Monsieur Berta, la question de la phobie scolaire peut rejoindre celle des élèves intellectuellement précoces qui ont parfois des difficultés à trouver une bonne personnalisation de leur parcours dans nos établissements. La difficulté à assurer cette personnalisation a entraîné le développement d'une offre de formation privée hors contrat – parfois tout à fait remarquable mais parfois dangereuse. D'ailleurs, la loi dite Gatel que vous avez votée nous donne des outils pour lutter contre des phénomènes redoutables. Mais certaines expériences doivent être saluées et peuvent nous servir de modèle : il ne faut en aucun cas les entraver car elles ont le mérite d'apporter des solutions là où il n'y en a pas. Surtout, elles doivent nous inspirer dans le service public.
Ce type d'expériences se rencontre parfois dans certains collèges publics qui, dans le cadre de réseaux, développent aujourd'hui des formules pour les élèves identifiés comme intellectuellement précoces ou signalés par les psychologues comme souffrant de phobie scolaire. Ces expériences restent cependant assez marginales et nous devons avancer sur cette question. Je considère le traitement de ces enjeux comme le signe de notre capacité de modernisation. Comme dans le cas de l'accueil des élèves en situation de handicap, il est révélateur de notre capacité à personnaliser les parcours et à tenir compte de chaque enfant. Nous encouragerons donc les expérimentations et projets menés dans le cadre du secteur public en la matière, quitte à nous inspirer d'expérimentations menées dans le secteur privé. Nous devons veiller à ce que nos établissements et écoles publics soient capables de mener de tels projets d'une manière pédagogiquement valable, faute de quoi on ouvrira la voie à toutes sortes d'initiatives – les meilleures comme les pires.
Monsieur le député Reiss, le mot « évaluation » est un mot-valise qui englobe beaucoup de choses : l'évaluation des élèves notamment, alors que vous avez plutôt fait référence à l'évaluation des établissements. Les deux sujets sont évidemment liés, mais pas confondus, et nous devons avancer sur ces questions avec beaucoup de discernement. Il est certain que nous nous dirigeons vers une évaluation de plus haute qualité, même si nous ne partons pas de rien. Je ne reviens pas sur ce que j'ai dit tout à l'heure concernant l'évaluation des élèves.
S'agissant des établissements, le projet de loi que nous vous proposerons en 2019 prévoira une évaluation nationale, conformément aux engagements du Président de la République qui avait parlé d'une instance d'évaluation de l'éducation nationale. Cela nous conduira sans doute à faire évoluer le CNESCO pour faire reposer l'évaluation davantage sur des indicateurs élaborés à partir des travaux de la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) ou de l'Inspection générale de l'éducation nationale, mais en franchissant un niveau supplémentaire de technicité et en améliorant notre capacité d'évaluation qualitative. Ces indicateurs, dont nous aurons l'occasion de discuter, doivent nous permettre à la fois d'être beaucoup plus précis dans la détermination du niveau des élèves, d'améliorer notre capacité à élever ce niveau au travers du parcours de l'élève, mais aussi de prendre en compte les enjeux de climat scolaire – la lutte contre le harcèlement ou la phobie scolaire par exemple – qui exigent des méthodes d'évaluation particulières. Il s'agit également de fixer des objectifs aux établissements en mettant en avant les éléments susceptibles de restaurer leur attractivité vis-à-vis des parents. C'est seulement à cette condition que nous rétablirons la mixité sociale dans nos établissements, en développant l'offre de formation mais aussi en améliorant le climat scolaire, ce qui suppose de renforcer la sécurité mais aussi la personnalisation des parcours et l'attention portée aux élèves. De très bonnes expériences existent en la matière ; c'est sur elles qu'il faut s'appuyer. Les critères d'évaluation retenus, au-delà des aspects pédagogiques stricto sensu, devront donc offrir une vision large et complète de l'école de la confiance.
Cela va de pair, il est vrai, avec une autonomie accrue des établissements, mais je ferai à cet égard une grande différence entre le collège et le lycée. Vous avez aussi évoqué la question de la direction des établissements : ce sont des sujets sur lesquels nous aurons l'occasion d'échanger. Le collège relève de plus en plus de ce que l'on appelle « l'école du socle » au sens où nous devons donner à tous les enfants de France le socle des savoirs fondamentaux et des assises solides pour le reste de la vie. Le lycée vise quant à lui à l'affirmation d'une capacité d'autonomie de l'élève – notamment dans ses choix de spécialités. Il y a donc une correspondance entre l'autonomie du lycéen et celle du lycée, nécessairement plus forte que celle du collège. Par ailleurs, le collège doit être capable de s'articuler davantage avec l'école primaire. À la lumière du rapport très intéressant de Mmes les députées Rilhac et Bazin-Malgras, nous allons effectivement donner plus de robustesse à la direction d'école dans les temps à venir. Nous avons encore du travail à faire pour trouver les meilleures formules, mais cela pourra aussi passer par un lien accentué avec le collège.
Mme Calvez m'a interrogé sur l'impact pédagogique du dédoublement des classes et sur la capacité à travailler davantage en petits groupes dans ces classes. Pour avoir, comme vous, visité un nombre considérable de ces classes, je puis dire qu'à chaque fois, sans exception, la classe à douze a entraîné des pratiques pédagogiques nouvelles. Très souvent, la classe est divisée en trois groupes de quatre enfants pouvant travailler en ateliers, la maîtresse ou le maître accordant une attention extrêmement forte à l'un des groupes tandis que les deux autres groupes bénéficient d'une autonomie accentuée. Les résultats de ce dispositif sont très intéressants. Je suis très optimiste et très confiant en la capacité de transformation pédagogique que le dédoublement permet d'opérer. Celui-ci devrait permettre à la fois une plus grande rigueur dans l'ancrage des savoirs fondamentaux – d'où cette série de points par lesquels les enfants doivent passer et dont les professeurs doivent s'assurer. Chaque enfant doit avancer à son rythme ; c'est ce que permet la classe à douze car elle va de pair avec une forme d'épanouissement pédagogique. J'ai vu tout récemment dans une classe une méthode d'apprentissage des mathématiques correspondant tout à fait aux propositions du rapport Torossian-Villani, extrêmement enthousiasmante pour les élèves et rendue possible grâce au format à douze élèves. Je suis très confiant aussi dans le fait que la formation continue aura un impact sur la pratique des professeurs et que le dédoublement des classes aura un effet de halo sur le reste du système : les classes à douze ne seront donc pas les seules où les méthodes pédagogiques auront été modifiées par le dédoublement, même si cela leur confère évidemment un avantage supplémentaire.
Mme la députée Pau-Langevin m'a interrogé sur l'accompagnement des élèves handicapés et sur les évolutions réglementaires auxquelles nous avons procédé. Des moyens supplémentaires ont été mobilisés en cette rentrée pour l'accueil des élèves handicapés. C'est pourquoi la cellule que j'ai évoquée en répondant tout à l'heure à une question au Gouvernement posée par M. Ruffin, a reçu 25 % d'appels en moins. C'est un indicateur de notre capacité à résoudre progressivement les problèmes. De fait, 6 000 AESH supplémentaires seront financés en cette année scolaire. Nous avons déjà commencé à en recruter plus de 1 500 et 4 500 autres seront recrutés en 2019. Il y a donc un vrai plan de « CDIsation » des AESH employés en contrat à durée déterminée : pour la première fois depuis dix ans, le nombre d'accompagnants ayant le statut d'AESH aura dépassé le nombre d'emplois aidés – 43 041 équivalents temps plein en AESH contre 29 000 contrats aidés. Cette tendance s'accentuera encore à la rentrée prochaine dans des proportions qui vont se préciser.
Parallèlement, 253 nouvelles unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS) ont été créées à cette rentrée scolaire, ce qui est considérable. Nous en avons d'ailleurs visité une avec le Président de la République au collège de Laval où nous étions pour la rentrée. Trente-huit unités ont été créées en lycée et le nombre total d'ULIS en France atteint le record de 8 814. Nous allons continuer à en créer à la rentrée 2019.
Madame Pau-Langevin, n'hésitez pas à me poser une question écrite sur le problème spécifique que vous avez évoqué ; mais à mes yeux, l'évolution juridique de juillet vise bel et bien, contrairement à ce que vous dites, à faciliter l'entrée dans les fonctions d'AESH de personnes qui travaillaient jusqu'alors dans le cadre d'un contrat aidé. En abaissant le niveau d'expérience exigé pour ce recrutement, nous avons permis l'entrée dans le dispositif de personnes qui avaient déjà fait leurs preuves au travers de contrats aidés effectués précédemment.
Toutes les questions de Mme Descamps renvoient à l'enjeu de nos relations avec les collectivités locales. J'ai plaisir à dire que, vues de ma fenêtre, nos relations avec ces collectivités ne sont pas bonnes, mais bien excellentes. Il arrive que des gens accusent le Gouvernement de ne pas être assez social : je soutiens, et j'ai de nombreux exemples pour l'illustrer, qu'il l'est très fortement, et même plus que jamais. Il arrive aussi qu'on dise que nous avons de mauvaises relations avec les collectivités territoriales : j'ai aussi beaucoup d'illustrations montrant que nous travaillons en lien très étroit avec elles – sur les questions que vous avez évoquées comme sur d'autres.
J'en prendrai trois exemples : avec les communes, tout d'abord, dans le cadre du Plan mercredi ; avec les départements, ensuite, nous sommes en osmose pour aller de l'avant puisque c'est un président de conseil départemental n'appartenant pas à la majorité qui a rédigé le rapport sur le plan internat ; avec les régions, enfin, puisque nous sommes en phase avec elles pour assurer la réforme de la formation professionnelle et celle des lycées. Cela s'est encore illustré ce matin dans le Grand-Est, et même s'il a été dit qu'il y avait eu de l'électricité dans l'air lors la réunion de l'association Régions de France à Marseille, je peux vous assurer que le courant passe très bien entre nous… On se plaît parfois à créer un climat un peu artificiel alors qu'il se passe au contraire beaucoup de choses positives. Je sais que ce n'est pas ce que vous avez dit, madame Descamps, mais je profite de l'occasion pour le remarquer.
Pour ce qui des besoins d'espace lié au dédoublement des classes de CP et de CE1, les collectivités se sont beaucoup mobilisées pour en trouver. Je rends d'ailleurs régulièrement hommage aux maires qui ont réussi dans 85 ou à 90 % des cas à créer ces classes nouvelles. Cela a eu des effets indirects très positifs sur le bâti scolaire et a permis de faire évoluer la conception des classes. On me dit que cela posera de nouvelles difficultés à la rentrée prochaine : je le crois mais je sais qu'on va y arriver – notamment parce que l'État soutient les communes et que les préfets et les recteurs se sont mobilisés pour aider ces dernières à faire les investissements nécessaires.
Nous sommes au début du Plan mercredi. Il y a donc encore certainement des calages à faire mais je rappelle qu'il représente quand même un quasi-doublement de l'aide par élève et par heure : on passe de 55 centimes à un euro d'aide via les CAF. La situation est encore hétérogène sur le terrain. Il peut encore y avoir des difficultés mais le mouvement est enclenché, fruit d'un lien très fort entre l'éducation nationale et les communes. En tant que ministre de la jeunesse et de la vie associative, je suis extrêmement attentif aux enjeux périscolaires et extrascolaires. Nous devons, au cours des prochains mois, favoriser un rebond des activités du mercredi, du week-end et des vacances. Nous pouvons, via le périscolaire, relever de nombreux défis éducatifs et sociaux de grande ampleur en modernisant nos approches. On ne retrouvera jamais les colonies de vacances des années 1960 à l'identique, n'en déplaise à Pierre Perret, mais on peut inventer la colonie de vacances du XXIe siècle, attractive et socialement mixte, et toute une série d'activités périscolaires répondant au même objectif.
Vous avez raison de souligner que le plan de l'éducation artistique et culturelle que nous avons présenté tout récemment avec la ministre de la culture, Mme Françoise Nyssen implique les collectivités autant qu'elles le souhaitent. Quoi qu'il en soit, nous avons déjà mis en commun les moyens de nos ministères – qui sont importants et que nous avons détaillés à cette occasion – afin de dessiner, domaine par domaine, une ambition culturelle pour l'école, qui comporte bien sûr une dimension sociale, et qui suppose la mobilisation des institutions. Or celles-ci relèvent tantôt de l'éducation nationale, tantôt de la culture, tantôt des collectivités locales – c'est le cas des musées. Nous entendons jouer le jeu d'une coopération pleine et entière avec les collectivités, pour que l'éducation artistique et culturelle soit omniprésente dans notre système éducatif.
Monsieur Larive, comme l'a indiqué le président Studer, nous parlerons budget au mois de novembre, et ce sera l'occasion de développer les sujets que vous avez évoqués.
La population augmente, avez-vous dit. Pourtant, la démographie du premier degré est en baisse ; mais cela ne nous empêche pas d'y créer des postes, et nous continuerons de le faire à la rentrée prochaine. Nous assumons ainsi pleinement une politique qui consiste à favoriser les classes primaires et à en améliorer le taux d'encadrement, parce que c'est le point de départ de tous les élèves. Et cette politique est très directement favorable au second degré : si demain les élèves arrivent en sixième avec des savoirs fondamentaux consolidés, le fait qu'ils soient vingt-trois ou vingt-quatre par classe sera certes un problème à discuter, mais secondaire au regard de l'amélioration qualitative.
Le budget n'est pas en baisse, mais bien en hausse de 850 millions d'euros : ce n'est pas une petite somme… C'est la plus grande hausse des crédits de l'État en euros, et une augmentation conséquente en pourcentage dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques, que nous assumons pleinement. Il a fallu faire des choix, et le nôtre consiste à accorder la priorité au premier degré. Cet argent supplémentaire servira à améliorer le pouvoir d'achat des professeurs pour renforcer l'attractivité du métier. Les enjeux sont donc plus quantitatifs que qualitatifs.
Je ne vois pas ce qui vous permet de dire que nous poussons une philosophie consistant à faire dévier le secteur public vers le secteur marchand. Il n'a jamais été question de cela. Je suis profondément républicain, comme vous tous, et profondément attaché au service public de l'éducation nationale. Reprenez les propos liminaires que j'ai tenus sur la rentrée : je n'ai aucun projet de marchandisation de l'éducation. Cela fait partie des slogans tout faits, qui glissent sur moi comme l'eau sur la plume du canard : vous ne trouverez dans mon discours aucun angle d'attaque sur cette question. Nous visons un service public de l'éducation nationale, robuste, de qualité, une école qui élève tout le monde, à la hauteur de ce que l'on doit à la République.
Madame Faucillon, j'entends bien vos propos ; ils vont dans le sens de ce que je vous ai dit sur l'éducation prioritaire. Il faut avoir une approche très subtile et très fine des enjeux. La sortie de l'éducation prioritaire n'a pas eu lieu sous ma responsabilité. L'exemple que vous donnez, que je ne connais pas, est typique de ce que peuvent produire les effets de cliquet – être en REP ou ne pas y être. Et les effets négatifs que vous mettez en avant sont tout à fait crédibles. C'est ce qui inspire la réforme que nous avons devant nous : une politique plus subtile, au-delà du noir et blanc, qui permette des approches plus graduelles et une vision pluriannuelle, de façon à fixer des objectifs de progrès aux établissements.
Ce n'est pas un enjeu pour cette rentrée : une telle question exige une approche très sereine. Plutôt qu'une vision à court terme, centrée uniquement sur la carte, avec des gagnants et perdants, nous avons besoin d'une perspective de moyen terme, d'ici à la rentrée 2020, pour mieux prendre en compte les phénomènes que vous nous avez rapportés.