Monsieur le président, je vous félicite pour votre réélection et je me réjouis du bon travail qui existe entre cette commission et mon ministère. Bien entendu, je ferai tout mon possible pour que cela continue ainsi, de façon à répondre à vos questions et à servir l'intérêt général en lien avec vous.
Je suis très heureux de pouvoir faire le point devant vous, un mois après la rentrée scolaire. Cette rentrée s'est bien déroulée : cela fait plusieurs années maintenant qu'en France les rentrées sont « réussies techniquement », pour employer une formule classique. Cela ne signifie pas que je prétende avoir fait un travail particulièrement réussi, mais que ce ministère, par son agilité, sa technicité, parvient de plus en plus à être fin dans son approche de ce qu'on appelle une réussite technique, c'est-à-dire à faire en sorte que les professeurs soient bien présents, au bon endroit et de la bonne façon. Nous nous améliorons d'année en année, et c'est aussi mon rôle que d'en finir avec certains clichés qui perdurent à propos du ministère de l'éducation nationale. J'ai la prétention et la fierté de dire que cette maison est tout à la fois grande et agile, et que les deux ne sont pas incompatibles, bien au contraire.
C'est ainsi que des mesures ont pu être prises rapidement l'année dernière grâce au professionnalisme des personnels de l'éducation nationale : je pense à la nomination du deuxième professeur principal, en octobre-novembre de l'année dernière, dans des délais extrêmement brefs, pour accompagner la mesure Parcoursup et préparer les réussites qui s'imposaient ; de même pour le dédoublement des classes de CP et de CE1 qui s'est fait entre les mois de juin et de septembre 2017 ou qui a été réalisé cette rentrée. La maison Éducation nationale fait preuve d'un professionnalisme que je souhaitais souligner à cette occasion.
Je pense pouvoir dire que cette rentrée est réussie aussi sous l'angle du climat, tout simplement parce que tout le monde était au bon endroit, le bon jour – à quelques exceptions près naturellement, auxquelles il faut sans cesse être attentif pour améliorer le système – et que chacun s'est inscrit dans les priorités de cette rentrée et en a compris le sens. C'est évidemment mon rôle que de partager avec vous, et au travers de vous avec la société française, la cohérence d'ensemble qui caractérise les mesures de rentrée et les évolutions qui se produisent.
Si je devais résumer en deux formules cette « école de la confiance » dont je vous parle à chaque fois, je dirais que l'élévation du niveau général et la justice sociale vont de pair. Ce sont les deux faces d'une même médaille : nous parviendrons à l'élévation du niveau général par la justice sociale et nous assurerons le renforcement de la justice sociale par l'élévation du niveau général.
Lors de la rentrée 2017, pour tenir compte des difficultés qui existent à l'école primaire, constatables à la sortie de celle-ci, nous avions posé le cadre d'une nécessaire transformation. La mesure la plus emblématique et la plus profonde en a été le dédoublement des classes de CP et CE1. En cette rentrée, nous dédoublons deux fois plus de classes que l'année dernière, puisque nous sommes passés de 60 000 élèves concernés par la mesure en septembre 2017 à 190 000 élèves pour la rentrée 2018. Notre objectif est de parvenir à 300 000 élèves à la rentrée 2019. 300 000 élèves, cela fait 150 000 par génération, soit environ 20 % d'une génération, ce qui est quantitativement très significatif.
De très nombreux élèves et leurs familles sont concernés par cette mesure, avec des effets en chaîne considérables. Un premier effet, de nature pédagogique, commence à être constatable, même si les premières études scientifiques robustes seront prêtes dans un mois et demi à deux mois. Les premiers retours de terrain – je visite beaucoup d'écoles, et je sais que vous êtes nombreux à faire de même – sont bons sur le plan pédagogique. On voit que, dans les classes de CE1 qui ont bénéficié de la mesure en CP l'année dernière, la quasi-totalité des élèves sont lecteurs là où les années précédentes ils étaient parfois moitié moins nombreux. Les progrès pédagogiques sont donc tangibles, même si cela reste à confirmer.
Le progrès est également visible sur le plan psychologique : les publics concernés se sentent davantage considérés dans ce qu'ils ont de plus cher, c'est-à-dire leurs propres enfants. Cela se sent dans le dialogue avec les parents d'élèves. On constate aussi un peu plus de mixité sociale dans ces écoles qui ne sont pas du tout fuies par les parents, mais plutôt recherchées.
Bref, on doit se réjouir des effets induits par le dédoublement des classes de CP et CE1 dont l'objectif est l'élévation du niveau général par l'amélioration de la justice sociale. Je rappelle qu'entre les écoles en REP et REP +, qui représentent environ 20 %, et les autres écoles, il y a un écart mesurable très important dans la maîtrise des savoirs fondamentaux ; c'est cet écart que nous voulons non seulement réduire, mais éliminer. Si nous y parvenons, ce sera évidemment une réussite pour la France, à court et moyen termes, et encore plus à long terme. C'est donc un enjeu d'intérêt général qui, me semble-t-il, fait consensus sur le terrain et dans la classe politique, ce dont on doit se réjouir.
Mais cette mesure, qui est à la pointe d'un volontarisme pédagogique et éducatif, doit être accompagnée d'une politique de ressources humaines : il ne suffit pas de dédoubler des classes, encore faut-il veiller à ce qu'il y ait des professeurs chevronnés dans tous les CP de France et s'assurer qu'ils utilisent des méthodes pédagogiques efficaces. Or, on le voit, les classes de CP à 12 élèves contribuent à l'évolution des pratiques pédagogiques, notamment en petits groupes, et à la prise en compte par les professeurs d'un certain nombre de recommandations que j'ai pu faire l'année dernière, à l'issue d'un travail collectif très poussé, réalisé notamment par le Conseil scientifique de l'éducation nationale qui réunit des spécialistes de différentes disciplines sur ce qui s'écrit, se pense et s'expérimente de mieux en France et dans le monde en matière d'apprentissage de la langue maternelle et des mathématiques.
Cela va de pair avec la clarification des programmes : nous ne les avons pas changés, mais nous les avons faits évoluer afin de les clarifier. Nous sommes sur le point de publier des repères annuels clairs pour tous les professeurs ; une stratégie spécifique pour le français va être déployée, comme il y en a désormais une pour les mathématiques, dans la lignée du rapport Villani-Torossian, qui se traduit notamment par un très grand volontarisme en matière de formation continue. Concrètement, des sessions sont organisées en région pour donner aux acteurs éducatifs toute une série de ressources. Cela crée de l'enthousiasme, je le vois à ce qui me remonte du terrain, et vous-même, je l'espère, pouvez le constater. Cela doit tous nous mobiliser car c'est l'avenir de notre pays qui se joue.
Cette rentrée a également vu la mise en place d'évaluations en début d'année en CP, CE1, en sixième et en seconde. Sur ce sujet aussi, je tiens à exprimer ma reconnaissance envers les professeurs des écoles de France. Ces évaluations, qui se sont achevées vendredi dernier, ont été conçues par le Conseil scientifique de l'éducation nationale et les services du ministère, en reprenant ce qui se faisait de mieux dans le domaine : le but est d'avoir un portrait de l'élève, avec ses forces et ses faiblesses, afin que l'aide personnalisée puisse se faire en connaissance de cause tout au long de l'année. C'est une évolution très importante qui permet d'avoir une analyse du spectre complet de ce qui forme les atouts d'un enfant au moment où il entre au CP ou au CE1. Si ces atouts ne sont pas là ou s'ils sont fragiles, c'est le moment d'agir. C'est aussi une façon de garantir que 100 % des classes de France ont 100 % des points de repère vis-à-vis de 100 % des enfants. Si nous avons appelé ces mesures « 100 % de réussite en CP », c'est parce que c'est la réussite de tous qui est visée : on retrouve, là encore, le double objectif d'élévation du niveau général et de renforcement de la justice sociale.
Certes, si nous nous contentions d'une forme de laisser-aller, nous rencontrerions moins de problèmes, à ceci près que ceux qui sont laissés au bord du chemin sont pour l'essentiel issus des classes sociales défavorisées. C'est donc clairement une politique sociale que je revendique et que j'assume pleinement face à tous les discours sur les difficultés sociales dans notre pays et sur l'éventuelle impuissance ou l'inactivité publique face à ces enjeux. Je suis prêt, bien évidemment, à répondre à toutes les questions qui pourraient m'être posées sur ce point.
La priorité donnée à l'école primaire et aux savoirs fondamentaux s'accompagne d'une offre enrichie d'enseignement au collège, notamment avec le déploiement du dispositif « devoirs faits ». J'étais ce matin à Nancy, dans un collège classé en réseau d'éducation prioritaire, où le dispositif « devoirs faits » a été encore renforcé cette année de manière assez significative. Désormais, 25 % des élèves environ sont concernés par ce dispositif qui repose sur le volontariat et qui a permis d'instaurer un nouveau type de relations entre les professeurs et les élèves, et entre les professeurs et les parents. Là encore, avec le dispositif « devoirs faits », on retrouve le diptyque élévation du niveau général et justice sociale : on ne supprime pas les devoirs au motif que tout le monde sera ainsi à égalité, on ne laisse pas faire les choses, mais on fait les devoirs au collège. C'est un progrès social, un progrès pédagogique et presque un progrès psychologique car il est souhaitable que les enfants de cet âge puissent rentrer chez eux autant que possible la conscience tranquille.
Nous poursuivons également une politique linguistique : 67 % des collèges proposent au moins une classe bilangue, contre 47 % à la rentrée 2016, 30 % proposent une section bilangue – elles ont été pratiquement rétablies partout où elles avaient été supprimées –, plus de 90 % proposent du latin ou du grec, dont 33 % à raison d'un volume horaire supérieur à cinq heures. Il convient de progresser sur ce dernier point, certains considérant que nous n'avons pas récupéré le chemin perdu dans la mesure où sept heures étaient consacrés auparavant à l'enseignement du latin ou du grec ; c'est rentrée après rentrée que nous y parviendrons.
Je me suis exprimé publiquement sur les langues anciennes le week-end dernier, et je profite de cette audition pour préciser ma pensée sur ce point. Les langues anciennes ne sont pas un sujet marginal dans le système scolaire ; au contraire, elles y jouent un rôle très important. C'est d'abord un enjeu de civilisation : nos élèves ont besoin de comprendre d'où ils viennent et d'où vient notre langue. Or les soubassements de notre langue, c'est d'abord et avant tout le latin et le grec. Il n'y a rien de désuet dans cet enseignement, et j'observe même que les professeurs de langues anciennes sont souvent les plus dynamiques sur le plan pédagogique. Je serai donc toujours le porte-parole du latin et du grec, parce que c'est avec ces langues que se joue quelque chose de fondamental, individuellement, collectivement, pédagogiquement et, si je puis dire, sociétalement.
Il y a aussi un enjeu de justice sociale : outre qu'ils ne sont pas désuets, le latin et le grec ne sont pas élitistes. C'est dans les parties du territoire les plus défavorisées que nous serons les plus volontaristes pour favoriser leur implantation, précisément lorsqu'il y a des enjeux d'intégration pour des enfants issus de l'immigration, afin de leur faire partager cet héritage dû à tous les enfants de la République. Nous allons donc développer l'enseignement du latin et du grec avec une pédagogie renouvelée, qui installe une confiance vis-à-vis des professeurs de lettres concernés par cette mesure, qui doivent se sentir soutenus.
Toute personne qui serait tentée de décrire cette démarche comme un combat d'arrière-garde se trompe fortement. Face à la civilisation ultra-technologique dans laquelle nous entrons, il est d'autant plus important de développer les humanités classiques et totalement absurde de les opposer aux humanités numériques. Sur le plan pédagogique, il n'y a aucune contradiction à affirmer l'un et l'autre. Ce sont des enjeux de raisonnement logique et de culture, et ce sont précisément les deux points que nous devons mettre au soubassement de l'enseignement que nous donnons aux enfants de la République.
Cette rentrée est également l'occasion de transformations importantes au lycée, qui ne sont cependant que le premier signal de transformations encore plus importantes pour la rentrée 2019. Elle nous donne donc en quelque sorte un avant-goût du changement majeur qui va survenir dans un an.
Un test de positionnement, qui a eu lieu au début de la seconde de façon totalement informatisée, nous permet d'avoir un portrait du niveau de nos élèves et de déclencher une aide personnalisée en français et en mathématiques : on constate malheureusement que certains élèves qui entrent en classe de seconde ont encore trop de fragilités en ce qui concerne les savoirs fondamentaux.
Lors de cette rentrée, plus de 40,5 % d'élèves ont formulé comme premier voeu d'entrer en apprentissage, et ils étaient 5 % de plus à souhaiter aller dans l'enseignement professionnel. C'est un signal extrêmement fort, dû principalement au fait que l'on ne juge désormais plus les collèges de France sur le pourcentage d'élèves qui vont poursuivre leurs études dans une filière générale, technologique, professionnelle ou en apprentissage : seul compte désormais l'intérêt de l'élève. Cette simple mesure a eu un impact très important en mettant fin à une forme de schizophrénie de notre institution qui dans un même temps affirmait que l'enseignement professionnel était d'égale dignité avec les autres, mais jugeait négativement les établissements qui envoyaient des élèves dans cette filière.
C'est aussi un signal de confiance adressé à l'enseignement professionnel, qui va de pair avec la réforme de celui-ci, appelée à se déployer au cours des prochaines années et assise sur le triptyque « effet campus », « effet réseau » et « effet de thématiques d'avenir » : le numérique et la transition écologique notamment doivent habiter en quelque sorte les lycées professionnels. Son évolution pédagogique s'inscrit désormais dans la lignée du rapport Calvez-Marcon, avec en particulier des secondes organisées par familles professionnelles, et des terminales organisées pour tenir compte des souhaits d'avenir des élèves, ce qui garantit une meilleure personnalisation des parcours.
Cette rentrée voit aussi l'orientation évoluer au lycée : cinquante-quatre heures sont proposées à tous les élèves en classe de seconde, ce qui est aussi un premier signal du lien renforcé entre l'État et les régions puisque c'est avec elles que se conçoit leur contenu. Bon nombre de régions qui avaient déjà commencé à prendre des initiatives l'an dernier en matière d'orientation vont pouvoir utiliser cet espace de temps pour déployer leurs propositions d'information et d'orientation sur les métiers et sur l'enseignement supérieur ; ce temps sera également mis à profit par les professeurs et l'ensemble des personnels pour accompagner les élèves tout au long de l'année dans le choix de leurs disciplines de spécialité en première. Là encore, les petits changements de cette rentrée préfigurent les grands changements de la rentrée prochaine, puisque c'est au cours de cette année que vont se définir les enseignements de spécialité avec l'implantation des spécialités dans les lycées, selon une carte académique qui sera précisée jusqu'au mois de janvier, une fois les moyens arrêtés pour tous les établissements. Si je suis allé à Nancy, c'est aussi pour rencontrer les proviseurs de l'ensemble de la région Grand-Est afin de travailler avec eux sur ces questions, comme nous le faisons en France actuellement, région par région, une année en amont de ces changements.
Je ne reviendrai pas sur la réforme du baccalauréat, que vous connaissez bien ; l'objectif de ces mesures, là encore, est le même : élever le niveau général, approfondir les connaissances. D'ici à la fin du mois, le Conseil supérieur des programmes présentera les projets de programme, qui seront suivis de plusieurs semaines de consultations avant l'élaboration des programmes définitifs au mois de décembre. Vous aurez donc, d'ici à la fin octobre, les premiers projets de programme qui permettront d'illustrer l'objectif d'approfondissement et de consolidation des savoirs, dans un contexte où les lycéens seront beaucoup plus amenés à faire des choix, donc à davantage désirer les approfondissements et options proposés.
Nous devons veiller à ce que l'ensemble de ces mesures aient pour vertu le rassemblement autour de l'école : c'est ce que j'appelle l'école de la confiance, avec des sujets qui relèvent de la vie scolaire ou tout simplement de l'organisation de notre système scolaire – ainsi la lutte contre toutes les formes de harcèlement, dont je fais un élément majeur de nos politiques publiques. Le 8 novembre prochain aura lieu la journée de la lutte contre le harcèlement au cours de laquelle de très nombreuses actions seront menées en direction des élèves. Le climat scolaire va devenir de plus en plus central dans l'évaluation des établissements et dans le travail que nous leur demandons pour combattre le harcèlement et le cyber-harcèlement qui sont, nous le savons, des fléaux dans le système scolaire français comme malheureusement dans beaucoup d'autres pays.
Cette rentrée a vu l'interdiction du téléphone portable entrer en vigueur, à l'école et au collège, grâce à la représentation nationale, qui l'a proposée et votée. Je me souviens avoir entendu certaines objections, lors du vote de cette mesure, qui se voient réfuter dès cette rentrée, d'abord par l'effet psychologique de la loi. Je me suis rendu, il y a une semaine, dans un collège de Toulon où le téléphone portable est en train d'être interdit. Ce passage d'une réalité à une autre montre que la loi a bien transformé quelque chose. Cette interdiction, instaurée dans certains endroits, avait eu des effets tellement positifs que cela nous a incités à la généraliser. La loi crée la dynamique et le support juridique nécessaire pour que cette mesure entre en vigueur. Elle permet par ailleurs de préciser certains points, qu'il s'agisse de l'usage pédagogique ou du cadre juridique de la confiscation du téléphone, autant d'éléments dont les acteurs de terrain disent qu'ils en avaient besoin. Enfin, le fait que tout le monde, à commencer par les parents, ait entendu parler de cette mesure a aidé les conseillers principaux d'éducation, les chefs d'établissement et les professeurs à mettre en place cette interdiction qui aura marqué la rentrée.
Je sais qu'un grand quotidien avait trouvé des exceptions et que, bien entendu, tout n'est pas parfait. Dans le collège dont je viens de parler, la mesure était en train d'être mise en oeuvre, ce qui supposait d'adapter le règlement intérieur et d'organiser toute une série de réunions avec les collégiens pour leur expliquer la philosophie de la réforme car il est bon de susciter de l'adhésion. Si donc la mesure n'est pas encore formellement entrée en vigueur partout, il n'y a pas lieu de s'en étonner ni de s'en inquiéter ; mais l'interdiction du téléphone portable a évidemment vocation à être effective.
La politique de la vie scolaire va de pair avec l'existence d'un futur plan internat. Le président du conseil départemental du Puy-de-Dôme, M. Jean-Yves Gouttebel, et l'inspecteur général de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, M. Marc Foucault, ont remis un rapport, le jour de la rentrée, dans un collège de Laval qui comprend un internat, en présence du Président de la République. Ce rapport nous servira de base pour une nouvelle politique d'internat volontariste en lien avec les départements et les régions. Il retient plusieurs objectifs : la justice sociale, l'élévation du niveau général et la revitalisation rurale. Les internats doivent être vus comme un outil de revitalisation de territoires, souvent ruraux, parfois aussi urbains, mais également comme un outil de politique sociale majeure qui permet de répondre à certains phénomènes de société – les difficultés que des enfants peuvent rencontrer dans leur famille par exemple. Il est donc très important de moderniser l'internat, comme le propose ce rapport. Dès cette rentrée, 2 200 places supplémentaires ont été ouvertes, mais notre objectif est évidemment beaucoup plus ambitieux pour les rentrées suivantes.
Cette rentrée est également marquée par une politique volontariste sur le numérique, sujet cher à votre commission et à son président ; nous sommes évidemment très attentifs à vos avancées et au prochain rapport que nous prendrons en compte. J'ai été amené à m'exprimer sur le sujet avec Bruno Studer lors de l'université d'été du numérique et de l'éducation qui s'est tenue en Ariège, sous le nom de Ludovia. J'ai utilisé deux mots-clés qui sont deux mots structurants pour les politiques que nous avons à mener en la matière : la protection – protection des données, protection des élèves, face à la pornographie par exemple, ou aux mauvais usages d'internet – et l'ambition, parce que le numérique transforme nos sociétés avec des opportunités de formation. Ainsi, la question du codage est essentielle pour l'ensemble de nos élèves. De façon plus générale, il s'agit de sortir d'une vision superficielle du numérique pour adopter une vision approfondie, technique, pertinente et éthique qui doit nous permettre de faire avancer ce sujet, à l'école, au collège et au lycée. L'une des illustrations sera l'émergence d'une discipline intitulée sciences informatiques comme discipline de spécialité au lycée.
Ces enjeux de transformation de notre système vont de pair avec la question de la transmission des valeurs et du respect des principes de la République. Nous arrivons à maturité en ce qui concerne la mise en place de nos équipes « laïcité et fait religieux » dans les différentes académies de France : nous avons dorénavant une capacité d'intervention dans les établissements lorsque des problèmes sont signalés, et il existe une adresse d'appel destinée aux personnels qui rencontreraient des problèmes en la matière. C'est une forme de sérénité puissante de la République qui s'affiche de cette façon-là : plus aucun personnel de l'éducation nationale ne doit se sentir seul face aux phénomènes de violation de la laïcité. Tel est le message qui est envoyé à l'ensemble des personnels : c'est une institution d'un million de personnes et un pays de 65 millions de personnes qui seront derrière vous à chaque fois que surviendra un problème de ce type.
Nous analysons les signalements qui nous sont faits, de façon à trouver les réponses appropriées pour chaque cas. Les visites de terrain, avec les élèves, que j'ai faites dans ce collège de Toulon dont je parlais tout à l'heure, ou récemment près de Rouen, m'incitent à l'optimisme : je constate qu'à chaque fois qu'on leur parle concrètement de laïcité, ils comprennent parfaitement et immédiatement que cette laïcité est pour eux, pour leur permettre non de vivre ensemble, mais de bien vivre ensemble, ce qui n'est pas la même chose. Certains veulent ringardiser la laïcité, la marginaliser, en faire un principe ancien ; nous envoyons, au contraire, un message de vitalité, d'utilité, de pertinence de la laïcité, au service de l'épanouissement de tous nos élèves, quelles que soient leurs convictions religieuses, politiques ou autres.
L'égalité entre les filles et les garçons est aussi au coeur des politiques que nous menons. Un certain nombre d'actions ont été engagées dans ce domaine, sur la question du harcèlement notamment, dont j'ai déjà parlé ; nous y travaillons très activement avec la secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, Mme Marlène Schiappa.
Nous allons renforcer notre soutien aux familles, ce qui passe par un effort financier accru. Les familles de collégiens bénéficieront de l'augmentation de 25 % de l'ensemble des niveaux de bourse, comme cela a été décidé l'année dernière. Les fonds sociaux augmenteront en 2019, avec une dotation qui s'élèvera désormais à 55 millions d'euros. Comme je suis très attaché aux enjeux qualitatifs, j'entends bien que ces fonds sociaux soient utilisés et dépensés à bon escient. Tout cela passe par l'approfondissement du lien avec les familles : c'est le sens de la « mallette des parents » qui se déploie en cette rentrée et dont nous aurons l'occasion de reparler.
Nous menons aussi une politique en faveur du personnel. L'objectif est de renforcer le pouvoir d'achat des professeurs tout au long du quinquennat. En cette rentrée, cela se traduit concrètement par le début de l'accomplissement d'un engagement présidentiel : la revalorisation de la rémunération des personnels en REP +, qui toucheront tous une prime de 1 000 euros nets par an. Nous prévoyons aussi de faire progresser la formation initiale et continue. Nous en parlerons beaucoup dans le cadre du projet de loi qui viendra devant vous au début de l'année 2019. Il s'agit aussi d'améliorer notre gestion des ressources humaines : des expérimentations vont débuter dès cette rentrée, que je suis de très près car elles pourraient être généralisées dans le futur. Elles visent à assurer une gestion des ressources humaines de l'éducation nationale au plus près du terrain, grâce à des spécialistes en ressources humaines qui interviendront non pas depuis les rectorats mais aux côtés des chefs d'établissement, et organiseront des entretiens de carrière. Il s'agit pour l'éducation nationale de se doter d'une gestion des ressources humaines à la fois humaine et moderne.
Les réponses que j'apporterai à vos questions, monsieur le président, renvoient aux enjeux de justice sociale et d'élévation du niveau général que j'ai déjà abordés. L'école maternelle est en effet une très grande priorité – la première des priorités étant les premières années de la vie et donc l'école maternelle, le CP et le CE1. Nous allons améliorer les taux d'encadrement à l'école maternelle tout au long du quinquennat. Ce que nous observons en début de CP nous pousse très fortement à travailler sur ce qui se passe en maternelle : il faut que les connaissances de base soient acquises au moment où l'enfant rentre en CP pour qu'il puisse s'y épanouir et entrer dans cette « école de la confiance » dont nous avons parlé lors des Assises de l'école maternelle.
Oui, le projet de loi que nous soumettrons à votre approbation au début de l'année 2019 fera de la France le pays qui positionne la scolarité obligatoire le plus tôt possible dans la vie, dès l'âge de trois ans. Cette mesure, qui sera très regardée dans le monde entier, s'accompagnera de démarches qualitatives nouvelles, en termes de formation des professeurs mais aussi des acteurs de l'école maternelle comme les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM).
Mayotte nous a beaucoup mobilisés tout au long de l'année passée. Notre attention a atteint son acmé lors de la réunion qui a eu lieu autour du Premier ministre il y a quelques mois avec l'ensemble des élus de Mayotte. Compte tenu des inquiétudes bien compréhensibles qu'on peut avoir concernant ce territoire, il me semble important de souligner l'unité qui s'est faite autour du Premier ministre. Nous avons vu ce jour-là des élus très responsables et satisfaits du volontarisme affiché par le Gouvernement à Mayotte, notamment en matière de santé et d'éducation. De fait, nous mettons des moyens très importants à Mayotte pour renforcer la capacité d'intervention de l'État sur ce territoire. M'étant rendu à Mayotte à la fin du mois d'août – la rentrée, comme à la Réunion, y a lieu un peu avant celle de métropole – j'ai pu y voir les grandes difficultés auxquelles vous faites allusion, mais aussi les grands espoirs que nous pouvons avoir. Ces grandes difficultés, malheureusement connues, sont liées à une explosion démographique très difficile à assumer pour les services publics ; les espoirs sont liés aux aspects matériels, compte tenu des annonces du Premier ministre, mais aussi immatériels, en l'occurrence en la confiance réciproque entre État et élus. C'est donc dans un climat très positif que j'ai fait cette visite de rentrée et annoncé la transformation du vice-rectorat en rectorat de Mayotte au cours des prochains mois – conséquence d'un processus de musculation des instances de l'éducation nationale dans ce département. Mais toute notre action n'aura de sens que si nous arrivons à maîtriser les flux migratoires à Mayotte : il ne sera pas possible de faire de tels efforts de façon répétée au cours des prochaines décennies. Nous sommes donc à un moment historique : les efforts sont faits, l'état d'esprit est là, mais il ne sera pleinement assurable que si nous réussissons, notamment dans notre relation avec les Comores, à garantir l'efficacité des mesures prises.
Enfin, l'éducation prioritaire est naturellement au coeur des enjeux de justice sociale et d'élévation du niveau général. J'ai pris la décision de geler la modification de la carte de l'éducation prioritaire à la rentrée prochaine de façon à mener une réflexion beaucoup plus structurelle sur l'avenir de l'éducation prioritaire pour la rentrée 2020. J'ai demandé à Pierre Mathiot et à l'inspectrice générale Ariane Azéma de travailler à un rapport qui s'intitulera « Inégalités et territoires » de façon à renouveler notre vision de l'éducation prioritaire, à éviter les effets de seuils et à ne plus jamais opposer le rural à l'urbain sur ces questions. Il s'agit de tenir compte des multiples spécificités des territoires pour que notre manière d'envisager l'éducation prioritaire et les moyens considérables qu'y consacre la France soient beaucoup plus efficaces dans le futur. La question à l'origine de cette demande de rapport est de savoir comment les moyens que nous mettons peuvent permettre non pas de compenser les difficultés, mais de stimuler la réussite. La prime accordée en REP+ est le signe annonciateur de cette volonté. Nous pouvons être sereins pour ce qui est de la rentrée 2019 : il n'y aura pas d'ici là d'évolution de la carte de l'éducation prioritaire. Nous devons éviter les psychodrames du passé – être en REP ou ne pas y être – et savoir avancer de la manière la plus consensuelle et la plus concertée possible, en tenant compte des travaux parlementaires achevés ou en cours, mais également des observations de la Cour des comptes, afin de consacrer toujours plus de moyens à l'éducation prioritaire d'une manière qualitativement pertinente. Cette recherche de qualité doit d'ailleurs concerner l'ensemble du système scolaire.