Intervention de Philippe Vigier

Séance en hémicycle du mardi 28 mai 2019 à 15h00
Transformation de la fonction publique — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vigier :

Si nous sommes d'accord sur la nécessité de transformer la fonction publique, cette réforme est difficile, et nos débats l'ont largement montré : difficile en raison de la crise sociale sans précédent que traverse notre pays depuis six mois ; difficile en raison des défis que nous devons relever pour répondre aux attentes des Français, qui veulent des services publics plus proches et plus efficaces ; difficile parce que cette réforme doit faire évoluer le statut des agents publics sans le fragiliser ; difficile, enfin, car ce projet de loi avait été initialement pensé selon une logique de réduction des effectifs des fonctionnaires. Le Président de la République avait en effet annoncé 120 000 suppressions de postes dans les trois fonctions publiques ; chacun sait que la crise des gilets jaunes a fait disparaître l'aspect quantitatif.

Dans un monde qui change à toute vitesse, nos fonctions publiques ne sont plus toujours à même de répondre avec efficacité aux besoins de nos concitoyens, et nos fonctionnaires sont parfois dans des situations précaires – je pense notamment aux très nombreux contractuels. La carrière de certains d'entre eux stagne, et ils souffrent d'un vrai manque de reconnaissance et d'attractivité de leurs filières.

Notre groupe attendait donc du débat parlementaire des avancées significatives pour transformer en profondeur les trois fonctions publiques – il a très peu été question de la fonction publique hospitalière – , et pour répondre aux attentes de nos concitoyens quant aux missions qu'elles doivent assurer. Mais cela n'a pas été le cas. Nous regrettons donc que cette réforme fasse évoluer le statut des agents publics sans qu'ait été définie la nouvelle organisation territoriale, qui aurait permis de savoir qui fait quoi.

Chacun le sait, il faut réduire les doublons et supprimer les lenteurs, qui, outre leur coût pour l'État et les collectivités, sont incomprises par nos concitoyens. Il faut des fonctions publiques efficaces, qui ne s'enchevêtrent pas dans certaines de leurs missions quotidiennes. Ce dont nous avons besoin, ce n'est pas moins d'infirmières, moins de policiers ou moins d'agents publics. Ce que nous ne voulons plus, ce sont des cloisons entre les différentes fonctions publiques ; c'est la perte d'énergie, la lenteur et les actions entravées qu'entraîne la présence des collectivités et de l'État sur les mêmes segments.

C'est pourquoi nous vous avions demandé – et peut-être finirons-nous par être entendus ? – un grand mouvement de déconcentration, attendu dans les territoires où l'on réinjecterait ainsi des fonctionnaires, et un vrai choc de décentralisation. Il faut faire confiance aux acteurs locaux ! Nous sommes prêts à vous accompagner dans cette voie.

Nous avons ensuite eu pour ambition de préserver – je dis bien préserver – le statut de la fonction publique dans ses principes de neutralité, d'indépendance, d'intégrité et d'égalité de traitement des usagers. Nos amendements visaient à prévenir les dérives néfastes à la pérennité de ces principes, comme celui relatif au pantouflage, mais vous les avez rejetés.

Sur la déontologie dans la haute fonction publique, des dispositions ont été adoptées et c'est un premier pas, mais vous n'êtes pas allés assez loin. La loi pour la confiance dans la vie politique est allée beaucoup plus loin, je le rappelle, pour les parlementaires. La chaîne d'action publique, qui s'appuie à la fois sur les élus et sur les fonctionnaires, doit être exemplaire à tous les niveaux. Il ne s'agit nullement de stigmatiser les grands corps, qui, comme la Cour des comptes, contribuent au rayonnement de la France ; mais tous les maillons de la chaîne d'action publique doivent évoluer, comme cela est d'ailleurs demandé aux parlementaires.

Nos amendements visaient également à accroître la mobilité entre les trois fonctions publiques, à travers la portabilité d'un CDI pour tout passage d'un établissement public à un autre. Votre refus risque de déboucher sur moins de mobilité et plus de précarité.

En termes de carrières, nous avons appelé en vain à un renforcement des compétences, notamment dans les domaines du numérique – révolution qu'il convient d'accompagner – et de la maîtrise d'une langue étrangère. Nous avons aussi souhaité qu'un engagement soit pris sur le paiement des heures supplémentaires non payées à ce jour. Quand on veut instaurer la rémunération au mérite, il est déjà important, me semble-t-il, de financer ces heures supplémentaires.

Nous avons aussi proposé que les contrats de projet, qui peuvent être une solution appropriée, soient calqués sur les CDI de chantier, et ce pour éviter la précarité. Une fois encore, vous n'avez pas retenu notre proposition.

Enfin, le recours accru aux ordonnances sur des sujets majeurs, comme l'organisation du dialogue social, la formation professionnelle ou la santé des agents, est dommageable à nos yeux.

Ce texte contient des avancées, je vous en donne acte, mais il est une occasion manquée de rendre les trois versants de la fonction publique plus modernes, plus attractifs, plus utiles et plus efficaces. C'est la raison pour laquelle la majorité du groupe Libertés et territoires s'abstiendra.

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