Intervention de Laurent Saint-Martin

Réunion du mercredi 15 mai 2019 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Saint-Martin, co-rapporteur de la mission d'information :

Les soucis rencontrés par les « Américains accidentels » sont parfois qualifiés de kafkaïens. Sur notre territoire, ils sont d'abord d'ordre bancaire. Dans le cadre de l'application du mécanisme de FATCA, les banques sont devenues de véritables collecteurs supplétifs pour l'Internal Revenue Service (IRS), c'est-à-dire le fisc américain, et la DGFiP, qui compile les informations que lui transmettent les banques pour les communiquer à l'IRS, est devenue une sorte d'agence de recouvrement de fait pour les États-Unis.

Les banques sont simplement tenues par les textes de rapporter lesquels de leurs clients montrent des « indices d'américanité », et il appartient au Trésor de vérifier le respect de leurs obligations au titre de la CBT. Les interlocuteurs que nous avons rencontrés à Washington reconnaissent spontanément que les établissements français font preuve d'une volonté de conformité exagérée (qu'ils appellent « over-compliance ») par rapport à d'autres pays. Nous avons également remarqué dans nos travaux que la France est particulièrement en pointe au regard de l'excès de zèle bancaire.

Le fait que le problème semble présenter une moindre acuité dans d'autres pays a constitué pour nous une véritable surprise, qui peut s'expliquer par plusieurs facteurs. Les banques françaises ont été traumatisées par l'affaire BNP Paribas, conséquence de l'extraterritorialité du droit américain, qui a donné lieu à une amende de 9 milliards de dollars. De plus, la structuration des banques autour de grands pôles les expose davantage aux sanctions américaines.

Indépendamment des complexités administratives, trois types de « tracasseries » sont observées. Certaines banques refusent purement et simplement les clients américains, ou ayant un indice d'américanité, en avançant un motif prudentiel simple : éviter toute éventualité d'être en porte-à-faux avec les normes américaines. Les banques en ligne ont ainsi pris des mesures radicales, puisque le simple fait de cocher « États-Unis » dans la rubrique « pays de naissance » bloque le processus d'inscription. Au cours des auditions que nous avons menées, plusieurs banques, telles que Boursorama, du groupe Société générale, ont assumé cette position.

Les « Américains accidentels » se heurtent en pratique à divers cas de restrictions et d'obstacles dans l'accès à un certain nombre de services bancaires et financiers, ainsi que dans l'usage et la gestion de produits. Quand elles ne procèdent pas à la fermeture des comptes et à la liquidation des actifs au gré de leur politique prudentielle – qui peut varier entre les établissements –, elles opposent parfois une « résistance passive ». Cette résistance peut prendre des formes très diverses, allant de délais excessifs dans le renouvellement des moyens de paiement à des difficultés opposées dans la renégociation d'un prêt, le règlement de successions ou la vente de titres en bourse.

Dans le cadre de nos travaux, nous avons également pu mesurer l'impact pour l'entourage, au sens très large, de l'identification d'un indice d'américanité chez un conjoint, un parent ou un associé. Notre rapport fait part d'un certain nombre d'exemples touchant à l'usage d'un compte joint, à une procuration sur un compte ou à la gestion d'une société civile immobilière. Mais il montre également les entraves engendrées par la surinterprétation des accords FATCA dans le cadre de la vie associative et des entreprises.

Il ressort ainsi de plusieurs témoignages qu'en dehors de l'accès aux services financiers, la contrainte que représente transposition de la législation américaine a pu pousser des « Américains accidentels » à mettre un frein à leurs activités ou à revoir leur position dans les organes dirigeants des entreprises. Une telle contrainte paraît d'autant plus difficilement supportable qu'elle peut menacer le dynamisme et la pérennité des entreprises, notamment en raison des risques financiers liés à toute démarche de régularisation de la situation auprès de l'IRS.

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