Éric Woerth et Charles de Courson ont évoqué la non-ratification par le Congrès américain de l'accord intergouvernemental. Dans les comptes rendus des séances de la commission des finances voici cinq ans, le rapporteur pour avis reconnaissait que, dans la mesure où le Congrès était composé d'une majorité opposée au président Barack Obama, en seconde partie de mandat, il n'y avait aucune chance qu'il ratifie l'IGA. Nous avons donc voté un texte pour fournir au fisc américain, par le truchement des banques puis par celui de la DGFiP, l'ensemble des données bancaires et patrimoniales de toute personne ayant un indice d'américanité, en sachant pertinemment que la réciproque ne serait pas avérée. Cela ne signifie pas qu'elle ne sera pas obtenue un jour. Force en tous cas est de constater qu'aujourd'hui, cette condition n'est pas remplie de manière satisfaisante.
Sur la question de Fabrice Brun, visant à prévenir de futurs IGA ou de futures applications de lois à caractère extraterritorial, il convient peut-être de s'assurer, avant de voter, que la réciprocité puisse être appliquée. Nous constatons en effet dans les échanges à la commission des finances et en séance publique une reconnaissance assez assumée que la réciprocité ne pouvait pas être effective au moment du vote. Nous constatons qu'elle n'a pas été réalisée ultérieurement.
Nous sommes peut-être allés trop vite sur la loi FATCA, dont la finalité est en soi louable et positive, puisqu'il s'agit de la lutte contre l'évasion et la fraude fiscales. Il est donc normal que la France ait vu un intérêt à une réciprocité des échanges de données pour ses propres ressortissants. L'accord n'a toutefois pas rapporté davantage de cas de fraudes et d'exil fiscal au fisc français, contrairement aux Américains, avec des dommages collatéraux extrêmement dommageables pour les « Américains accidentels ».
Concernant votre proposition, monsieur le président, d'adresser un courrier à Bercy, Marc Le Fur sera sans doute d'accord avec moi pour l'approuver. Ce courrier pourrait être également adressé au ministère de l'Europe et des affaires étrangères, dont une délégation se rend à Washington. Il convient donc de la saisir, de l'informer de notre rapport et de l'inviter à poursuivre ses travaux au vu de nos recommandations.
Joël Giraud a posé une question intéressante sur l'OCDE et le bilan de FATCA dix ans après. On peut comprendre pourquoi les États-Unis ne se sont pas intégrés dans le processus de l'OCDE, sachant que leur loi n'aurait pas de caractère extraterritorial s'ils l'appliquaient de façon multilatérale. Nous sommes arrivés à Washington au moment où la « taxe GAFA » commençait à être discutée en France. L'ensemble des parlementaires et des fonctionnaires que nous avons rencontrés ont évoqué cette taxe, en faisant le constat simple suivant : « l'unilatéralisme, c'est nous et le multilatéralisme c'est vous ». L'idée qu'une loi puisse être votée en France de façon unilatérale sur la taxation du chiffre d'affaires des géants du numérique leur paraissait totalement irresponsable. C'est donc une question de rapport de force, comme l'indiquait justement Éric Coquerel. Charles de Courson a peut-être raison de qualifier la dénonciation de l'IGA de démesurée ou disproportionnée, mais si nous l'excluons, il n'y aucun rapport de force. Elle doit donc constituer pour nous une solution en dernier recours. Ce que nous pouvons réaliser, notamment au niveau européen, doit permettre au fisc français de bénéficier de l'échange d'informations, inexistante jusqu'ici.
Concernant le nombre d'« Américains accidentels », le chiffre est difficile à établir car nous ne disposons pas de fichier sur les binationaux. Le registre à Nantes pourrait fournir le nombre de Français nés aux États-Unis, mais ils ne sont pas tous binationaux. Il y a également les Américains par filiation. Les « Américains accidentels » constituent un sous—ensemble des binationaux et tous ne se considèrent pas comme tels. Un grand nombre de binationaux franco-américains assument parfaitement leur double nationalité et acceptent la fiscalité extraterritoriale américaine. Notre rapport se focalise sur des personnes qui considèrent ne rien devoir à la société américaine, pour reprendre leurs termes, puisqu'elles y ont parfois vécu à peine une dizaine de jours. Par ailleurs, elles ne parlent pas anglais et elles ont découvert à la suite de la loi FATCA qu'elles devaient un montant parfois faramineux au fisc américain, uniquement parce qu'elles sont nées là-bas il y a plusieurs dizaines d'années pour certaines. Nous avons recueilli des témoignages de sexagénaires et de septuagénaires qui considèrent avoir une « ardoise terrible » rien qu'avec avec la CSG et la CRDS, et qui viennent de découvrir ce processus engagé par le fisc américain. Nous ne pouvons laisser ces personnes-là dans une telle situation dramatique, sans même évoquer le sujet des banques.
Comment faire la différence entre une vraie pratique discriminatoire liée à la nationalité et une pratique commerciale souveraine à tout établissement bancaire ? C'est, il est vrai, très compliqué : une banque peut refuser un crédit immobilier à quelqu'un pour des raisons de solvabilité, ou d'autres raisons qui lui sont propres et sur lesquelles il n'est rien à dire. Il est donc difficile d'établir des preuves de discrimination directement liées à l'indice d'américanité. Cette discrimination peut aisément être prouvée dans le cadre de l'ouverture d'un compte, mais elle est plus difficile à établir concernant l'accès aux services financiers. Le droit au compte qu'évoquait le rapporteur général constitue un bon exemple, puisqu'il n'offre qu'une fragile protection. Il suffit en effet de posséder un seul compte courant dans une banque, sans avoir droit à aucun produit financier ou placement, pour que le droit au compte soit considéré comme respecté.