… diminution du temps de défense des motions, suppression de la motion de renvoi en commission mais, aussi, mise en place d'une procédure de législation en commission. Celle-ci vous épargnerait les remous éventuels des débats en séance. Vous savez fort bien que ces dispositions remettent également en cause la publicité des débats. Si les textes ne passent pas par l'hémicycle et sont avalisés en commission, pensez-vous que la lisibilité de nos institutions en serait améliorée ? Non, bien sûr que non !
Aujourd'hui, une majorité aux ordres obéit en tout et pour tout au Gouvernement, dans des proportions inconnues jusqu'alors. Avec vos propositions, les députés seront désormais au garde-à-vous en commission et la pression citoyenne s'exercera d'autant plus lointainement.
Pour reprendre la célèbre formule de François Mitterrand, vous êtes les partisans zélés du « coup d'État permanent ». Tout pour le Président, des miettes pour l'Assemblée et, surtout, rien pour le peuple ! Le coup d'État permanent, c'est l'arbitraire. Dans notre régime mégalomaniaque de concentration des pouvoirs, le Président risque de perdre de vue la réalité des institutions démocratiques.
Rappelons l'affaire Alexandre Benalla, que vous avez vainement tenté de réduire à une histoire individuelle. Elle révélait au contraire un problème structurel de nos institutions. Que faisait un barbouze pareil au sommet de l'État ? Comment était-il même possible qu'il n'ait pas été immédiatement démis de ses obscures fonctions dès que le scandale a éclaté ? Les rappels au règlement, l'été dernier, nous ont permis de demander des comptes au Gouvernement. Nous avons fait usage des institutions pour contrôler effectivement les errements du pouvoir exécutif.
Vous voulez encadrer le droit de rappel au règlement. Nous y voyons une idée inspirée par le scandale d'État qui vient, je vous le rappelle encore une fois, de votre majorité, ou, si vous le préférez, du Président – même si, vous l'avez compris, en Ve République, c'est pareil. L'usage des rappels au règlement l'été dernier, alors que l'exécutif tentait de faire l'autruche sur l'affaire Benalla, a été un moyen pour l'Assemblée nationale de se faire respecter. Nous ne devons en aucun cas être soumis aux caprices d'un Président si arrogant qu'il provoquait alors avec une puérilité invraisemblable l'ensemble des Français : « Qu'ils viennent me chercher ! », nous disait-il, tout en refusant d'être auditionné en commission d'enquête !
Si je reviens sur cette histoire, outre le plaisir de la rappeler à ceux qui auraient été tentés de l'oublier rapidement, c'est pour vous dire ce que votre proposition de résolution signifie : alors que la nation entière s'interrogeait sur les manigances présidentielles, l'Assemblée aurait été obligée de continuer ses travaux, soumise comme d'habitude au Gouvernement. Cela signifie que vous inscrivez le mépris des parlementaires dans les textes.