Intervention de Bérangère Couillard

Séance en hémicycle du lundi 3 juin 2019 à 16h00
Mobilités — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBérangère Couillard, rapporteure de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire :

La mobilité est au coeur des enjeux de notre société. Les transports sont essentiels dans la vie quotidienne des Français : leur bon fonctionnement est indispensable pour se former, aller au travail ou retrouver un emploi, se soigner, accéder à la culture et aux loisirs. Toutefois, la politique des transports n'est plus adaptée aux besoins et aux attentes des citoyens, notamment de ceux qui sont les plus éloignés des grandes métropoles et des centres-villes.

En préparation depuis près de deux ans et fruit d'une très large concertation avec les territoires et les acteurs de la mobilité, ce projet de loi est une réponse forte aux fractures territoriales et sociales qui minent notre pays depuis des décennies. Plus de trente-cinq ans après la loi d'orientation des transports intérieurs, dite « LOTI », ce texte engage une transformation profonde de nos politiques publiques de transport.

Vous l'aurez compris, ce projet de loi, construit dans la concertation, s'adresse en premier lieu aux territoires et a pour vocation de répondre aux grands enjeux de la mobilité d'aujourd'hui et de demain, au service de tous et de tous les territoires. Il est de notre devoir à tous de répondre à la fracture territoriale et sociale devenue difficilement vivable pour nos concitoyens. Les ambitions sont claires et, je crois, partagées dans l'hémicycle.

Le titre II, « Réussir la révolution des nouvelles mobilités », pour lequel j'ai eu l'honneur d'être nommée rapporteure, s'y attelle tout particulièrement. Il ambitionne de développer l'innovation et de nouvelles solutions de mobilité mises au service de tous.

Pour apporter les meilleures réponses à la diversité des besoins, nous pouvons compter sur le formidable potentiel offert par l'innovation. C'est une magnifique opportunité qui crée un bouleversement inédit depuis l'émergence de la voiture individuelle. Cela passe par l'ouverture des données en temps réel des offres de mobilité pour voir émerger de nouveaux services porte-à-porte. L'ouverture des données et le développement des services numériques de mobilité – notamment de calculateurs d'itinéraires et de billettiques multimodales – sont essentiels pour encourager l'intermodalité et lutter contre l'« autosolisme ». Les données qui seront rendues accessibles permettront de voir émerger de nouveaux services qui simplifieront considérablement les déplacements quotidiens de nos concitoyens, en particulier des personnes en situation de handicap et à mobilité réduite. Ils permettront aussi de faciliter le recours à des formes de mobilités plus propres.

C'est pour ces raisons que le Gouvernement a choisi d'aller plus loin que le règlement délégué européen de 2017, en élargissant le champ des données, qui sera ouvert aux données dites « dynamiques », et en accélérant le calendrier d'ouverture des données – au plus tard en décembre 2021. C'est là un choix à la fois ambitieux et nécessaire qui permettra une information des usagers en temps réel.

Les articles 12 à 14 encouragent les innovations en matière de mobilité. Cela se traduit par la construction d'un cadre juridique applicable aux véhicules autonomes permettant notamment l'adaptation des règles de sécurité, de responsabilité ou encore de formation. L'ouverture des données des véhicules autonomes et connectés permettra également de mieux prévenir et intervenir en cas d'accidents, mais aussi de mieux connaître les flux de déplacements afin de mettre en place des services de transport adaptés aux besoins de nos concitoyens. L'article 14 crée un cadre juridique permettant le développement d'expérimentations de solutions de nouvelles mobilités, en particulier dans les territoires faiblement peuplés.

Le développement de ces nouveaux services de mobilité poursuit le même objectif : permettre un meilleur déplacement de nos concitoyens, en particulier pour celles et ceux qui n'ont actuellement que très peu accès à la mobilité, tout en favorisant le respect de l'environnement.

Cette loi fournira également tous les outils nécessaires pour accompagner le développement de l'autopartage et du covoiturage. Ces innovations ne doivent pas être l'apanage des grandes villes : elles doivent profiter à tous, dans tous les territoires – je tiens particulièrement à cet objectif.

Le covoiturage courte distance est une solution pour les territoires dans lesquels les transports collectifs ne permettent pas toujours aujourd'hui de répondre aux besoins quotidiens de mobilité des Français. Sept Français sur dix utilisent leur voiture pour leur trajet domicile-travail, voire huit Français sur dix dans certaines zones. Le covoiturage ne représente que 3 % des déplacements domicile-travail, ce qui n'est plus acceptable : nous devons faire en sorte que ce taux progresse.

Le projet de loi apporte donc des outils concrets favorisant le développement de cette pratique. Les collectivités pourront subventionner le covoiturage et ainsi aider celles et ceux qui utilisent de telles solutions pour leurs trajets domicile-travail. Ces aides seront défiscalisées : les Français qui en bénéficient n'auront donc pas à les déclarer aux impôts. Hors agglomération, des voies réservées seront créées, que les véhicules en covoiturage seront autorisés à emprunter ; ainsi, les « covoitureurs » bénéficieront d'un vrai gain de temps pour leurs trajets, en évitant certains embouteillages.

Le titre III permettra la création d'un forfait mobilités durables, l'objectif étant de proposer à tous les salariés qui réalisent leurs déplacements domicile-travail en vélo ou en covoiturage de pouvoir bénéficier de cette aide. Il s'agit de mesures concrètes visant un objectif de développement de la pratique du covoiturage.

L'essor de nouveaux services de mobilité partagée, en particulier des vélos et autres engins en free floating, solutions innovantes et peu polluantes, doit être également encouragé mais nécessite une régulation adaptée, en donnant aux collectivités les outils pour encadrer ces engins et assurer un partage équilibré de l'espace public pour tous ses usagers.

Les situations que nous connaissons actuellement avec le déploiement de ces services sur le territoire ne sont pas acceptables. Les collectivités se sont parfois retrouvées démunies face à l'arrivée de ces nouvelles offres sur leur territoire. Il convient donc de créer un cadre adapté permettant de concilier la préservation de la sécurité et de la tranquillité publique tout en garantissant le bon déploiement de ces nouvelles formes de mobilité. Je m'y suis attelée et je suis certaine que la solution que nous avons trouvée, dont nous discuterons à l'article 18, est la bonne.

Le projet de loi a été enrichi lors de l'examen du titre II par la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.

Par exemple, nous avons renforcé les pouvoirs de l'ARAFER, l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, concernant l'ouverture des données, en particulier pour les données d'accessibilité aux personnes à mobilité réduite.

Nous avons permis le développement de services numériques multimodaux efficaces tout en évitant tout risque d'intermédiation pour les opérateurs de transport dont les services sont vendus sur ces plateformes.

Nous avons adopté la publication et la transmission aux voyageurs des informations relatives aux retards et annulations de leur trajet pour que les passagers puissent faire valoir leurs droits.

Nous avons précisé le cadre des expérimentations de nouvelles mobilités qui pourront être menées dans les prochaines années pour prévoir des solutions de mobilité dans les territoires peu denses.

Nous avons prévu de sanctionner les conducteurs et opérateurs qui mettent à disposition des utilisateurs des trottinettes et engins de déplacement personnels débridés et roulant à une vitesse supérieure à 25 kilomètres à l'heure.

Enfin, le développement de plateformes numériques de mobilité, en particulier pour les VTC – les voitures de transport avec chauffeur – et la livraison, nécessite d'apporter des droits et des garanties aux indépendants qui travaillent par leur intermédiaire. C'est en ce sens que, dans les prochains jours, je défendrai des propositions concrètes pour que la charte prévue à l'article 20 du projet de loi initial soit complétée par un socle de droits dont bénéficieront tous les travailleurs des plateformes. À l'égard des travailleurs indépendants avec lesquels elles sont en relations, elles ont une responsabilité sociale, qui doit entraîner de nouveaux droits plus contraignants pour les plateformes.

Tout d'abord, il faut instaurer une obligation de transparence des plateformes de mobilité à l'égard de leurs travailleurs indépendants : avant chaque prestation, ceux-ci devront être informés de son prix minimum prévisible et pourront refuser de l'effectuer sans possibilité de représailles. La plateforme devra également publier sur son site internet des indicateurs sur le revenu d'activité, le temps d'activité et le prix moyen : il faut que la transparence soit de mise.

Les travailleurs indépendants des plateformes de mobilité pourront librement se connecter, se déconnecter et choisir leurs temps d'activité, sans être sanctionnés.

Enfin, le droit à la formation professionnelle doit être renforcé pour l'ensemble de ces travailleurs.

Ce sont des avancées réelles, auxquelles je crois et que je défends tout particulièrement devant vous, avec l'espoir qu'elles conduisent à une nouvelle forme de dialogue social qu'il est important d'imaginer et d'initier rapidement.

Vous l'aurez compris, l'ambition du texte, en particulier de son titre II, est d'apporter des réponses aux besoins de nos concitoyens, des réponses nécessaires pour améliorer le quotidien de millions de Français. Ce texte engage une transformation profonde, dont l'objectif est de répondre à l'impératif fixé par le Président de la République : améliorer concrètement la mobilité au quotidien de tous les citoyens, dans tous les territoires, grâce à des solutions de transport plus efficaces, plus propres et plus accessibles. Je suis convaincue que nous aurons des débats riches et de qualité, car nous partageons tous cet objectif, qui répond aux attentes de tous les Français.

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