Le premier point de notre ordre du jour porte sur la réunion des commissions des affaires européennes en format Triangle de Weimar qui s'est tenue à Berlin les 12 et 13 mai derniers et dont je souhaitais vous faire un rapide compte rendu. Je dois tout d'abord souligner, mes chers collègues, que nous y avons encore du chemin à parcourir en matière de parité : j'étais la seule femme parmi toutes les délégations !
Les participants ont tous convenu de l'intérêt de ce format associant le couple franco-allemand au principal État membre d'Europe centrale et orientale, la Pologne. Le Président Wolfgang Schäuble a d'ailleurs ouvert la réunion et participé à la première heure de discussion, consacrée à l'avenir de l'Europe, afin de marquer l'intérêt du Bundestag à ce type de rencontres. Commentant l'agenda stratégique de l'Union après le sommet de Sibiu, il a exhorté les délégations parlementaires à faire avancer la construction européenne en les invitant à promouvoir la règle de la majorité qualifiée et à soutenir la fin de la règle de l'unanimité, source de blocage de l'Union européenne. Cette proposition a donné lieu à un accord des différentes délégations, qui ont fait part de leur souhait d'avancer en la matière, ce qui est à mes yeux très positif. Mme Françoise Grossetête, dont je salue la présence ce matin parmi nous, pourra confirmer que cette règle est un facteur de blocage sur de très nombreux sujets.
En revanche, les discussions n'ont pas permis de progresser véritablement sur la question des valeurs communes et de la défense de l'État de droit, la partie polonaise faisant montre d'un certain relativisme quant aux principes fondateurs de la démocratie : chaque pays serait libre de mettre en oeuvre sa propre conception de l'État de droit et des institutions, sans que l'Union européenne soit fondée à intervenir dans ce domaine.
La réunion en format Weimar a également abordé la question du cadre financier pluriannuel, que nous allons évoquer en commission aujourd'hui. Sur ce point, les discussions n'ont pas véritablement permis d'avancer. La partie française a insisté sur l'intérêt stratégique de la politique agricole commune (PAC) et sur le fait qu'elle ne devait pas servir de variable d'ajustement au prochain budget.
La partie polonaise a pour sa part insisté sur le maintien de la politique de cohésion, en insistant sur le fait que les inégalités en Europe perduraient et que cette politique était nécessaire au développement des pays d'Europe centrale et orientale. Certains représentants polonais ont été plus offensifs encore en déclarant que les entreprises de l'Ouest de l'Europe avaient massivement investi à l'Est au moment de l'adhésion des nouveaux États membres et que les fonds de cohésion étaient une compensation à cette situation. À l'appui de cette position, les parlementaires polonais ont donné en exemple l'implantation massive de chaînes de supermarchés françaises, irritant manifeste pour les participants à cette réunion.
Du côté allemand, les prises de position ont été plus partagées. Le SPD a insisté sur la nécessité de donner à l'Union des ressources propres, citant notamment la taxe sur les transactions financières ou la taxe des entreprises du numérique. La CDU a pour sa part fait part de son souhait d'accroître la flexibilité du budget européen et d'améliorer le décaissement des fonds alloués par l'Union, qui demeure très insuffisante. Le député européen allemand, membre du PPE, présent, a pour sa part rappelé la demande du Parlement européen de porter le budget européen à 1,3 % du Revenu national brut pour compenser le départ du Royaume-Uni. Le président de la commission des affaires européennes du Bundestag a quant à lui estimé que des économies sur la PAC étaient indispensables pour financer les nouvelles priorités.
Enfin, le dernier thème de la réunion portait sur la politique européenne de sécurité et de défense. Les différentes délégations ont admis la nécessité d'aller plus loin dans le sens de l'intégration européenne dans ce domaine et de consacrer davantage de moyens aux nouvelles menaces, notamment dans le domaine cyber. L'intérêt d'harmoniser les équipements et les doctrines d'engagement a également été évoqué. Les délégations allemande et polonaise ont reconnu l'utilité de la présence militaire française en Afrique et ont salué son rôle stabilisateur utile à l'ensemble des pays européens. Ces deux délégations ont également insisté en faveur de l'intégration des Balkans à l'Union européenne en y voyant un gage de stabilité et de sécurité. En revanche, la question de l'articulation de la défense européenne et de l'OTAN reste toujours une question sensible et clivante. Plusieurs parlementaires ont convenu qu'une politique des petits pas était préférable en la matière à la mise en place d'une véritable armée européenne intégrée.
Il reviendra à notre commission d'organiser conjointement avec nos collègues du Sénat la prochaine réunion en format Triangle de Weimar au second semestre. Idéalement elle pourrait intervenir après les élections législatives en Pologne prévues en octobre prochain. Je souhaite que nous profitions de cette occasion pour que nos discussions soient plus opérationnelles et débouchent sur des conclusions politiques, alors même que le Parlement européen et la Commission entameront une nouvelle législature, car, en dépit de l'utilité manifeste de ces réunions, je reste sur ma faim, en l'absence de conclusions. Aussi je proposerai de resserrer les thématiques, avec deux thèmes au lieu de trois, de manière à avoir ensemble des discussions qui débouchent sur des résultats, des réponses précises.