Intervention de Stéphane Mayer

Réunion du mercredi 15 mai 2019 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Stéphane Mayer, président-directeur général de Nexter :

En effet, excusez-moi, ce n'est pas devant la commission. Il s'agit d'une séance de travail avec M. le rapporteur pour avis. Mais je vous remercie de m'avoir posé cette question, qui me donne une bonne occasion d'en parler devant la commission.

Il s'agit d'un programme sur lequel nous avons énormément travaillé, en particulier avec la DGA et les services de l'État, depuis 2017. Il est aujourd'hui en bonne voie puisqu'il ne manque plus que l'approbation, que j'espère proche, de l'Assemblée nationale pour que ce contrat devienne une réalité. C'est un contrat prévoyant la réalisation de 440 véhicules du programme SCORPION France et le fait d'avoir convaincu un client avant même leur entrée en service est déjà un beau succès, dont on peut féliciter la DGA, qui en a défini avec l'armée de terre les cahiers des charges, et les industriels qui les réalisent. C'est aussi un contrat important, il est question de 1,5 milliard d'euros tout compris. Je n'ai pas vérifié moi-même les chiffres, mais les contrats de cette importance de la France vers des pays européens ne sont pas si fréquents puisque, pour citer un journaliste, il représenterait le plus important contrat d'export de la France vers un pays européen depuis les Mirage 2000 commandés par la Grèce, ce qui n'est pas si récent.

Finalement, ce faisant, nous avons créé avec les services de l'État ce nouvel outil d'accord de gouvernement à gouvernement pour la vente de matériels français. Il est bien plus large que la seule vente de matériels puisque, vous le savez et l'avez d'ailleurs dit, il comprend aussi plusieurs axes de coopération autour des véhicules communs en matière de doctrine, de soutien, de maintenance et de formation. Il permet également, suivant un principe extrêmement fort que la Belgique s'est efforcée de suivre tout au long des discussions, une identité parfaite, ou quasi parfaite des véhicules. Cela permet, le cas échéant, si les deux gouvernements en éprouvent le besoin, de mettre en commun les forces armées des deux pays pour joindre leurs efforts, ce qui représente, à mon sens, une coopération très forte entre États, au service d'une vision européenne de la défense concrète, grâce à la mise en commun de moyens au bénéfice mutuel des deux pays.

Est-ce un accord précurseur ? Bien sûr ! Comme l'a très clairement indiqué Mme la ministre, l'outil de coopération que nous avons construit avec les services de l'État est destiné à être pérenne et à servir pour d'autres opportunités – d'autres opportunités pour SCORPION, nous l'espérons ; et d'autres opportunités pour d'autres véhicules et d'autres pays, puisque nous avons déjà des demandes. Bien des pays européens souhaitent utiliser de tels outils, auxquels ils voient de nombreux avantages comme s'appuyer sur un programme existant ou nouer des coopérations avec la France, pays important dans la défense européenne. Il est inutile de le dire, vous le savez. Cela simplifie parfois aussi les processus d'appel d'offres, de mise en concurrence. Nous avons donc déjà des demandes de pays, et pas seulement pour des véhicules du programme SCORPION. Je crois savoir par un autre groupe de défense, que je ne citerai pas évidemment, que des réflexions sont en cours pour des matériels non terrestres. Je m'en réjouis parce que la France s'est vraiment dotée d'un outil qui intéresse vraiment d'autres pays européens.

Une question, de M. Cubertafon, portait sur la munition Katana. Il s'agit d'une munition d'artillerie qui a vocation à accroître à la fois la portée et la précision des munitions actuelles du CAESAr. À cet égard, j'ai entendu un général d'artillerie irakien dire qu'il avait été particulièrement impressionné par l'efficacité de l'opération menée par la Task Force Wagram, équipée de CAESAr, qui a contribué à la lutte contre le terrorisme et à l'élimination de certaines poches de résistance. Il m'a dit que même nos alliés américains avaient été impressionnés par l'efficacité et la précision de ces systèmes.

Il n'en demeure pas moins qu'accroître la portée et la précision fait très clairement partie des objectifs qui ont été définis. Nous avançons sur le sujet, évidemment avec la DGA et l'armée de terre. Nous avons mis un programme en plateau et Nexter a décidé de mettre en place un autofinancement, c'est-à-dire sur ses fonds propres, et d'avancer sur le programme de développement et d'essais. Néanmoins, cela représente un investissement important, et nous espérons pouvoir disposer de financements de la part de la DGA. Les montants pour la mise au point d'une munition sont élevés et plus les financements que nous obtiendrons seront élevés, plus il sera possible de réduire le délai, sachant qu'il y a toujours des délais incompressibles de la boucle « développement, essais et qualification ». J'espère aussi que ce travail en plateau avec la DGA et l'armée de terre sera de nature à raccourcir les délais.

M. Pueyo a posé la question du Fonds européen de défense. C'est un sujet qui nous importe, nous y voyons un moyen de trouver, pour l'avenir, des financements complémentaires pour le développement de produits et de capacités. Les conditions d'attribution des crédits ne permettent pas, malheureusement, à KNDS de compter pour deux acteurs, un français et un allemand, puisqu'un des critères du FEDef est que les acteurs coopérants, qui doivent être au minimum trois, comptent pour un s'ils font partie du même groupe. Il n'en demeure pas moins que Nexter et KMW réfléchissent de leur côté à proposer des sujets qui pourraient être en coopération avec d'autres groupes. Cela donnera-t-il lieu, un jour, à des alliances un peu plus structurantes ? L'avenir le dira, mais nous travaillons sur des sujets innovants, comme la robotique, importante pour les armées et nous-mêmes, mais également dans les domaines plus traditionnels que sont l'artillerie et les blindés. Nous menons une réflexion et nous dialoguons avec d'autres industriels, pour nous inscrire dans cette opportunité de financement.

En ce qui concerne l'exportation, Monsieur Lachaud, j'ai exposé tout à l'heure la nécessité et le caractère indispensable d'exporter pour les groupes de défense au service de la France, l'influence de la France et la compétitivité de nos matériels.

Comme vous le savez, les exportations sont étroitement contrôlées. Ce contrôle relève de l'État et de services du gouvernement qui sont bien mieux informés que les industriels sur les coopérations de défense existantes et sur l'usage de nos matériels, et qui mesurent bien mieux que nous les enjeux diplomatiques de la France pris en compte dans les autorisations qui nous sont accordées ou pas. Le dispositif est serré, performant, et Nexter l'applique avec la plus grande rigueur. Nexter est, bien évidemment, totalement solidaire des engagements, des décisions politiques et des autorisations, qu'elles soient données ou pas.

Cela étant, je suis convaincu de la pertinence du dispositif si l'on envisage l'alternative consistant à laisser la place à des pays qui seraient bien moins soucieux que la France du respect d'un certain nombre de traités sur l'usage des armes. Ma réponse va peut-être vous décevoir mais, lors des opérations de maintenance que nous réalisons, nous ne sommes pas informés de l'usage des armes – tout comme nous ne sommes pas non plus informés de l'usage que la France fait de nos produits. Si je vous ai parlé de la Task Force Wagram tout à l'heure, c'est parce que des officiers français me l'ont dit et que c'est dans la presse. Mais les utilisateurs de nos produits ne nous donnent pas d'information quant à leur usage. Par ailleurs, de toute façon, nous sommes tenus par un certain nombre d'accords de confidentialité, relevant de la défense ou des contrats, et qui ne permettent pas d'entrer dans le détail.

Vous avez ensuite posé la question du surcoût. J'ai dit que plus nous exportions, plus nous étions compétitifs, amortissant ainsi les frais fixes. Il est évident que ce qui figure dans le rapport sur les exportations d'armement montre clairement quels sont les pays clients de la France – qui, généralement, ont été par le passé des clients de Nexter. Il est connu que, dans le passé, des équipements leur ont été vendus. Il est vrai aussi que si l'on se prive de 10 % ou 20 % de son chiffre d'affaires, la compétitivité se dégrade.

Je le redis : l'impôt est payé tout à fait normalement par Nexter au taux français, ainsi que toutes les autres taxes. Nexter est un grand employeur en France, puisqu'il y emploie plus de 3 000 personnes.

Je pense avoir répondu en même temps aux questions de MM. Lachaud et Favennec Becot sur le rapport de la DRM. Les personnes non habilitées ne peuvent en parler puisqu'il est protégé par le secret de la défense nationale, et je vous ai donné la position Nexter.

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