Intervention de Martine Regert

Réunion du jeudi 23 mai 2019 à 9h40
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Martine Regert, chargée de mission auprès du président-directeur général du CNRS pour le chantier de Notre-Dame :

– En ce qui concerne l'organisation de la recherche, nous inscrivons nos actions dans la durée, même si la question du chantier est plus immédiate. Nous devrons ainsi travailler en trois temps.

Tout d'abord, l'urgence du chantier. Plusieurs actions sont primordiales pour la recherche et nous sommes en contact constant avec le ministère de la culture. Si la récolte des matériaux n'est pas réalisée dans les règles de l'art, nous perdrons des informations, dont nous aurons besoin ensuite. C'est le travail que réalisent en ce moment le laboratoire de recherche des monuments historiques et la direction régionale des affaires culturelles, par exemple via la photogrammétrie de détection par drones. Il s'agit de récupérer toute l'information possible, d'inventorier les matériaux et de savoir d'où ils proviennent et où ils sont tombés.

Ensuite, nous devons faire un état des lieux des connaissances existantes sur la cathédrale, cette phase a commencé. Les équipes du ministère de la culture, du CNRS, des universités et des autres acteurs du monde de la recherche disposent déjà de beaucoup d'informations et nous allons lancer très prochainement une enquête via les laboratoires du CNRS, qui sont quasiment tous liés à des universités, pour recenser ce qui existe. Une partie de ces données a été publiée, mais une autre est inédite. En tout cas, les supports sont très variés et parfois dispersés. Notre rôle sera de faire un point à ce sujet et de rassembler tous ces éléments de manière à ne pas partir d'une page blanche.

Enfin, le temps long. La plupart des recherches ne vont pas commencer aujourd'hui, mais nous devons les préparer dès maintenant pour appréhender les questions de façon globale et systémique, sans isoler le monument de son contexte chronologique, culturel ou environnemental.

Les problématiques auxquelles nous faisons face concernent à la fois le passé, le présent et l'avenir – il faudra par exemple étudier les propriétés des matériaux nouveaux. En outre, elles sont interdisciplinaires : conservation et restauration, histoire de l'art, science des matériaux qui implique de la physique, de la chimie voire de la biologie, santé, etc. Les questions qui se posent sont extrêmement vastes et notre rôle est de mettre en musique ces différents aspects. Je prends un exemple : des contacts ont rapidement été pris pour lancer des relevés, alors que les données existaient déjà.

Tout doit être envisagé sur le long terme et il sera nécessaire de dégager des moyens financiers et humains à la hauteur des enjeux. Nous disposons pour cela d'un certain nombre d'opportunités, puisque le CNRS regroupe déjà une communauté qui se situe à l'interface du patrimoine, naturel et culturel, et des sciences physiques et chimiques et que nos partenariats sont extrêmement structurés et de long terme. De ce fait, nous pouvons mobiliser les capacités nécessaires assez facilement.

Cette catastrophe, comme cela a été dit, constitue aussi, malheureusement, un moment privilégié pour la recherche, puisque nous pourrons accéder à des matériaux qui étaient d'une certaine façon inédits. Il existe donc un certain enthousiasme des chercheurs pour accompagner le chantier et développer des problématiques spécifiques – le nombre de messages que nous avons reçus en témoigne. Il est important de coordonner ce mouvement et de permettre l'émergence de nouvelles interactions interdisciplinaires.

En tant que chargés de mission, Philippe Dillmann et moi-même devons identifier les thématiques prioritaires en lien avec nos partenaires et travailler de façon interdisciplinaire et interinstitutionnelle afin d'éviter les doublons, les redondances et la répétition de ce qui a déjà été produit comme recherche.

Pour cela, le CNRS a constitué une task force – en bon français… –, dont l'objectif, au-delà des actions d'urgence, est de coordonner la production des recherches scientifiques en ce qui concerne à la fois le chantier de restauration lui-même et la conservation des matériaux, des données et des connaissances. Comme cela a été dit, il s'agit de données matérielles et immatérielles. Il s'agira de produire de nouvelles connaissances sur l'histoire des monuments médiévaux dans un contexte large. Nous sommes en train de coordonner les équipes et de mettre en relation les acteurs de façon interdisciplinaire ; ainsi, nous allons réunir très prochainement des groupes de travail pour entrer dans la phase opérationnelle et nous sommes aussi en train de réfléchir aux modalités de financement de ce processus. Au regard des enjeux qui sont hors normes, les travaux sur ce monument doivent être véritablement collectifs.

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