Intervention de Jean-Michel Blanquer

Réunion du mardi 2 octobre 2018 à 16h40
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale :

Vous me pardonnerez de ne pas toujours vous répondre de façon aussi approfondie, comme vous le souhaiteriez.

Monsieur Le Bohec, nous ne sommes qu'au tout début du plan mercredi : tout n'est pas parfait, il nous faudra bien un an pour le mettre totalement en oeuvre. Il est exact que nous visons d'abord les communes qui en ont le plus besoin : les communes rurales, les communes urbaines défavorisées et celles qui, dans les temps passés, n'ont pas pu développer des activités périscolaires de qualité. C'est donc avec discernement que nous devons prioriser les moyens.

C'est une mesure nouvelle qui est mise en oeuvre par les CAF, dont les moyens sont mobilisés. Nous en sommes encore à ajuster les critères. J'ai été saisi par l'Association des maires de France des problèmes qui peuvent se poser sur le terrain.

Je suis malgré tout assez optimiste, en raison de l'élan et du dynamisme déployé localement pour assurer la qualité du périscolaire. Les CAF sont précisément en train de cibler les communes les plus en difficulté. Cela étant, il convient sans doute de préciser les règles du jeu, département par département. En effet, j'ai pu observer que les CAF ne les appliquaient pas partout exactement de la même manière. Je dois en parler avec la ministre des solidarités et de la santé, Mme Agnès Buzyn, de façon à rassurer les communes sur ce sujet.

J'ajoute que le plan mercredi concerne surtout les élèves des écoles primaires. Mais nous devrons, comme cela a été suggéré dans plusieurs questions, faire en sorte que l'offre culturelle aille au-delà. Cela fait partie des éléments de progrès de cette année.

Monsieur Minot, je suis très mobilisé sur le sujet de la lutte contre l'homophobie, qui rejoint celui de la lutte contre le harcèlement. Vous avez eu raison de souligner l'importance de la journée du 8 novembre, qui n'est pas un feu d'artifice : le but n'est pas de se préoccuper du harcèlement un jour sur trois cent soixante-cinq… Pour preuve, je me suis rendu plusieurs fois sur le terrain pour aborder cette question ; je le fais même systématiquement. Dans ce domaine, contrairement à d'autres, la communication a une énorme importance : il faut frapper les esprits. Emmanuel Macron a d'ailleurs décidé de s'impliquer directement dans la lutte contre le harcèlement à l'école ; et évidemment, l'effet vis-à-vis des élèves est très important. La campagne du 8 novembre que nous préparons aura des effets tout au long de l'année. Nous prendrons des mesures qui iront au-delà de cette campagne.

Tout cela nous renvoie à l'ensemble des enjeux dont nous parlons : si les élèves maîtrisent les savoirs fondamentaux, ont une culture générale développée et se trouvent dans un climat scolaire convenable, les phénomènes de harcèlement et d'homophobie régresseront à due proportion de l'amélioration de l'intelligence collective. Certes, ce n'est pas une réponse suffisante mais il n'en reste pas moins qu'il ne faut pas raisonner « en silo » : tous les facteurs interagissent les uns avec les autres. C'est d'ailleurs en ce sens que la question de la lutte contre le harcèlement rejoint celle du climat scolaire et celle, plus générale encore, de la transmission des valeurs de la République. La lutte contre l'homophobie est à englober dans cet enjeu majeur.

Effectivement, la formation des enseignants, initiale et continue, doit évoluer en la matière. Ceux-ci doivent pouvoir repérer les premières manifestations de harcèlement. Parfois, de petits phénomènes renvoient à des phénomènes plus graves. C'est tout l'enjeu des sensibilisations pédagogiques.

Restent les éventuelles sanctions. Je me suis beaucoup exprimé sur les sanctions intelligentes ; en particulier, celles qui sont appliquées aux élèves doivent avoir une valeur éducative. Et bien entendu, toute attitude relevant de l'homophobie peut aboutir à des sanctions sur le plan disciplinaire, y compris pour les personnels. Cela va de soi.

Madame Petit, vous m'avez rappelé l'épisode du cartable de 12 kg… Je ne prétends pas qu'il y ait eu, en un an, des améliorations en ce domaine. En revanche, des tendances se dessinent : l'évolution même de notre conception du manuel fait partie des remèdes proposés. J'étais ce matin dans la région Grand-Est, qui fait preuve d'un certain avant-gardisme en la matière. Il ne s'agit pas de tout numériser, mais d'articuler papier et numérique. Nous allons revoir l'équipement en manuels pour l'école primaire, le collègue et le lycée : je prône des manuels plus minces, plus clairs, plus progressifs, avec moins de fioritures et moins chers. Cela aura plusieurs vertus, dont celle de limiter leurs poids. C'est un très lourd chantier, si j'ose dire, dont malheureusement les effets ne seront pas immédiats, je le reconnais. Mais la direction est prise.

Les collectivités territoriales peuvent également décider d'installer des casiers. C'est une mesure utile, qui peut aussi avoir aussi un impact sur l'utilisation du téléphone portable. Il y a donc beaucoup à dire sur ce sujet, même s'il relève davantage du futur que du présent.

Sur la Semaine olympique et paralympique, une très forte dynamique a été enclenchée. J'adhère évidemment à tout ce que vous avez dit sur le sujet. 507 projets, ce n'est pas rien. Nous avons maintenant un délégué, l'ancien recteur de Rennes, qui se déplace sur tout le territoire pour procéder à une action de sensibilisation, et une nouvelle directrice de l'Union nationale du sport scolaire (UNSS) qui est totalement mobilisée. C'est le premier sujet dont nous avons parlé avec la nouvelle ministre des sports. Peut-être avez-vous connaissance de la campagne de sensibilisation que nous avons menée ensemble ? Je vous renvoie à tous les documents que nous venons de sortir sur ces questions, et qui vont dans le sens du volontarisme que vous avez affiché.

Monsieur Bournazel, vous avez abordé la question des classes dédoublées, en particulier à Paris. Nous aurons en novembre-décembre des éléments scientifiques pour faire le bilan de ce dédoublement. Des évaluations ont en effet été réalisées – notamment, récemment, en début de CP et de CE1. J'aurai donc des réponses plus assurées à vous donner en fin d'année civile. En attendant, il y a ce que vous avez vu sur le terrain. Une enquête du principal syndicat du premier degré, qui n'est pas toujours dans un registre laudatif vis-à-vis des politiques publiques, a souligné des retours positifs. Autrement dit, les constats convergent mais il est trop tôt pour être plus précis. En tout cas, à la fin de l'année civile, j'ai rendez-vous avec vous et avec les acteurs de l'école pour faire un premier compte rendu de ce dispositif, même si c'est évidemment sur la durée que ses pleins effets se feront sentir. À certains endroits, des expérimentations pédagogiques se sont révélées très favorables, parfois extrêmement positives. Mais je reste prudent.

Vous avez fait état de la baisse démographique à Paris, qui place effectivement la capitale au niveau d'une commune rurale en termes de démographie scolaire pour le premier degré – situation assez étonnante. Je n'aurai malheureusement pas le temps de développer ce sujet, qui renvoie à des facteurs très extrascolaires : la difficulté pour un jeune couple de vivre en famille à Paris notamment, mais également la nécessaire modernisation des écoles parisiennes.

Monsieur Juanico, je vous remercie de votre intervention et de votre rapport, que je n'ai pas encore lu, mais dont je connais les grands principes. Il était très important de mener un tel travail sur une question aussi essentielle.

S'agissant de la fusion des deux inspections générales, nous en prenons le chemin ; c'est une réforme très importante qui n'est pas spectaculaire, mais qui est extrêmement matricielle pour le système. Le processus est enclenché, ce qui répond favorablement à votre proposition : en 2019, l'inspection générale de l'éducation (IGEN) et l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR) fusionneront. Cela donnera une inspection de 290 membres. C'est considérable, surtout si on y ajoute encore l'inspection générale de la jeunesse et des sports (IGJS) sujet abordé avec la précédente ministre des sports et avec l'actuelle. Le but est de disposer d'une inspection tout à la fois plus puissante, plus diverse, dont le rôle sera renouvelé dans le sens que vous avez indiqué : un rôle de soutien aux établissements, avec des effets matriciels sur l'ensemble du système, notamment sur les corps d'inspection régionaux qui seront ainsi positionnés de manière à aider les établissements dans leur évaluation, dans leur autoévaluation aussi, et dans les contrats d'avenir qu'ils se donnent – autrement dit dans leur projet d'établissement. L'idée est qu'ils se sentent accompagnés plus que jugés par l'institution. C'est tout à fait le sens dans lequel nous allons aller, qui rejoint plusieurs points abordés aujourd'hui.

Le CNESCO va également évoluer. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, nous allons vers une instance d'évaluation, sans rien perdre de ce que le CNESCO a amorcé de positif, quitte à engager des évolutions institutionnelles qui permettent de poursuivre cette action dans un cadre différent. Le travail est amorcé, et nous en parlerons certainement beaucoup dans le cadre du futur projet de loi.

Madame Lang, vous avez posé la question de la mixité sociale, en donnant l'exemple de Paris. Oui, le premier élément de stratégie est le développement de l'attractivité, mais parfois cela ne suffit pas – je le place tout de même en premier, c'est en créant du désir que l'on est le plus efficace. Voilà pourquoi il faudra davantage mettre en avant les efforts accomplis, pour que les familles en aient connaissance : c'est une affaire de présentation, qui a toute son importance.

On peut également mener des politiques volontaristes concernant la carte scolaire ; j'ai suivi avec attention ce qui a été fait en la matière, à Paris ou ailleurs. Les premiers résultats sont mitigés. Il faut prendre le temps d'analyser très pertinemment les échecs et les succès, de façon à s'inspirer des succès. Ce sont des sujets très subtils, où toute action inconsidérée risque de devenir contre-productive : la mixité forcée peut conduire, on l'a vu, à des phénomènes de fuite vers l'enseignement privé. Tout cela est une affaire d'alchimie, qui doit pouvoir s'inspirer des expérimentations réussies. Je vous confirme que j'y suis totalement ouvert.

S'agissant des classes multiniveaux en milieu rural, madame Meunier, je l'ai affirmé souvent et j'espère créer un consensus sur cette question : il faut porter une attention de même ampleur aux territoires ruraux qu'aux territoires urbains, mais avec un oeil différent, dans la mesure où les situations ne sont pas comparables. Le taux d'encadrement, par exemple, n'est pas un problème : j'ai souvent rappelé que le nombre d'élèves par classe était de quatorze en Lozère, seize dans le Cantal et quinze en Vendée – et pas uniquement en CP-CE1, mais de la petite section au CM2. Cela crée en réalité des conditions favorables à l'école primaire rurale, dont il faut faire la publicité, car elle réussit mieux que l'école primaire dans le reste de la France. Mais nous devons la rendre attractive, et lutter contre le phénomène de baisse démographique par une stratégie générale qui inclut l'éducation, mais qui la dépasse. J'espère que des mesures seront proposées dans le rapport en faveur de l'attractivité pédagogique de l'école rurale.

De ce point de vue, les classes multiniveaux ne sont pas mauvaises en soi ; elles sont même un atout si elles sont bien gérées. Maria Montessori préconisait de mélanger les petites, moyennes et grandes sections en maternelle afin de jouer des effets de compagnonnage, les uns tirant les autres vers le haut. La classe multiniveaux en milieu rural, bien faite, tire tout le monde vers le haut car elle permet une personnalisation parfaite pour chaque élève. Il ne faut donc pas voir la classe multiniveaux comme un problème, mais bien comme un défi pour que la qualité pédagogique soit au rendez-vous. C'est un savoir-faire ancestral des maîtres en milieu rural qu'il ne faut pas perdre, mais bien renouveler et intensifier, ce qui signifie des plans de formation continue volontaristes en milieu rural, au sein d'une stratégie d'ensemble.

Madame Bannier, je vous remercie de vos propos sur les langues anciennes. La question des classes sans enseignant est évidemment un des problèmes structurels les plus importants de l'éducation nationale, et je ne saurai y répondre en quelques secondes. L'évolution de la politique de ressources humaines et l'agenda social commencé au mois de mai dernier ont notamment pour objectif d'améliorer considérablement le remplacement. Il n'est pas acceptable que notre système consacre autant de moyens au remplacement avec des résultats aussi faibles. Je ferai des propositions sur le sujet, mais si le problème était simple, nous le saurions ; je ne prétends pas arriver avec une baguette magique. Quoi qu'il en soit, nous n'allons pas rester inertes et je vous soumettrai un plan sur le sujet au cours de l'année scolaire.

Monsieur Bois, la « rentrée en musique » a été une belle réussite. Nous n'avons pas encore atteint 100 % des écoles, collèges et lycées, mais nous y tendons, et je pense que le phénomène va s'étendre totalement à la rentrée prochaine, car tous ceux qui le font et qui le vivent s'en réjouissent considérablement, et cela participe de ce bon climat de rentrée.

Le plan « chorale » est en train de se dérouler : je rappelle qu'il s'agit de consacrer deux heures par semaine dans chaque collège de France à la réalisation d'une chorale. Il va de pair avec des enjeux de formation continue et de ressources pédagogiques. J'étais à Radio France il y a huit jours, et grâce à une alliance entre Arte, Radio France et l'Éducation nationale, une application appelée Vox est à la disposition des chefs de choeur de toute la France pour accompagner du mieux possible le déploiement de ces chorales.

Il existe également un plan pour le primaire qui doit amener à doubler, voire éventuellement tripler le nombre d'élèves concernés par les chorales à l'école primaire au cours des deux prochaines années. Le volontarisme est très grand sur cette question, et les premiers retours sont très bons.

Madame Dumas, je pense avoir déjà répondu à vos questions.

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