Voilà déjà quelques mois que la question de la mobilité des Français est au centre des débats publics, notamment en lien avec celle de la fracture territoriale, dont semble témoigner la récente crise sociale qu'a traversée notre pays. C'est pourtant sans attendre les récentes revendications sociales que le Gouvernement, fin 2017, a organisé les Assises de la mobilité, où la question de la gouvernance est apparue comme l'un des principaux leviers d'amélioration de la vie quotidienne de nos concitoyens.
« Mieux répondre aux besoins quotidiens des citoyens, des territoires et des entreprises » : tel est donc l'objectif ambitieux assigné à cette loi, plus spécifiquement à son titre Ier, dont je suis chargé en tant que rapporteur. Je mesure à ce stade déjà bien avancé de nos travaux la tâche qui est la mienne : faire en sorte, au-delà de toutes les chapelles partisanes, d'avoir pour seul horizon l'intérêt général. Je sais que cet objectif est partagé par une très large majorité d'entre vous, sur les divers bancs de l'hémicycle.
J'aborde donc la nouvelle phase de ma mission avec la même exigence que celle que je me suis imposée en commission : exigence envers moi-même de toujours conserver à l'esprit, au-delà des tentations primaires, l'impératif de faire primer l'intérêt général ; exigence à l'égard de chacun d'entre nous lorsqu'il s'agira de débattre des quelque 3 500 amendements déposés sur ce texte, dont plus de 800 pour le titre Ier.
Mon état d'esprit, alors que débutent nos débats, est le même que celui qui a prévalu en commission : le Sénat a apporté au texte des ajouts et modifications indéniablement utiles et bienvenus que nous aurions tort de ne pas conserver. C'est ce à quoi la commission du développement durable a veillé, tout en supprimant les dispositions issues du Sénat qui, sur certaines dispositions, avaient tendance à dénaturer la philosophie initiale du texte.
Je tiens à saluer humblement le travail de l'ensemble des membres de notre commission, qui, au terme de riches échanges et débats, sont parvenus à élaborer un texte de qualité, et je les en remercie. Je remercie également Mme la ministre et ses équipes, qui ont largement contribué à la qualité de nos échanges. Je nous invite à poursuivre sur cette voie en séance publique.
Permettez-moi enfin d'adresser mes plus sincères remerciements à l'ensemble des personnes que j'ai eu l'occasion de recevoir lors des auditions. Grâce à leur regard particulier, à leur expérience du terrain, à leur connaissance fine de la problématique des transports, elles ont énormément apporté. Toutes m'ont dit le plaisir qu'elles ont eu à travailler avec Mme la ministre et ses équipes dans le cadre des Assises de la mobilité, qui furent un exercice exemplaire. J'espère que le travail que nous aurons accompli ici permettra de mieux répondre à leurs attentes, en permettant de revenir à une version du texte plus proche des préprojets qui ont circulé préalablement au dépôt du projet de loi sur le bureau du Sénat.
Je sais notre assemblée capable de et disposée à prendre sa part pour atteindre cet objectif. J'ai déjà pris connaissance de quelques amendements allant en ce sens ; ils recevront de ma part un soutien sans réserve. En revanche, ceux qui auraient pour effet de complexifier un texte que l'on veut aussi simple et souple que possible pour les collectivités se heurteront à ma bienveillante mais ferme opposition.
Je le répète : ce texte est destiné aux territoires, à qui il appartiendra de s'en emparer le mieux et le plus rapidement possible, car les attentes sont grandes et anciennes. Vous le savez, la famille politique à laquelle j'appartiens, le Mouvement démocrate, est profondément attachée à la décentralisation, à la confiance envers nos territoires et leurs élus. Nous sommes également attachés et attentifs à la diversité de nos territoires, qui sont chacun spécifiques – c'est d'ailleurs tout le sens de notre engagement pour une plus grande reconnaissance du droit à la différenciation territoriale.
Si ma fonction de rapporteur m'oblige à me situer en dehors des questions d'appartenance à un groupe politique, mon ADN politique est tel que toutes ces questions figurent au centre de mes préoccupations. Pour autant, je ne crois pas au principe selon lequel la prise en compte des spécificités de nos territoires devrait systématiquement passer par l'insertion de dispositions particulières dans la loi. Chacun d'entre nous pourrait être enclin à céder à cette tentation pour contenter les habitants de son territoire. Je vois pour ma part une autre manière bien plus efficace de répondre à cette préoccupation légitime que souvent je partage : offrir aux collectivités un cadre ambitieux, souple et garantissant pleinement le respect du principe de libre administration des collectivités territoriales. En somme, ce dont nous avons besoin, ce dont nos collectivités ont besoin et ce à quoi nous devons travailler, c'est la définition d'un cadre de confiance et de responsabilité. Si les collectivités ne s'emparent pas des outils mis à leur disposition, si elles ne s'emparent pas pleinement de leurs prérogatives, elles devront en rendre compte devant les citoyens-électeurs.
Le cadre que nous sommes en passe de construire doit permettre une couverture totale du territoire par une autorité organisatrice de la mobilité, ou AOM. Il doit également permettre à la région d'assumer pleinement son rôle de chef de file, ce que semble rendre possible la réintroduction dans le texte, à l'article 4, des contrats opérationnels de mobilité. C'était l'une des principales craintes qui m'était apparue à la lecture du projet de loi initial : comment les régions auraient-elles effectivement assumé leurs prérogatives sans outil instaurant un minimum de contraintes et d'engagements réciproques ? comment trancher les désaccords ?
Ce cadre doit aussi permettre aux usagers et aux employeurs d'être mieux, plus étroitement associés aux décisions prises par les collectivités en matière de mobilité. Les dispositions de l'article 4 permettent aussi de répondre à cet impératif. Elles offrent aux AOM la possibilité d'associer au comité des partenaires tout acteur dont la présence paraîtrait utile, sans céder à la tentation d'une liste à la Prévert dans le texte mais en faisant confiance aux territoires.
Les préfets enfin auront également un rôle essentiel à jouer, en tant que médiateurs, pour s'assurer que, dans tous les territoires, les AOM pourront répondre au mieux aux besoins de leur population. Ils interviendront également pour lever les points de blocage susceptibles de nuire à l'atteinte des objectifs ambitieux de ce texte.
Je ne saurais conclure ce propos sans quelques mots sur la dimension sociale forte du projet, en particulier ses articles 6,7 et 7 bis, qui s'attachent aux questions des personnes en situation de handicap ou de vulnérabilité sociale. Le texte est de ce point de vue ambitieux ; nous pourrons en discuter et sans doute l'enrichir davantage encore.