Intervention de Jean-Louis Bourlanges

Réunion du jeudi 16 mai 2019 à 9h15
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bourlanges, président du groupe de travail sur le CFP :

Je souhaite tout d'abord bien évidemment apporter mon soutien aux conclusions proposées par le rapporteur. Je tiens cependant, en premier lieu, à préciser les conditions politiques dans lesquelles ce travail a été accompli, et, en particulier, les incertitudes du calendrier de l'adoption du CFP qui serait suivi par les États membres, dans un contexte d'informations très évolutives compte tenu du renouvellement du Parlement européen et de la Commission. Face à une temporalité aussi incertaine, il était extrêmement difficile de se fixer un objectif pour l'adoption d'une proposition de résolution.

Partant en conséquence du principe qu'il n'était pas nécessaire de trop s'attacher à cette difficulté, nous avons cherché à exprimer des orientations susceptibles de rassembler un grand nombre de membres de notre commission et de collègues. Il convient toutefois de bien comprendre que le véritable enjeu politique sera déterminé par la prochaine élection du 26 mai. Si l'architecture globale du futur CFP est à présent assez bien dessinée, le nouveau Parlement européen apportera nécessairement sa contribution, dans la dernière ligne droite. Sur le fond, il faudra bien alors décider, si je puis me permettre une telle comparaison, si l'on respecte ou non la limitation à 80 kmheure alors que l'on pourrait aller plus vite et plus loin sur ce que l'on considère comme une route à quatre voies. Nous envoyons donc à présent un signal tout en sachant que tout sera décidé à l'issue des élections et, sans qu'il soit question d'entrer dans la campagne électorale, nous constatons que se dessinent des ambitions très différentes selon les formations politiques, en fonction des alliances potentielles au sein du futur Parlement européen, avec, d'un côté, ceux qui refusent de dépenser davantage en prônant le « chacun chez soi, chacun pour soi » et, de l'autre, ceux qui souhaitent permettre à l'Europe de franchir une grande étape moyennant un grand effort.

En second lieu, en écho aux propos de notre collègue, Alexandre Holroyd, je souhaite évoquer la question de la subsidiarité. Notre collègue a associé des observations de nature différente, à partir du point de vue des pays de l'Europe du Nord, selon lequel il y aurait un « mal governo » en France et dans les pays de l'Europe du Sud depuis plusieurs années : un certain nombre de politiques auraient pu y être mieux gérées dans le cadre des compétences nationales. Cette remarque, pleine de bon sens, n'empêche toutefois pas, s'agissant du budget européen, d'être embarrassé par son aspect « pâté de cheval et d'alouette » : comparer des dépenses publiques qui représentent un taux d'environ 55 % du PIB en France et un budget européen dont on ne sait pas – et cela fait l'objet de luttes phénoménales et picrocholines – s'il doit passer de 1,1 à 1,2 % du RNB, ne relève pas du même sujet. Bien au-delà de la réflexion sur la subsidiarité, cela montre en réalité que le budget n'est pas l'instrument privilégié de l'unification européenne, à l'inverse de l'évolution des règles de droit, dépourvues de conséquence financière pour les États. Il n'en demeure pas moins que le taux d'augmentation du budget est extrêmement insuffisant pour penser la subsidiarité. La Commission européenne propose en réalité un modèle réduit : si les orientations fondées sur la compétitivité, la révolution numérique, la sécurité, le renforcement et l'adaptation des dépenses de solidarité sont les bonnes, elles le sont a minima. De fait, au lieu de nous présenter un immeuble, la Commission nous soumet un appartement témoin dans lequel elle doit loger 500 millions de personnes. Cela soulève un problème de fond de la politique de l'Union européenne, qui a contraint le cadre de réflexion de notre groupe de travail tout en dépassant bien évidemment ses compétences. Aussi, en dépit des grandes hypothèques politiques – qui seront peut-être partiellement levées par les élections — pesant sur le projet de budget européen, le signal envoyé par le rapport est-il bien ajusté, opportun et équilibré.

N'ayant pas pu déposer formellement d'amendement, je souhaiterais cependant formuler deux remarques sur les propositions de conclusions. La première, d'ordre purement rédactionnel, concerne le point n° 6, relative à la mise en extinction des systèmes de correction existants : en effet, le « rabais » britannique disparaissant à la suite de la sortie de l'Union du Royaume-Uni, les autres « rabais » n'ont plus de raisons d'être : il serait donc plus logique d'inverser l'ordre des termes utilisés dans le texte.

Ma seconde remarque porte sur l'architecture du CFP : nous avions envisagé d'ajouter une proposition de conclusion en faveur de l'adoption, à l'avenir, du CFP à la majorité qualifiée par le Conseil européen, et, ce pour deux raisons. L'une, budgétaire, car l'adoption du budget européen à l'unanimité procède d'un jeu de « crétin », chaque État entendant récupérer sa contribution ; il faut désormais en finir avec le principe instauré par Mme Thatcher « I want my money back » qui n'a aucun fondement. L'autre raison tient à la difficulté de faire appliquer la moindre conditionnalité face à des États qui ne se conforment pas au droit européen. En revanche, l'adoption du CFP à la majorité qualifiée nous doterait de davantage de moyens de pression pour faire appliquer le cas échéant ce principe de conditionnalité des aides.

Au total, ayant vu travailler le rapporteur depuis de longs mois, je ne suis pas surpris par le fruit de son travail dont je salue la qualité. Je lui renouvelle mes compliments.

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