Certaines images ont un effet dévastateur. Qui n'a pas en mémoire ces reportages sur une poignée de députés votant en pleine nuit un texte de loi prétendument utile, important, essentiel ? Qui ne s'est pas interrogé sur les conséquences délétères pour notre démocratie d'un tel absentéisme ? Et je vous invite à nous compter ce soir…
Qui ne sait pas que, dans la plus petite des associations, un quorum est obligatoire pour changer une virgule de statuts que personne ne lit ?
Et pourtant, alors que nous nous apprêtons à revoir le règlement de notre Assemblée, il ne semble nécessaire, évident, vital à personne de changer radicalement la donne si nous voulons être plus crédibles.
Il est vrai que vous avez trouvé, une fois de plus allais-je ajouter, un subterfuge pour sauver les apparences : vous avez décidé de faire voter dorénavant les textes le mardi, après la séance des questions au Gouvernement, un des rares moments où la grande majorité des élus est présente. Pour la communication, les apparences sont sauves : finies les images d'un hémicycle quasi désert lors d'un vote. Mais sur le fond, on se moque de nos concitoyens ! Les articles d'un texte pourraient donc être votés par seulement quelques députés, seul le vote final, parfois de pure forme, se faisant avec le gros de la troupe.
Il existe pourtant une solution, simple et ne coûtant pas un centime : aucun texte ne devrait pouvoir être voté si la moitié des députés ne sont pas présents ou représentés dans l'hémicycle. On ne peut pas nous expliquer, pour s'en lamenter, que les Français ne font plus confiance aux politiques et ne pas vouloir changer nos confortables habitudes d'élu de la nation.
Si nous voulons vraiment que la situation change, pourquoi ne pas découper notre travail en trois temps : un tiers sur le terrain, dans nos circonscriptions, un tiers en commission, un tiers dans l'hémicycle ? Les députés n'auraient alors plus d'excuses pour sécher les séances publiques ! Mais, c'est vrai, moins de lois seraient adoptées au cours d'une année…
Serait-ce un problème ? Pas si sûr. N'est-ce pas Emmanuel Macron qui, lors de sa campagne électorale, promettait de mettre un terme à l'inflation législative ? Nous ferions donc coup double : moins de lois mais des lois réfléchies et discutées par plus d'élus. Qui plus est, les Français seraient peut-être réconciliés avec leurs représentants ce qui, me semble-t-il, en vaut la peine.
J'aimerais aussi dire mon total désaccord avec vos propositions qui visent prétendument à rationaliser le travail parlementaire mais qui, en réalité, conduisent à un musellement de l'opposition – j'exagère à peine. Qu'il s'agisse du travail en commission au détriment des séances dans l'hémicycle, de la limitation des interventions sur l'article, de l'impossibilité de défendre des amendements identiques ou autres, c'est tout simplement inadmissible !
Enfin, vous vous doutez que je ne passerai pas sous silence le sujet des députés non inscrits. Les non inscrits n'ont pas les mêmes droits que les autres : derniers à prendre la parole, sans représentants pour faire valoir leurs droits, et surtout, jamais informés. Tout est fait, même pas contre eux, mais tout simplement sans eux. C'est tout le contraire au Sénat, où les sénateurs indépendants disposent de bien plus de moyens que nous, députés. Cette différence de traitement est aussi incompréhensible qu'injuste.
Certains ne comprennent pas où est le problème, oubliant trop facilement qu'en privant les députés non inscrits de droits, c'est à toute une partie des Français qu'ils demandent de se taire. Et quelle partie des Français ! Les résultats d'hier sont assez parlants.
Pour remédier à cette situation, j'ai une série de propositions à vous faire et je présenterai une quarantaine d'amendements pour permettre aux non inscrits de ne pas être traités en quasi-parias.
Je pense à la place que nous devrions avoir au sein de la Conférence des présidents, ou au temps législatif programmé, qui nous oblige, lorsque notre temps de parole est écoulé, ce qui arrive très rapidement, à rester dans l'hémicycle sans pouvoir intervenir. Je pense à l'impossibilité de demander des scrutins publics ou des suspensions de séance, à nos propositions de loi qui ne sont jamais examinées dans l'hémicycle, aux commissions d'enquêtes, et j'en passe.
Je connais, monsieur le rapporteur, votre volonté et celle du président de notre Assemblée, celle que vous affichez du moins, de rééquilibrer les choses. Vous connaissez mon engagement à ce sujet. Ce texte doit être revu, en profondeur. C'est la condition sine qua non à un retour de cette confiance dont vous vous réclamez si volontiers.