Intervention de Antoine Dulin

Réunion du jeudi 18 avril 2019 à 11h45
Mission d'information sur l'aide sociale à l'enfance

Antoine Dulin, rapporteur de l'avis Prévenir les ruptures dans les parcours en protection de l'enfance, du Conseil économique social et environnemental :

La question de la relation parents-enfants-éducateurs étant sensible, voire, parfois, intime, je parlerai de mon expérience et non au nom du CESE,

Je vous ai cité, en début d'audition, la phrase de Simon, dans Ma vie de Courgette : « Nous n'avons plus personne pour nous aimer. » Aborder la question de l'affection, que ce soit dans les lieux de placement, les AEMO, les familles, est extrêmement sensible, voire tabou. Pourtant, un enfant a besoin d'être aimé, c'est la première chose qu'il demande. J'ai eu la chance d'avoir des parents aimants, or c'est cela qui structure l'enfant et son éducation.

Toutefois, le débat avance, les éducateurs s'autorisant maintenant à dire qu'ils ont une relation affective avec un enfant, ce qui ne veut pas dire qu'ils doivent l'accueillir le soir ou le week-end chez eux ; il s'agit simplement d'un lien particulier qui a été établi avec un enfant placé en MECS ou en famille d'accueil. En tout cas, imaginer que ce lien ne puisse pas exister, comme nous l'entendons parfois, est contre-productif.

Ce lien doit donc être réaffirmé et, la question doit peut-être même être abordée dans le cadre des formations initiales – le droit d'aimer les enfants accompagnés. Ce sujet est tabou, car d'aucuns craignent que cette relation affective puisse se transformer en autre chose – amour, harcèlement, etc.

J'ai longtemps dirigé un mouvement d'éducation populaire et de jeunesse, un mouvement de scoutisme, où la question se pose aussi. Or nous n'empêchons pas, heureusement, les animateurs d'entretenir une relation affective avec les enfants, qui ne dépasse évidemment pas le cadre de la loi. Je suis persuadé que ce lien permet d'aider et de faire grandir les enfants.

S'agissant des relations parents-enfants, nous n'arrivons toujours pas à débattre sereinement de la question de l'autorité parentale. L'autorité parentale est souvent maintenue pour préserver le lien parental et permettre à l'enfant de retourner dans sa famille, si un jour la situation le permet.

Mais Adrien Taquet disait justement ce matin, que le lien familial et l'autorité parentale pouvaient être rompus si les conditions l'exigeaient et que, en conséquence, l'adoption devenait possible ; c'est une avancée.

Nous devons, cependant, faire évoluer l'autorité parentale qui est nécessaire pour un certain nombre d'actes et de mesures et qui empêche, par exemple, l'enfant de partir en classe verte, en colonie de vacances… Nous pourrions envisager que le juge puisse décider de maintenir le lien familial sans pour cela accorder aux parents l'autorité familiale, qui pourrait être déléguée, soit au référent ASE, soit aux associations et aux familles habilitées à accueillir ces jeunes.

Concernant les enfants à besoins multiples, il serait en effet bon de rouvrir des lieux de vie, tel que le Colibri dans les Yvelines. Un lieu qui accueille huit jeunes durant huit à douze semaines, pour travailler sur leur projet. Ils participent par ailleurs aux activités diverses du centre de formation – restauration, patrimoine, jardinage, menuiserie, etc. Bien évidemment, un tel lieu de vie nécessite un budget, les éducateurs étant plus nombreux que dans une MECS.

Je vous ai également cité l'exemple de l'ISEMA en Eure-et-Loir, une structure socio-éducative et médicale, qui est d'ailleurs menacée de fermeture, pour manque de moyens. Enfin, les ARS développent dans certains territoires des équipes mobiles de psychologues, de psychiatres, qui vont à la rencontre des enfants de l'ASE. Il serait enfin intéressant de restaurer le statut d'assistant familial thérapeutique.

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