qui équipera le Griffon pourrait être construit par un industriel belge.
Claude de Ganay a soulevé la question de la valorisation de l'accord. Il s'agit d'un point important. D'abord, je relèverai que l'AIG n'a pas pour objet d'avancer sur la constitution de l'armée européenne. En revanche, il s'agit de prévoir, dans certaines conditions, des moyens de coopérer ensemble. Peut-être qu'il est bon d'énumérer ces conditions parce qu'au fond, ce partenariat ne peut exister que dans des conditions très spécifiques :
‒ une demande explicite du pays client acceptée par l'État français ;
‒ l'existence d'un partenariat stratégique entre la France et ce pays ;
‒ une opération de grande ampleur, le plus possible portant sur des matériels connus et utilisés par les forces françaises – c'est le cas ici puisque nous avons développé SCORPION pour la France ;
‒ une coopération qui dépasse la fourniture de matériel de guerre ; c'est aussi le cas puisque l'on inclut des volets de formation et de doctrine, comme l'a notamment rappelé Mme Mauborgne ;
‒ enfin, un certain volume financier, important en l'espèce puisque l'on parle de 1,5 milliard d'euros. Ce n'est pas rien. Il s'agit de l'un des plus gros contrats conclu ces dernières années après les contrats égyptien et australien. Il me semble important de le souligner.
L'intérêt de ce genre de schéma est de s'affranchir de la formule de l'appel d'offres, et de respecter le droit européen au travers d'un nouveau type de contrat, le contrat de partenariat global, qui selon moi peut avoir un avenir avec d'autres partenaires.
En outre, s'agissant des remarques de nature politique portant sur les relations avec la Belgique dans d'autres secteurs de l'armement, certes nous avons eu l'expérience du contrat F-35, mais je tiens à rappeler que la France est le partenaire de la Belgique sur deux plus gros contrats qu'elle a signés : d'une part celui dont nous parlons aujourd'hui avec le programme CaMo portant sur les blindés médians, d'autre part le contrat sur la guerre des mines, l'offre présentée par Naval Group et ECA ayant été retenue par les autorités belges. Il s'agit d'un programme tout à fait structurant en matière de coopération bilatérale ainsi que pour la conduite de notre propre programme de guerre des mines.
S'agissant de la question de M. Becht sur les briques technologiques et le numérique, il convient en effet de souligner que la particularité du programme SCORPION est d'être un programme foncièrement tourné vers le numérique et les nouvelles technologies. Il s'agit de l'un de ses avantages comparatifs décisifs. Pour rappel néanmoins, comme cela me l'a été confirmé lors de mes échanges avec l'état-major belge, la Belgique n'avait initialement pas demandé de développement commun. En l'occurrence, les autorités belges étaient plutôt à la recherche de produits à acheter sur étagère. Là encore, tout dépend des conditions que nous avons établies avec le pays partenaire. Des développements communs peuvent tout à fait permettre des économies en termes de recherche et développement mais encore faut-il déterminer avec quels partenaires nous pouvons les conduire, question complexe s'il en est : il faut des retours industriels – à ce sujet certains ont évoqué nos relations avec l'Allemagne – il faut des spécifications claires et convergentes, alors qu'elles peuvent se multiplier et ne plus représenter une source d'économies. À ce sujet, je renvoie chacun vers la lecture des rapports de la Cour des comptes sur certains programmes que tous ici nous connaissons : je pense au programme FREMM ou, en leur temps, aux réflexions sur la guerre des mines menées avec le Royaume-Uni.
M. Pueyo m'a essentiellement interrogé sur les déploiements, les engagements et l'intégration à un niveau poussé – au niveau des compagnies puisque nous descendons d'un étage par rapport au cadre otanien. Vous avez raison de souligner le caractère singulier de cet accord de ce point de vue. C'est le coeur de l'accord. Vous avez également évoqué la question des exportations : oui, exporter entraîne des économies. Il me semble également important de souligner que les choses ont bien changé pour Nexter, passé d'une situation de quasi faillite il y a quinze ans à l'état de groupe florissant, notamment grâce à des exportations de ce type. Ce cadre d'exportation est parfaitement rassurant et confortant pour une telle entreprise.
Concernant les opérations conjointes, un tel programme peut faciliter leur déclenchement mais je rappelle tout de même qu'elles résultent d'une décision d'États souverains. Les autorités belges se sont engagés sous des formats divers, dans le cadre de l'Union européenne comme de l'ONU au Mali par exemple, ou de l'OTAN pour les opérations conduites dans les pays baltes. La Belgique constitue, ainsi que vous le dites, un partenaire plutôt allant en matière d'engagement opérationnel, peut-être l'un des plus allants en Europe avec la France. La Belgique est un bon partenaire, avec lequel il nous faut développer davantage d'engagements communs et, pour ce faire, l'AIG constitue le cadre idoine, précisément en raison des points que nous avons déjà évoqués : formation, doctrine, entraînements en commun.
Vous avez également évoqué la question des battle groups. Je ne crois pas qu'il faille créer une structure bureaucratique supplémentaire ! L'objectif est plutôt de conforter l'interopérabilité sur le terrain, au plus bas niveau, afin d'être prêt à envoyer des troupes franco-belges le plus rapidement possible, sans devoir se former au moment de l'éclatement de la crise. De ce point de vue, les dispositions de l'AIG me semblent tout à fait opérationnelles.
M. Jacques a évoqué le sujet des munitions. Comme je l'ai indiqué dans mon exposé liminaire, l'AIG permet d'ouvrir le champ de la coopération bilatérale à différents types de matériels alors pourquoi pas les munitions ! À mon avis, il y aurait là une forme de cohérence industrielle ! Comme vous le savez, FN Herstal, ancienne filiale de Giat, propose une offre tout à fait complémentaire de celle que l'on peut trouver en France au travers de Nexter. L'ensemble pourrait, on peut le dire, former un contrepoids intéressant par rapport à d'importants groupes allemands, comme Rheinmetall. Je n'en dirais pas plus car ces questions dépendent des acteurs industriels et des choix qui seront faits mais, selon moi, il s'agit d'une piste à considérer.
En réponse aux nombreuses interrogations de M. Furst (Sourires.), je dirais d'abord, s'agissant de l'exportation, et du ré-export en particulier, que ces questions relèvent de l'accord industriel en tant que tel et non de l'AIG dont l'approbation nous est aujourd'hui proposée. Elles feront l'objet de négociations entre les industriels et donc, par définition, seront examinées par la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre. En somme, la procédure comme les garanties en la matière sont classique.
S'agissant des prix, la DGA nous a indiqué veiller à la convenance des prix mais pas forcément à leur identité exacte. Ce n'est d'ailleurs pas son rôle puisque, là aussi, une négociation intervient entre les acteurs industriels. Du reste, je me permets de rappeler que si l'exportation permet d'accroître les effets d'échelle, elle permet aussi parfois d'acquérir des matériels moins onéreux du fait d'un effet « séries ».
Concernant les perspectives d'exportation, pourquoi pas les Pays-Bas, pour ce qui concerne la cavalerie légère ? Il s'agit typiquement du genre de pays pouvant rencontrer un besoin de renouvellement de ses capacités en ce domaine. Pourquoi pas l'Espagne, sur les systèmes d'information comme le SICS, le système d'information de SCORPION, ou les radios CONTACT ? Pourquoi pas le Luxembourg ? SCORPION dispose du potentiel pour devenir une forme de standard européen. À cet égard, qu'il s'agisse du matériel complet ou une partie du programme – en particulier le système d'information et de combat connecté – des briques peuvent être exportées au profit de différents partenaires selon leurs besoins. Avec ces réponses, je pense avoir également répondu aux interrogations de M. Trompille.
En réponse à la question de Mme Dubois sur les hélicoptères, je dirais qu'à ma connaissance, il n'y a rien de prévu en la matière. Je n'ai pas évoqué ce sujet avec mes différents interlocuteurs et n'ai pas entendu de demande de la Partie belge en ce sens. Au niveau européen, la priorité me semble être davantage de se pencher sur Airbus plutôt que sur les dispositions de l'AIG.
Madame Pouzyreff, vous m'avez interrogé sur le maintien en condition opérationnelle. À l'heure actuelle, le MCO n'est pas couvert par l'AIG mais il s'agit d'une question pouvant être approfondie dans le cadre des discussions que mèneront les parties belge et française. Comme Mme Mauborgne l'a indiqué, le MCO sera pris en charge par nos deux armées, en totale coopération, des industriels des deux pays pouvant également être impliqués. On peut donc imaginer que des industriels belges deviennent partie à cette coopération en raison de leur implication dans le domaine de la maintenance.
Je ne reviendrai pas sur les modalités du déplacement que nous avons effectué à Bruxelles, évoquées par M. Bazin, puisque le président a fort bien répondu. En revanche, s'agissant de l'impact potentiel des élections à venir en Belgique, je rappellerai qu'il s'agit d'un accord inter-gouvernemental signé par l'État fédéral belge et que, du fait du principe de la continuité de l'Etat, il n'y là pas de risque majeur. En outre, la « vision stratégique pour la Défense belge » ancre de manière significative la question du renouvellement de la composante terre et, en conséquence, de l'achat de blindés médians. Il convient d'ailleurs de souligner ce qui constitue un élément intéressant au regard des discussions que nous eûmes ici-même lors de l'examen de la LPM, que l'ensemble des groupes parlementaires belges a voté en faveur de cette programmation militaire. Une belle unanimité dont on pourrait s'inspirer !